La justice c’est la vérité moins le pouvoir
En février 2020, le jeune procureur Sid Ahmed Belhadi était suspendu puis sanctionné pour être muté à El Oued. Par qui ? Non, pas par qui, mais pourquoi ? Parce qu’il a prononcé un réquisitoire pour demander la relaxe des détenus du hirak qui n’avaient fait qu’exercer leur droit à manifester, ce qui est inscrit dans la Constitution. Justice indépendante ? Non, puisque c’est l’Exécutif qui a sanctionné le procureur, décidant de la carrière des magistrats, ce qui rend ces derniers dépendants et l’ensemble de la fonction vissée au régime. L’histoire va plus loin, comment a-t-on appris la sanction de ce procureur ? Par la presse indépendante, ou privée, ce qui signifie que si la justice n’est pas indépendante, il faut une presse indépendante pour le savoir et que si cette dernière n’existe pas, personne ne saura qu’il n’y a pas de justice indépendante. Autre cas, celui du juge Saâdeddine Merzoug, qui passe en ce moment devant le conseil de discipline du Conseil de la magistrature, alors qu’il avait déjà été condamné à six mois de suspension pour avoir déclaré que l’actuel ministre de la Justice, accessoirement chef du Conseil de la magistrature, est illégitime. Ce qui n’est pas faux, puisque le ministre en question a été nommé par Bensalah quand il était chef de l’Etat par intérim, alors que la Constitution est formelle, un chef de l’Etat par intérim ne peut nommer ni gouvernement ni ministre. Ce n’est pas la vérité qui est en cause, puisque les deux magistrats n’ont proféré aucun mensonge, il s’agit de la vérité temporaire, celle qui disait que Bouteflika était en son temps le meilleur des présidents et accessoirement le meilleur premier magistrat du pays, et qui dit aujourd’hui que Bouteflika est un sale type et que le meilleur des présidents est celui actuellement au pouvoir, accessoirement le meilleur premier magistrat. Comment en sortir ? Compliqué, on aimerait bien que Bensalah revienne pour donner des détails, mais le temps qu’il finisse son explication on sera déjà morts.