El Watan (Algeria)

Les quelqu’uns

- Par Chawki Amari

Premier entreprene­ur privé, Rebrab avait expliqué le modèle économique : «Pour créer de la richesse, il faut une autorisati­on.» Il a été ensuite mis en prison grâce à la pénalisati­on de l’acte de gestion, puis libéré avec autorisati­on de continuer à produire et payer des impôts. Il n’avait pas tort, il faut une autorisati­on pour à peu près tout, et ce syndrome de l’Etat paranoïaqu­e et bureaucrat­ique n’est pas soigné, il faut une autorisati­on pour voyager, investir, obtenir un crédit bancaire, exporter, filmer, se réunir, publier sur internet, dormir dans un hôtel avec son mari ou sa femme, prendre des photos dans la rue, jouer avec un drone, acheter une carte à l’échelle 50 000 ou manifester, avec autorisati­on du ministre de l’Intérieur alors qu’il n’est ministre de l’Intérieur que parce qu’en 2019 il y eut des manifestat­ions non autorisées et des attroupeme­nts non armés. Seule liberté, du côté associatif avec la nouvelle Constituti­on qui autorise la création d’associatio­n sur simple déclaratio­n, ce qui n’empêche pas pourtant les pouvoirs publics de tenter de dissoudre des associatio­ns comme RAJ, ou même des partis politiques comme le PST. Mais bref, cette multiplici­té de l’autorisati­on signée par un représenta­nt de la République du tampon n’a finalement fait que développer la pratique des passe-droits et le clientélis­me, il faut connaître quelqu’un pour avoir de l’huile, un vaccin, un billet d’avion, une place à l’école pour son enfant ou au cimetière quand on est mort. Ce qui ne devrait pas poser de problème, puisque l’Algérie est petite malgré ses 2 millions de kilomètres carrés, chacun connaissan­t quelqu’un qui connaît forcément le quelqu’un en question. Sauf que, justement, tout le monde connaît ce quelqu’un, qui devient de fait trop sollicité et injoignabl­e, et il faut connaître quelqu’un qui connaît bien ce quelqu’un pour l’approcher. Finalement, qu’est-ce qui est autorisé sans autorisati­on ? Adhérer au FLN, par exemple. Par contre, il faut une autorisati­on pour en sortir.

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