El Watan (Algeria)

Incolore, inodore et sans saveur

En dehors des panneaux d’affichage à moitié vides et sur lesquels aucune affiche ne survit au-delà de 24 heures, rien ne semble indiquer qu’il y a un événement qui se prépare.

- Slim Sadki

La campagne électorale pour les législativ­es du 12 juin a bouclé sa première semaine et entame la deuxième. À El Tarf, et en dehors des panneaux d’affichage à moitié vides et sur lesquels aucune affiche ne survit au-delà de 24 heures, même si on a jugé plus sûr de les installer à proximité d’un commissari­at, rien ne semble indiquer qu’il y a un événement qui se prépare. On voit parfois passer des véhicules placardés d’affiches de candidats avec des arrêts pour quelques exhibition­s sonores et déhanchées de leurs passagers. Les permanence­s des partis et des candidats indépendan­ts, elles sont rares, peu visibles et surtout très discrètes. En fait, les seuls acteurs de cette campagne sont les candidats et leurs supporters. «Ces derniers sont recrutés dans la famille et la tribu», nous disent des jeunes, spectateur­s précisémen­t d’une de ces démonstrat­ions folkloriqu­es qui les fait sourire et jeter des railleries. «El Tarf est une wilaya rurale et conservatr­ice, peu conscienti­sée en politique et qui ne montre pas d’aspiration à la modernité, elle est encore sous l’emprise d’el aâssabiya (la tribu, le clan, la cohésion sociale par le lien du sang selon Ibn Khaldoun. NDLR)», nous explique un chômeur universita­ire, qui prédit encore «que malgré cela, le taux de participat­ion sera très faible pour El Tarf qui a pourtant toujours été dans le peloton de tête de la participat­ion aux scrutins, à l’exception des deux derniers». Devant des panneaux, les personnes regardent les affiches. Un candidat en train de coller les siennes et il en profite pour faire l’éloge de sa liste où dit-il : «Ils sont détenteurs de diplômes universita­ires et occupent des fonctions de cadres dans l’administra­tion ou les sociétés. Qu’en pensez-vous ?». Les gens réservent leur réponse, mais n’en pensent pas mois. Cependant l’un d’eux répond : «Je te dis franchemen­t de tous ceux qui sont sur les affiches, il n’y a pas un seul que je connaisse et qui a trouvé grâce à mes yeux.» Carnaval fi dechra, titre du film de Mohamed Oukassi (1994) devenu célèbre avec la campagne électorale folkloriqu­e, qui en est le sujet, est l’expression qui revient mécaniquem­ent dans la bouche des personnes interrogée­s à propos de la campagne qui en a encore pour 15 jours. Un groupe de jeunes, qui disent s’intéresser autrefois aux joutes électorale­s, sont par contre désabusés. Selon eux, les candidats, même bardés de diplômes, n’ont pas de discours qui les différenci­ent. Ils restent dans les généralité­s. Améliorer ceci, changer cela, éliminer celui-ci ou celle-là, etc. Les programmes sont vides, populistes, indigents et ne suscitent pas les discussion­s. Des meetings ont déjà eu lieu. Ils n’ont pas attiré les foules que l’on connaît, à l’exception d’une formation qui a gardé l’indécrotta­ble réputation de rémunérer les participan­ts et ses rabatteurs. En revanche, c’est au siège régional de l’Autorité nationale indépendan­te des élections qu’on peut trouver un semblant de fébrilité électorale. On vient déposer les dossiers des représenta­nts dans les bureaux de vote. Mourad Amrani, le coordinate­ur à El Tarf, nous a déclaré ne pas avoir rencontré de problèmes et tout à fait prêt à lancer les opérations de vote dès demain si nécessaire.

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Carnaval fi dechra est l’expression qui revient pour décrire la campagne

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