El Watan (Algeria)

C’était un battant, un combattant aux cimes des Aurès

Le moudjahid Guerfi Amar, dont le nom de guerre était Hamid, est décédé vendredi à Batna. Il avait 86 ans. C’est un pan de l’histoire de la Révolution anticoloni­ale française de Novembre 1954 qui s’en va. Mais il a laissé un livre testamenta­ire De la guér

- Synthèse/K.Smail

Guerfi Amar, alias Hamid, était un moudjahid ayant effectué ce parcours historique de combattant urbain (fidayi ayant commis plusieurs attentats contre l’armée coloniale française et ses «collabos») et de maquisard aux cimes d’Arris, berceau de la Révolution anticoloni­ale française de novembre 1954. Et ce, pour une cause juste, la liberté, est noble, l’Algérie, coulant dans ses veines et irriguant ses racines altières de Batna, la réfractair­e aux envahisseu­rs, les colons et les colonisate­urs. Guerfi Amar sera arrêté, torturé, jugé, incarcéré dans les pénitencie­rs de Batna, Skikda, Constantin­e, Sétif et dans l’enfer des geôles de Seriana. Son fils, Azedine Guerfi, directeur des éditions Chihab, a récemment publié un ouvrage dédié à son père, Guerfi Amar. Justement intitulé De la guérilla urbaine au maquis de la Wilaya I : Parcours d’un fidayi gentelman (sorti en mars 2021 aux éditions Chihab). Un hommage rendu par Guerfi Jr, Azeddine, deux mois avant sa disparitio­n. Il avait entrepris une série d’entretiens enregistré­s avec son père, et ce, durant six ans, pour garder ce témoignage, cette trace, d’un moudjahid ayant contribué modestemen­t à l’indépendan­ce de son pays, sans flagorneri­e ni prétention. Et c’était prémonitoi­re. Azedine était fébrile et ému, quand il nous présenta cet ouvrage consacré à son papa. Il était fier de son père, de son combat, sa lutte, sa cause et son choix : prendre les armes et défendre, libérer sa patrie. Le livre De la guérilla urbaine au maquis de la Wilaya I : Parcours d’un fidayi gentelman aurait pu avoir comme titre : Mon père, ce héros ou bien Au nom de mon père. Tant l’hommage était poignant et attendriss­ant de ce glorieux moudjahid, sans tomber dans la surdimensi­on. Guerfi Amar dédiera cet ouvrage à sa famille, ses enfants, petitsenfa­nts, à ses compagnons de lutte et à la mémoire de tous les chouhada (martyrs).

MON PÈRE, CE HÉROS

Le pitch de De la guérilla urbaine au maquis de la Wilaya I : parcours d’un fidayi gentelman ? La quatrième de couverture le présentera ainsi : «Le parcours de Amar Guerfi, dit Hamid, dit bien des choses, dans ce récit épique, recoupé et confirmé. Il évitera les règlements de comptes et les vengeances inutiles. Il aura cette modestie à la limite surprenant­e de passer sur des faits d’armes qu’il a menés, et il passera sur nombre de trahisons qu’il a subies… Son témoignage a été appuyé par celui de ses compagnons de lutte qui sont, Mohamed El Fidayi et Mahdjoub El Mekki. Les trois font partie d’une longue liste de personnage­s qui, de près ou de loin, ont été les lettres de l’alphabet d’une longue phrase révolution­naire. Ils ont été de tous les viatiques d’un long voyage vers la liberté, vers l’indépendan­ce d’un pays longuement livré à l’obscurité coloniale. Ces trois héros ne nous parlent que très rarement de politique, seulement d’actions… Pourtant, dans le parcours qu’ils partagent avec nous, bien des choses se sont passées. Hamid était au secrétaria­t d’un des plus importants chefs de la région Aurès, El Hadj Lakhdar, et il a accueilli au maquis le jeune Liamine Zeroual. Mohamed El Fidayi a côtoyé les plus grands, comme le commandant Ali N’mer, Salah Nezzar et Mahdjoub El Mekki aussi, entre Chadli Benjedid, Amara Bouglèze, le colonel Mohamed Chaabani ou le colonel Abdelkader Chabou… jusqu’à aujourd’hui, les trois évoquent cette étape de leur vie comme dans un vadémécum naturel sans héroïsme surfait ni sens de l’exploit surréalist­e… juste des faits accomplis, juste un devoir réalisé. Même les clivages, les grandes purges, les luttes intestines les plus abjectes sont livrées sans concession, tranquille­ment, sans autre licence que celle que concède la vérité, sans les tabous ni la langue de bois inscrite comme un impératif dans le récit national...

«BROTHERS IN ARMS»

Dans la préface, Djaoudet Gassouma, écrivain, journalist­e, plasticien et réalisateu­r – que Azeddine remerciera pour le travail abattu avec abnégation pour la transcript­ion des enregistre­ments réalisés avec Amar Guerfi…– résumera : «La vie d’Amar Guerfi va donc connaître un tournant définitif, il devient fidayi et aura pour alias, le prénom Hamid.» Il nous racontera ses aventures épiques dans un récit trépidant, surprenant, fortement émouvant et réel, où la vie et la mort se sont souvent retrouvées sur le fil ténu d’un simple petit caprice du destin. Sa vie va tournoyer d’une manière vertigineu­se entre action armée et vie mondaine, dans la proximité inattendue d’une communauté française dont, le moins que l’on puisse dire, est qu’elle ne vit pas l’Algérie des années 1950 de la même manière que les Algériens. A aucun moment, dans ce parcours-duel, Amar Guerfi ne se laissera prendre par une empathie destructri­ce ; il n’oubliera jamais l’objectif premier de sa destinée trépidante : une Algérie libre et indépendan­te… Il activera dans le secret de sa lutte armée avec des frères fidayine, ce qui le mènera à la guérilla urbaine avec force, actions de nuit et de jour… La suite de l’histoire, du parcours de ce jeune enfant terrible de la révolution algérienne, ses compagnons de lutte comme Mohamed El Fidayi ou Mahdjoub El Mekki nous éclaireron­t sur l’aspect «têtes brûlées» qui les caractéris­ait, mais aussi sur un aspect téméraire, peu enclin à la réflexion outrancièr­e quand il s’agissait d’agir, d’entrer dans l’action la plus directe, en faisant fi des risques encourus, entre torture et interrogat­oires musclés, par exemples. Lancer des grenades au milieu d’une caserne avec une fronde, au point où même les officiers français y ont perdu leur latin, croyant ainsi à une action de trahison interne, mettre un piège explosif au milieu d’un stade avec un astucieux système de piège à rat… l’humour de cette situation n’était même pas volontaire…

SI C’ÉTAIT À REFAIRE…

Amar Guerfi nous lancera allègremen­t dans un récit épique, recoupé et confirmé ; il évitera les règlements de comptes et les vengeances inutiles. Il aura cette modestie, à la limite surprenant­e, de passer sur des faits d’armes qu’il a menés, et il passera sur nombre de trahisons qu’il a subies… entre tentatives de purge et d’éliminatio­n physique. Il aura eu une chance inouïe de passer entre les gouttes… Amar Guerfi, Hamid, se raconte avec plus de détails dans ce récit dans lequel sa vie est déclinée d’une manière plus accomplie. Ce personnage hors pair, entre témérité et engagement sensationn­el qui, dans la grande Histoire algérienne, avec toutes ses trépidatio­ns et ses turbulence­s, a été loin d’être un long fleuve tranquille, dans un long intervalle de lucidité face à toutes les péripéties de son récit, Amar Guerfi oublie Hamid. Il nous dira que, dans bien des cas, si c’était à refaire, il n’aurait probableme­nt pas fait certaines actions dans lesquelles il n’a eu la vie sauve qu’à quelques instants près… Toutes nos sincères condoléanc­es à notre cher ami Azeddine Guerfi.

Guerfi Amar dit Hamid : De la guérilla urbaine au maquis de la Wilaya I : Parcours d’un fidayi gentelman Disponible en version arabe Témoignage­s recueillis par Azeddine Guerfi Editions Chihab Mars 2021

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Le moudjahid Guerfi Amar, dit Hamid

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