Inquiétude sur les acquis démocratiques
N La requête, déposée mercredi dernier par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales contre l’association RAJ en vue d’obtenir sa dissolution, a suscité des réactions de partis et de militants politiques, qui y voient une tentative de remis
Plusieurs partis, organisations et militants politiques ont vivement réagi aux atteintes multiples aux libertés enregistrées ces dernières semaines. Ces réactions de dénonciations et d’indignation ont été formulées après une requête déposée mercredi dernier par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales contre l’association RAJ connue pour son engagement dans le hirak populaire. Par sa requête, le ministère de l’Intérieur demande la dissolution du RAJ en qualifiant ses activités comme contraires à la loi 12/06 régissant les associations, mais aussi à ses statuts en tant qu’association.
Le Front des Forces Socialistes (FFS) a en effet exprimé ses vives inquiétudes quant à l’évolution de la situation politique «caractérisée par les atteintes aux libertés». Dans une déclaration signée par le premier secrétaire, Youcef Aouchiche, ce parti de l’opposition a demandé au pouvoir de «cesser sa tentative de confisquer la vie politique, syndicale et associative, car elle ne ferait que creuser davantage le fossé entre le peuple et les institutions et encouragerait la logique de collision».
Réitérant sa «solidarité» avec les détenus d’opinion et toutes les organisations politiques, syndicales et associatives «victimes d’harcèlements», le plus vieux parti de l’opposition a mis en garde contre ces pratiques autoritaires qui tendent à remettre en cause le pluralisme, qu’il soit politique, syndical ou associatif. Rappelant que ce pluralisme a été arraché de «haute lutte» grâce aux «combats des Algériennes et des Algériens», le FFS a fait part de sa conviction selon laquelle «la construction d’un Etat de droit et de justice ainsi que d’institutions fortes et démocratiques passe forcément par la consolidation dudit pluralisme». Face à un climat politique tendu et délétère, le FFS a appelé à «privilégier la sagesse et la raison» et à aller vers un dialogue constructif pour
éviter des «situations incontrôlables».
ACQUIS DÉMOCRATIQUES MENACÉS
La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) s’est, de son côté, élevée contre le verrouillage de tous les espaces et la répression qui continue à s’abattre sur tous les militants qui contestent l’agenda politique du pouvoir en place.
Pour le vice-président de cette organisation, Saïd Salhi, c’est «la désillusion». «Incapable du changement démocratique revendiqué par le peuple dans le hirak pacifique pro-démocratie en marche le long de deux ans et demi, l’Algérie nouvelle s’attaque aux acquis démocratiques arrachés en Octobre 1988», a-t-il dénoncé dans une déclaration rendue publique hier.
«Les libertés publiques sont verrouillées, alors que le hirak a libéré l’espace public depuis février 2019», a-t-il relevé tout en insistant sur le caractère pacifique du hirak qu’il a démontré durant plus de deux ans.
Soulignant que les droits de manifestion publique et pacifique, d’organisation et de réunion sont mis sous scellés, M. Salhi a condamné «cette escalade de la répression», estimant que «les chiffres parlent d’eux-mêmes».
«2000 arrestations en deux semaines, 181 détenus d’opinion en 3 mois depuis la grâce de Tebboune en février dernier, des centaines de hirakistes en liberté provisoire... Le débat et l’espace publics fermés, les champs démocratique, politique, associatif et médiatique totalement verrouillés, et ce, à la veille des élections législatives imposée par la force», a-t-il dénoncé, tout en disant «non aux menaces des acquis démocratiques» et à «la dérive autoritaire en marche».
Le vice-président de la LADDH a rappelé dans ce sillage que «les partis politiques UCP et PST et l’association RAJ sont menacés, par le ministère de l’Intérieur, de dissolution, et que le PT, le MDS, le RCD et l’association SOS Bab El Oued, quant à eux, subissent un harcèlement manifeste qui cible leurs dirigeants et militants».
HALTE À LA RÉPRESSION
Ainsi, la LADDH dit appeler à «l’arrêt de la répression», réclamer la «libération de l’ensemble des détenus d’opinion et des journalistes ainsi que l’abandon de toute les poursuites à leur encontre». Des militants pour la démocratie, à l’instar d’Arezki Aït Larbi, se sont, eux aussi, élevés contre cette répression. «Cette guerre ouverte contre les Algériens, qui ont, majoritairement, exprimé leur désir de vivre dans la liberté, appelle à la plus extrême vigilance», a-t-il écrit sur sa page Facebook, considérant que «le pouvoir risque d’entraîner le pays vers une impasse tragique». Aussi, Djamel Zenati, ancien détenu de 1980 et militant politique, a dénoncé ce qu’il a qualifié de «dérive». «Tous les moyens sont mobilisés pour se débarrasser des voix discordantes. La dérive continue. Soutien total à l’organisation RAJ et son président», a-t-il écrit sur sa page Facebook. Le président du RCD, Mohcine Belabbas, dont le parti est ciblé par la justice, a de son côté dénoncé «l’instrumentalisation des tribunaux contre des dirigeants et des partis de l’opposition pour leurs déclarations et autres solidarités qu’ils ont exprimées envers les victimes de la répression». Pour le président du RCD, «s’il reste encore des cadres lucides au sein du pouvoir, il est temps qu’ils réagissent avant la grande contagion».