«Sarah s’est convertie à l’islam : ni les musulmans n’en ont tiré profit ni les chrétiens n’y ont perdu»
Sachant que je réside en Suisse depuis des décennies et ayant des relations élargies avec les hommes de culture et de culte en général, comme les adeptes du judaïsme et du christianisme, en tant que membre représentant notre communauté musulmane depuis de nombreuses années au sein du Conseil du dialogue interreligieux suisse, quelques-uns de nos cheikhs m’ont contacté durant le Ramadhan dernier ainsi que quelques-uns de nos frères algériens, vivant en Europe pour me solliciter d’écrire un article présentant aux lecteurs un savant suisse nommé Hans Küng, l’un des plus grands théologiens catholiques bien connu, et un des pionniers en quête de vérité dans le monde contemporain, après son décès. Répondant à leur demande, il est de mon devoir de clarifier les points suivants : 1- La nouvelle du décès de l’éminent savant helvète, à l’âge de 93 ans, le 6 avril dernier, est un fait connu de tous, et n’est nullement un secret. En effet, tout le monde en a entendu parler, suite à l’information diffusée par les réseaux sociaux maghrébins et arabes tout particulièrement et via divers organes de presse, occidentaux et arabes des pays du Golfe. Hans Küng est décédé au terme d’une vie féconde en apport scientifique, selon l’annonce des médias occidentaux et du monde arabe. Mais ce qui attira mon attention, en lisant cette information, c’est leur commun accord – surtout les médias du monde arabe –, sur le fait que l’éminent théologien était un converti à l’islam depuis un certain nombre d’années. L’histoire de sa prétendue conversion a été relatée par une grande référence, auquel je voue un grand respect ainsi qu’à ses oeuvres, et une considération, surtout pour son objectivité scientifique bien connue d’ailleurs. Il s’agit du professeur égyptien Raghib Assardjani – qu’Allah le protège – selon ce qu’il mentionne dans son livre en arabe intitulé Uzama aslamu (illustres personnalités converties à l’islam).(1) Je n’avais pour ma part jamais imaginé que le professeur Sardjani puisse commettre une telle erreur, soit l’histoire de la conversion à l’islam du savant suisse Hans Küng. Illustrant le proverbe libanais : «Sarah s’est convertie, mais ni les musulmans n’en ont tiré profit ni les chrétiens n’y ont perdu.» Je ne veux en aucun cas sous-estimer la valeur scientifique ou religieuse du professeur, mais je veux tout simplement corriger une énorme erreur, propagée depuis une décennie, dans les milieux de la communauté musulmane, laissant entendre que le grand théologien s’est converti à l’islam, chose qui est totalement infondée. Hans Küng est considéré, sans aucune ombre de doute, comme l’un des plus grands théologiens catholiques contemporains qui ont marqué de leur empreinte les études critiques du christianisme en général, et du catholicisme en particulier. Il est en outre considéré comme un précurseur en matière de recherche de la vérité en tant que chrétien, en se dévouant à la quête de la vérité partout où elle se trouve! Après des recherches ardues, des études comparées dans le domaine du dogme chrétien, une investigation d’une grande précision, avec un esprit vif, une pensée ardente, et une intelligence éclairée, qui l’ont haussé en 1986 au rang de directeur de l’Institut des recherches oecuméniques à Tübingen, en Allemagne, et en distinguant la claire vérité de l’erreur dissimulée, il en est arrivé à la déduction suivante : - l’islam est une religion divine authentique ; son prophète Mohammad a bien reçu la révélation divine et en a diffusé le message, selon les ordres et les directives divins. Cependant, le grand théologien n’a jamais annoncé sa conversion présumée. Par contre, ce qui est connu du commun des mortels en Europe, c’est le fait qu’il n’a jamais renoncé à son credo chrétien, ne serait-ce que d’un iota ! Malgré cela, le célèbre théologien n’a pas hésité à divulguer les vérités qu’il a découvertes, vérités qu’il n’a pu dissimuler par devoir de vérité. Chose qui a causé maintes querelles et un grand malentendu au sein de «la maison chrétienne». C’est ainsi qu’à commencé un conflit entre cette vérité et les défenseurs du conservatisme catholique, surpris par l’éminent savant, doté d’un haut niveau intellectuel, qui demande l’équité pour l’Islam et la reconnaissance du message du prophète de l’Islam. Le désaccord atteint son apogée avec le pape lors du Concile Vatican 2, après l’édition de son livre choc qui met en lumière le christianisme et les autres religions.(2) Ce qui attire l’attention, c’est la proclamation du théologien avec la ferme certitude que Muhammad fut un vrai prophète au sens propre du terme, et que toute autre affirmation n’est qu’une prétention erronée et une illusion fausse et à court d’argument. Hans Küng a pu ainsi défendre l’Islam et faire face aux idées de l’Eglise catholique, qui ne pourra par la suite nier la prophétie de Muhammad et le fait qu’il fut un authentique prophète ayant reçu la révélation divine. Hans Küng a pu ainsi présenter d’irréfutables preuves et rejeter les arguments infondés de ses adversaires en matière de religion musulmane et de son prophète. Il a en outre prié ses adversaires, courroucés contre lui, au sein de l’Eglise catholique, d’essayer de comprendre l’Islam, d’être en accord avec leur conscience et d’assumer leur devoir, ne serait-ce qu’une fois dans leur vie, envers cette religion mondiale tant reniée. Cependant, il paraît évident que les prêtres catholiques ont répondu à son appel, en étudiant le Coran et en cherchant à comprendre les principes de l’islam et de son credo. Lorsqu’ils ont étés convaincus de la vérité, deux d’entre eux (membres du diocèse de Paris), se sont convertis à l’islam. Cependant, Hans Küng lui-même n’a pas embrassé l’Islam.(3 ) Ce que Hans Küng a dit à propos du prophète Muhammad dans son livre : Je n’ignore pas que bon nombre d’érudits ont écrit sur ce sujet bien avant le grand théologien en question, c’est-à-dire «la reconnaissance du message du prophète Muhammad» (SAWS), à savoir des érudits occidentaux. L’événement n’est pas nouveau certes, car il s’agit là de témoignages de quelques savants mus par l’objectivité concernant le prophète de l’islam. Par contre, ce qui est nouveau, c’est bien la documentation de ces témoignages et leur traduction en langue arabe. Il est de coutume d’entendre que tel ou tel savant chrétien, ou que tel orientaliste fait l’éloge du prophète Muhammad. Hans Küng ne fait pas exception. Il a d’ailleurs écrit : «Dans le cas des adeptes des autres religions, la personnalité historique est auréolée par un certain nombre de mythes... par les adeptes de cette même religion, cela n’est pas le cas en ce qui concerne Muhammad.» (SAWS). Et de poursuivre : «Il est totalement faux d’accuser l’islam de religion de glaive et de feu, tout en ignorant son contenu religieux. Il ne fait aucun doute que les Arabes, par le biais du prophète Muhammad (SAWS), se sont érigés à niveau supérieur d’éthique et de religion, fondé sur une foi inébranlable en un Dieu unique et une éthique humaniste fondamentale. Muhammad (SAWS) fut sans aucun doute un authentique prophète, qui ne diffère en rien des autres prophètes des fils d’Israël, dans maints aspects. Cependant, les musulmans accordent beaucoup d’importance à une vérité essentielle : c’est que Muhammad ne se trouve pas au centre de l’Islam, comme l’a été le Messie au centre de la chrétienté, car en islam, la parole divine ne s’est pas incarnée sous forme de personne humaine, mais bien sous forme d’un livre révélé. Et le Coran, dans son texte original, se trouve avec Dieu au centre de l’Islam.»(4 )
LES IDÉES PRINCIPALES DE HANS KÜNG
Hans Küng s’est opposé à l’isolationnisme du Vatican et son auto-soutien, ce qui l’a poussé à une forme de dictature, Kung disait alors : «Le Vatican a négligé pendant des siècles sa mission spirituelle en accaparant pouvoir et fortuné avec le règne du pape, qui fait figure de roi au pouvoir totalitaire.» Il a en outre comparé la coutume de l’église, quant à la soumission aux chefs religieux, à la méthode de pensée des chefs militaires dans l’Allemagne nazie ! Küng a réclamé le droit au mariage des hommes d’église et que l’élection des prêtres se fasse par le biais de simples curés. Et non par voie d’un suffrage secret au sein d’un conseil de cardinaux. Il s’est battu en outre pour la concrétisation des droits d’égalité pour les femmes au sein de l’Eglise, disant : «Le contrôle des naissances, auquel l’Eglise s’oppose, doit relever de la sphère privée et de la conscience individuelle.» Küng a critiqué maintes fois les papes Jean-Paul II et Benoît XVI, en insistant sur le fait que son projet n’est en aucun cas une construction intellectuelle isolée, mais il met en lumière les valeurs éthiques autour desquels se rencontrent les grandes religions dans le monde, malgré leurs divergences, et qu’il est possible de les voir sous l’angle de critères droits en cheminant vers la plausibilité de ces critères convaincants selon l’esprit laïque. Hans Küng s’est montré satisfait et en bon accord avec les efforts déployés par le pape Benoît XVI, au profit du dialogue interreligieux, et ce, lors d’une rencontre réunissant les deux hommes. Mais le théologien a précisé que leur rencontre n’a pas abordé des sujets essentiels, tels que le mariage des prêtres, le clergé féminin, le contrôle des naissances, l’euthanasie. Le Concile du Vatican II pensait que Hans Küng représentait la menace la plus grave pour l’Eglise catholique, et ce, depuis le temps de Martin Luther King, dont les propos critiques contre la papauté ont favorisé l’apparition de la réforme protestante. Nombre de conservateurs catholiques n’hésitent pas à nommer Hans Küng «Martin Luther Küng». Küng a été très violent dans ses diatribes contre l’Eglise vu les dires de certains de ses adeptes. En effet, en date du 29 octobre 2009, à titre d’exemple, le responsable du quotidien du Vatican Gian Maria Vian s’est opposé à un article écrit par le théologien suisse concernant le Manifeste Historique du Saint-Siège pour permettre la fusion avec l’Eglise catholique de nombre d’anglicans. L’article est sous-titré : «La politique du pape face aux anglicans est un drame !» dans le quotidien français Le Monde, où l’ex-président du Conseil papal pour la consolidation de l’Union chrétienne, le cardinal Walter Kasper, a adressé l’année dernière un message oral à Hans Küng, disant : «Hans Küng a critiqué durement le Vatican. Mais dans le plus profond de son coeur, il est resté le fidèle fils de l’Eglise catholique, et n’a jamais pensé l’abandonner. Il voulut faire de son mieux au sein de l’Eglise, tout en demeurant un chrétien catholique. Ses idées théologiques au langage clair et compréhensible, qu’il a publiées, aida nombre de personnes à rencontrer la foi, tout en restant fidèles à l’Eglise.» Enfin, en date du 6 avril dernier, la Global Ethic Fondation, qui est une association internationale d’éthique, travaillant à la consolidation du dialogue et de l’échange entre les cultures et les doctrines religieuses, a annoncé le décès de son fondateur, le professeur Hans Käung (19282021), le théologien catholique libéral, qui a critiqué l’idée de chasteté papale dans son livre Infaillible ?(5) Au jour suivant de son décès, l’Académie pontificale pour la vie a écrit : «Hans Küng fut une grande personnalité dans le domaine des sciences théologiques au XXe siècle.» Avant de poursuivre : «Que ton âme repose en paix, grand et courageux théologien.»
Références : 1)- Dr Ragheb Al-Sarjani, Uzama aslamu (Des grands se sont convertis à l’islam), pp.78-80, Dar Al-Kutub Al-Masrya, 1re édition 2013 2)- Mufid Al-Ghandour, Al-Islam yastafi min al-Gharb al-uzama (L’Islam élit les plus grands occidentaux), p. 170. 3)- La source précédente, p. 171. 4)- Shawqi Abu Khalil: Al-Islam nahr yabhath an majra (L’islam est un fleuve à la recherche d’un cours), Dar al-fikr, p. 15. 5)- www.global-ethic.org