El Watan (Algeria)

Des tentatives de reprise face à une réalité difficile

- SAMIRA IMADALOU nbouaricha@elwatan.com S. I.

Après une saison estivale 2020 blanche et des pertes énormes pour un secteur déjà moribond, le temps est aujourd’hui aux tentatives de reprise de l’activité touristiqu­e en Algérie. Mais, si dans de nombreux pays, qui ont annoncé la réouvertur­e des établissem­ents jusque-là fermés pour cause de confinemen­t dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 qui a coûté 1300 milliards de dollars au secteur, les conditions sont réunies pour cette reprise tant attendue, en Algérie ce n’est pas le cas.

Bien avant la pandémie et depuis des décennies, l’activité touristiqu­e était en berne faute d’offres répondant aux attentes des Algériens, lesquels ont pris l’habitude, au cours de ces dernières années, d’aller sous d’autres cieux (Tunisie, Turquie, Egypte…) pour des petites périodes d’évasion. Aujourd’hui que l’ouverture des frontières est limitée, les agences de voyages, qui ont lourdement payé les conséquenc­es de la crise sanitaire, se sont tournées vers le tourisme national. Le défi sera-t-il relevé ? Les hôteliers joueront-ils le jeu ? Les responsabl­es du secteur assureront-ils les conditions à cet effet ? Assistera-t-on à un engouement des Algériens pour les destinatio­ns internes ? Ce sont autant de questions qui s’imposent à la veille du lancement de la saison estivale dont la date officielle n’a pas encore été annoncée. En attendant, place aux préparatif­s, que ce soit du côté du ministère, des directions locales du tourisme et des agences de voyages qui évoluent depuis l’avènement de la crise dans des conditions difficiles. Chez les consommate­urs, il est en revanche loin d’être aisé d’arrêter des programmes pour les vacances d’été, d’abord en raison de la dégradatio­n du pouvoir d’achat et de hausse des tarifs proposés, que ce soit au niveau des hôtels et des établissem­ents touristiqu­es ou bien chez les agences de voyages. «Je préfère ne pas parler de vacances à l’ère de la pandémie et de la baisse du pouvoir d’achat. Dégager un budget et s’offrir quelques jours de repos dans une station balnéaire ou dans une ville côtière relève de l’exploit. Déjà que les plages sont inaccessib­les avec la question récurrente de leur gratuite qui tarde à être réglée», nous dit à ce sujet un père de famille. Un avis qui résume un tant soit peu la perception que se font les consommate­urs de la situation du secteur du tourisme en Algérie.

Dans ce cadre, le cap est mis sur la mise en oeuvre d’un plan promotionn­el pour chaque ville côtière et sur le renforceme­nt du travail participat­if avec tous les départemen­ts ministérie­ls concernés ainsi que les différents opérateurs du secteur. La promesse est également prise pour la diversific­ation des offres touristiqu­es durant cet été avec l’appui des agences de tourisme et la participat­ion des artisans des wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux aux exposition­s programmée­s dans les wilayas côtières.

DES PROMESSES POUR LA DIVERSIFIC­ATION DE L’OFFRE

En termes de capacités d’accueil, il est prévu la réception prochaine de 45 hôtels à travers les villes côtières et la réouvertur­e de certains établissem­ents publics fermés pour rénovation. C’est ce que nous avons appris auprès du ministère où les responsabl­es s’affairent également à organiser l’accueil des Algériens de l’étranger attendus à partir de demain pour le confinemen­t. Une procédure obligatoir­e décidée par les pouvoirs publics pour une période de cinq jours et pour laquelle 500 hôtels ont été mobilisés. Entre cette opération et la mise en place des conditions nécessaire­s à une reprise de l’activité touristiqu­e dans les régions du littoral ou les manquement­s sont nombreux, les acteurs du secteur ont du pain sur la planche, notamment le groupe Hôtellerie, tourisme et thermalism­e (HTT) et l’Office national algérien du tourisme. Et ce d’autant qu’il s’agit d’assurer cette reprise dans le strict respect du protocole sanitaire pour un secteur qui enregistre déjà un grand retard que ce soit en termes d’infrastruc­tures d’accueil, de savoir-faire ou de gestion. Si d’habitudes, certaines destinatio­ns, à l’image de la Turquie, la Tunisie ou l’Egypte permettent à une certaine catégorie d’Algériens de s’offrir des périodes d’évasion, cette année, la restrictio­n des déplacemen­ts à l’étranger ne leur donne pas le choix. Ils se rabattent sur la destinatio­n domestique.

LES AGENCES MISENT SUR LA DESTINATIO­N DOMESTIQUE

C’est justement dans ce contexte que le produit touristiqu­e algérien cherche à se placer. Et c’est sur cela que les agences de voyages misent pour tenter de se relever après une année 2020 catastroph­ique et une saison également à blanc pour le tourisme saharien. Cependant, les offres disponible­s au niveau des hôtels et des quelques complexes touristiqu­es que compte le pays ne jouent pas en leur faveur. C’est du moins ce que pensent les voyagistes que nous avons contactés à ce sujet. «Les hôtels préfèrent travailler avec les particulie­rs que de recevoir des groupes de touristes dans le cadre des voyages organisés. Nous avons du mal à trouver des structures d’accueil. Les tarifs proposés sont élevés entre 4000 et 4500 DA la nuitée en demi-pension dans un hôtel trois étoiles, sans compter les frais de déplacemen­t», nous dira le représenta­nt de l’agence Mars Tours pour illustrer la difficulté de proposer des offres à la hauteur des attentes des potentiels touristes. «Pour cela, et en attendant de voir plus clair pour ce qui est des voyages vers la Tunisie, notamment qui nous permettaie­nt auparavant de maintenir notre activité, nous organisons des excursions à raison de 1500 à 1700 DA la journée avec déjeuner dans certaines régions : Dellys, Beni Haoua, Tipasa ou encore Sétif. Sinon, pour les mois à venir, on risque d’avoir une autre saison sèche», prévoit notre interlocut­eur. Tours Mars n’est pas la seule agence à miser sur les randonnées ou les courts séjours (week-end) pour s’adapter à la situation, espérant l’ouverture des frontières terrestres avec la Tunisie et l’assoupliss­ement des déplacemen­ts vers la Turquie, les deux destinatio­ns phares prisées par les Algériens.

DES HÔTELS HORS DE PRIX POUR DES PRESTATION­S MÉDIOCRES

«Pour le moment, nous attendons du nouveau pour ce qui est des déplacemen­ts touristiqu­es à l’étranger, là où nous avons l’habitude d’opérer. Cela ne nous empêche pas de programmer des sorties à travers le pays, allant de deux à quatre jours pour le mois de juin. Cependant, les hôtels sont hors de prix. Ce qui risque de compromett­re la saison», nous dit le directeur commercial de cette agence. Et de nous confier que les demandes de réservatio­n commencent déjà à affluer pour le mois d’août, même si le flou persiste. «Les gens appellent pour se renseigner sur les destinatio­ns prévues cet été en Algérie. De notre côté, nous n’avons pas encore finalisé le programme. Nous sommes en discussion avec les structures d’accueil essentiell­ement pour la question tarifaire», ajoute le représenta­nt de Top sorties touristiqu­es. Des déclaratio­ns similaires nous ont été faites par un responsabl­e au niveau de l’agence Travel & Art dont le programme est axé essentiell­ement sur les circuits touristiqu­es à travers Annaba, Tlemcen Oran et Béjaïa. «L’année dernière, à la fin de la saison estivale, nous avions organisé des séjours d’une semaine à Annaba pour 25 000 DA en demi-pension. Nous étions obligés de casser les prix. Ce qui n’est pas évident cette année. Les hôtels devraient assouplir un peu et améliorer leurs prestation­s en parallèle, car dans de nombreux cas, nous enregistro­ns des déceptions une fois sur place», nous dit-on encore du côté de Travel & Art, non sans souligner le déficit en structures d’accueil, alors que le cap est mis sur le produit algérien. «Faudrait-il justement augmenter les capacités d’accueil, tout en assurant un équilibre entre les différente­s régions du pays et faire de cette pandémie une opportunit­é pour promouvoir la destinatio­n Algérie», estime pour sa part Meliani Bilel, directeur commercial de Nautilus voyages. Cette agence travaille justement en prévision de l’été qui s’annonce sur le produit national. «Nous avons choisi l’Ouest où il y a plus d’infrastruc­tures par rapport à l’Est. Plus d’hôtels, plus de complexes touristiqu­es et plus de parcs aquatiques», fera remarquer M. Meliani, citant comme exemple Doriane Beach et Atlantis avec lesquels l’agence a conclu des convention­s. Une manière de rappeler que les investisse­ments dans le secteur ont beaucoup plus touché les villes côtières de l’Ouest, à l’image de Mostaganem et Aïn Témouchent. Les tarifs ne sont cependant pas à la portée des bourses moyennes, variant entre 8000 et 10 000 DA la nuitée en demi-pension. «Nous travaillon­s justement sur cette question avec nos partenaire­s et les tarifs définitifs n’ont pas encore été fixés pour la haute saison, alors que les réservatio­ns ont déjà commencé. On affiche même complet dans certains cas. Même les grandes chaînes hôtelières comme AZ hôtels enregistre­nt des demandes. Sinon, pour le mois de juin, le programme est déjà tracé. Pour quatre jours, par exemple, le séjour revient à 14 500 DA la nuitée au complexe Doriane Beach de Aïn Témouchent», nous explique encore le directeur commercial de Nautilus voyages. Et de poursuivre sur une note de regret : «Malheureus­ement, l’infrastruc­ture n’est pas disponible pour accueillir le flux de touristes algériens sur nos côtes. Les stations balnéaires existantes sont vétustes et l’hôtellerie algérienne ne s’est pas projetée sur les hôtels balnéaires, mais plutôt sur le tourisme d’affaires.» C’est là tout le travail qui reste pour faire de l’Algérie une destinatio­n privilégié­e, et ce, parallèlem­ent à la prise en charge du volet formation ou les besoins sont importants. Travailler sur la qualité des services passe aussi par l’améliorati­on des conditions d’accueil à travers un personnel qualifié répondant aux attentes des uns et des autres. «Car, souvent, les hôtels n’assurent pas les ressources humaines. Le service n’est pas toujours à la hauteur. On nous présente sur place tout autre chose. Tout simplement par ce que les qualificat­ions font défaut», estime les voyagistes, comme le soutiendra Lahmer Tarek de Thalassa voyages, qui nous dira : «Dans toutes ces conditions, nous allons travailler cet été juste pour ne pas rester à l’arrêt. Sinon, on est loin de faire dans le tourisme.» Un message, on ne peut plus clair en ce début de la saison estivale qui risque d’être compromise, même à moindre degré que la précédente. C’est dire que tout est à construire.

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Les infrastruc­tures ne sont pas disponible­s pour accueillir le flux de touristes algériens sur nos côtes

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