«Il faut un plan de secours dans le secteur de l'éducation au Sud»
BOULARBAH MAKHLOUFI. Coordinateur du CNADL pour Ouargla, El Oued, Tamanrasset et Illizi
Coordinateur du CNADL pour les wilayas de Ouargla, El Oued, Illizi et Tamanrasset, Boularbah Makhloufi commence par qualifier les conditions de travail dans le Sud de «catastrophiques», en énumérant les problèmes d'éloignement, de l'insécurité dans les logements de fonction, de transport, etc., ce qui expose le personnel, dit-il, à tous les risques. «Si au centreville, le problème de transport ne se pose pas, dans la périphérie, nous avons des enseignants qui font entre 80 et 160 km chaque jour pour rejoindre leur poste de travail. Nos collègues de Touggourt travaillent dans des conditions extrêmes, aussi bien sur le plan pédagogique que climatique. Nous avons un manque flagrant en enseignants de mathématiques, suscitant le recours aux contractuels, qui nous viennent souvent d'autres wilayas. Nous avons quelques enseignantes de Skikda, qui ont préféré louer des logements, alors que le loyer d'un petit appartement à Ouargla est compris entre 15 et 30 000 DA. Nous travaillons sous des températures qui atteignent parfois les 52°C, avec des climatiseurs qui ne fonctionnent plus.
Les tables sont dans un état lamentable, les laboratoires inexistants, alors que la surcharge des classes est effarante», dit-il, citant comme exemple le lycée Chahid Abidli Ahmed, au centre de Ouargla, qui compte 1100 élèves, repartis en groupes de 48. Pour lui, «il n'y a pas de politique de prise en charge sérieuse du personnel éducatif du sud du pays. Des budgets sont alloués aux 22 lycées et 60 collèges de la wilaya, mais ils restent très loin de la demande, notamment en ce qui concerne le volet hygiène et sécurité et ainsi que les dettes auprès des services des eaux. Je peux vous dire que la situation est catastrophique. Au lycée où j'exerce, à mon arrivée en 2019, j'ai trouvé une facture de consommation d'eau impayée de 350 millions de dinars à cause de laquelle l'approvisionnement en eau a été coupé durant 22 jours. Imagine un lycée de 1100 élèves, sans eau pendant trois semaines. Nous avions payé 46 millions de dinars, mais nous ne pouvions pas assainir le montant.
Avec la pandémie, nous sommes sans eau et nous passons notre temps à ramener ce liquide par la citerne de la commune». Pour ce qui est de la sécurité, les établissements «sont tous dépourvus de gardiens. Les gens refusent de travailler avec des salaires bas. Par exemple le lycée Slimani Hamma Laïd, avec 800 élèves, n'a qu'un seul agent qui fait le gardien et l'agent d'hygiène. Tous les établissements de Hassi Messaoud sont dans cet état et lorsque des appels à recrutement sont lancés, ce sont particulièrement les femmes qui répondent.
Peuvent-elles être recrutées comme agents de sécurité ? Les directeurs de l'éducation ne peuvent rien faire. Faute de moyens les plus élémentaires, ils sont impuissants. Pas de tableaux, de chaises, pas de vitres dans les fenêtres, de poignées de portes, de climatiseurs, de laboratoires, etc. C'est la situation de l'écrasante majorité des établissements éducatifs du sud du pays, restés à l'état des années 1950. Est-ce équitable d'organiser les examens du bac et du BEM au niveau national, sachant qu'au moment où les enfants du Nord sont sous une température clémente, avec des climatiseurs, ceux du Sud passent leurs épreuves sous une température de 52°C ? Il y a des inégalités criantes qu'il faut abolir». Pour notre interlocuteur, les lycéens et les collégiens du Sud, ainsi que leurs enseignants souffrent de l'éloignement et du manque de transport. «A Al Borma par exemple, l'internat est distant de 450 km de Ouargla, les élèves, notamment des nomades, n'ont pas de transport. Ils doivent attendre un mois pour aller chez eux ou revenir au lycée. Idem pour le staff pédagogique. Cela fait plus d'un an que l'établissement n'a pas de trésorier.
Les budgets de 2019 et 2021 sont bloqués. Aucune dépense n'a pu être effectuée. Le personnel travail à crédit. Est-ce normal ? C'est criminel. Les agressions odieuses commises contre les institutrices à Bordj Badji Mokhtar, sont inadmissibles et les responsables qui doivent être comptables, sont ceux qui les ont affectées dans une résidence non protégée. Il y a des maires et des directeurs de l'éducation qui font leur travail et dénoncent, à chaque fois, les dérives auxquelles ils font face.
Certains l'ont payé chèrement et n'ont trouvé personne pour les défendre. Ce qui n'est pas le cas pour beaucoup d'autres. Le secteur de l'éducation au sud du pays est sinistré. Il lui faut un plan de secours».
Les agressions odieuses commises contre les institutrices à Bordj Badji Mokhtar sont inadmissibles et les responsables qui doivent être comptables sont ceux qui les ont affectées dans une résidence non protégée.