Le premier fonctionnaire français tué par l’OAS Roger Gavoury
Je vous le rappelle au nom du droit des morts à la parole et à la mémoire : l’OAS m’a tué ! C’était il y a soixante ans jour pour jour. C’était surtout quarante jours après le putsch d’Alger : Alger, où j’avais la charge du maintien de l’ordre et de la sécurité publique. Sur le moment, les autorités civiles, militaires et judiciaires ont fait les choses en grand : - j’ai bénéficié d’une cérémonie d’obsèques solennelle en l’Ecole de police d’Hussein Dey ; - on a déposé sur mon cercueil, outre la croix de la Valeur militaire avec étoile d’argent qui m’avait été attribuée à la date du 21 avril 1961 (!), la médaille de chevalier de la Légion d’honneur et la médaille d’honneur de la police, décernées ces dernières à titre posthume ; - j’ai été cité à l’ordre de la nation ; - on m’a promu contrôleur général de la Sûreté nationale ; - une fois ma dépouille transférée en métropole, le ministre de l’Intérieur, Roger Frey, s’est rendu sur le lieu de ma sépulture et a assisté à mon inhumation ; - les participants à mon assassinat ont été identifiés, recherchés, interpellés, traduits en justice et, pour trois d’entre eux, condamnés à mort et exécutés ; - mon nom est inscrit sur une stèle présente depuis juin 2005 dans l’enceinte de l’institution qui forme les commissaires de police à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or ; - il est également gravé sur deux monuments aux morts, car mon acte de décès a été revêtu en novembre 1961 d’une mention marginale : «Mort pour la France». Nombre de mes collègues, de hauts fonctionnaires, de journalistes, d’historiens m’ont consacré quelques pages de leurs ouvrages, contribuant ainsi à l’entretien de mon souvenir, au détriment cependant de la considération due à tant d’autres policiers de tous grades et membres des forces de l’ordre abattus par l’OAS et soumis à la loi de l’oubli. Le sort particulier qui m’a été réservé, je le dois à la date de mon assassinat davantage qu’à l’émotion suscitée par les circonstances dans lesquelles il a été commis. J’ai en effet été la première victime causée par cette organisation dans les rangs de la fonction publique de l’Etat. Mais que reste-t-il aujourd’hui de tout cela ? Je laisse au plus jeune de mes fils, devenu orphelin de guerre à l’âge de onze ans, le soin de vous l’exposer, investi qu’il est depuis une quinzaine d’années dans la défense, contre vents mauvais et marées brunes, de la mémoire de l’ensemble des victimes de l’OAS.