La crise malienne au menu
Avec la nomination du colonel Goïta au poste de président de transition, la Cour constitutionnelle a officialisé un fait accompli auquel la Cédéao avait essayé de s’opposer après le coup d’Etat d’août 2020.
Les chefs d’Etat et de gouvernement la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont retrouvés hier en sommet extraordinaire à Accra, au Ghana, pour trancher la question du double putsch des militaires maliens. Dans son discours d’ouverture, le président en exercice de la Cédéao, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, a déclaré avoir convoqué ce sommet extraordinaire «devant la gravité des faits», et «réitéré son engagement à appuyer une transition pacifique au Mali et restaurer un gouvernement démocratique pour assurer la stabilité du pays et de la région», selon des propos recueillis par l’AFP. Un peu plus tôt dans la journée, cinq personnes ont été tuées dans une attaque de djihadistes présumés dans le sud du Mali, selon un responsable des services de sécurité. Déclaré vendredi président de transition du Mali par la Cour constitutionnelle de son pays, le colonel Assimi Goïta est arrivé samedi pour des «consultations», selon un courrier de la Cédéao.
Lundi dernier, les militaires ont arrêté le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane qui assurent la transition dans le pays. Cet événement intervient quelques heures seulement après l’annonce d’un nouveau gouvernement, que dominent toujours les militaires. En la circonstance, sont écartés des officiers proches de la junte qui a pris le pouvoir après le coup d’Etat d’août 2020 et dont Assimi Goïta est le chef. Des militaires détiennent toujours les ministères de la Défense, de la Sécurité, de l’Administration territoriale et de la Réconciliation nationale. Mais parmi les changements annoncés dans un communiqué lu à la radio-télévision publique, deux membres de l’ancienne junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Kone, quittent leurs portefeuilles respectifs de la Défense et de la Sécurité. Ils sont remplacés respectivement par le général Souleymane Doucoure et le général Mamadou Lamine Ballo. Mi-avril, les autorités de transition ont annoncé l’organisation, le 31 octobre, d’un référendum sur une révision constitutionnelle promise de longue date et ont fixé à févriermars 2022 les élections présidentielle et législatives à l’issue desquelles elles remettraient le pouvoir à des dirigeants civils.
LA «RAISON» DU COLONEL
Mardi, le colonel Goïta a indiqué avoir déchargé de leurs prérogatives le Président et le Premier ministre. Il a aussi affirmé, dans une déclaration lue à la télévision publique par un collaborateur, que «le processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022».
Vice-président, le colonel Goïta, à la tête des putschistes qui ont renversé le président élu, Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020, a reproché aux deux dirigeants d’avoir formé un nouveau gouvernement sans se concerter au préalable avec lui. Démarche qui constitue «une violation de la charte de transition (…), d’où une intention avérée de sabotage de la transition», a-t-il indiqué. La Cédéao a co-rédigé avec l’Union africaine, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), la France, les Etats-Unis et d’autres un communiqué rejetant «par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées».
Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali a évoqué l’éventualité de sanctions. La France et les Etats-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace. «La transition politique sera dirigée par un civil»
et «le vice-président de la transition (...) ne pourra en aucune manière remplacer le président de la transition», ont déclaré les dirigeants ouest-africains lors d’une réunion avec la junte le 15 septembre 2020 après le putsch d’août. La Cédéao a suspendu alors le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le Mali, à l’exception des produits de première nécessité. Elle a levé les sanctions quand la junte a paru se plier à ses exigences.