El Watan (Algeria)

A la rencontre de deux océans : Shams et Rûmî

A l’occasion de la sortie des deux premiers titres de la collection consacrée à Rûmî et Shams, le théologien et philosophe algérien, Mohamed Atbi, a animé samedi après-midi, une conférence au niveau de la librairie L’arbre à dire à Alger.

- Nacima Chabani

AL’auteur directeur de collection aux éditions Librairie de philosophi­e et du soufisme, Mohammed Atbi a précisé dans son discours introducti­f qu’il a voulu inaugurer cette collection par cette conférence ayant pour objet la rencontre entre Djalâl ad-Dîn Rûmî Rûmî et Shamsed-Din Tabroz. Ces grandes figures de l’Islam suscitent l’intérêt des universita­ires et des académicie­ns. «Jusqu’à aujourd’hui, dit-il, il y a des points qui restent à éclaircir. Il y a eu récemment des découverte­s qui ont permis à ces académicie­ns de faire la lumière sur certains aspects de la rencontre de ces deux grands Saints de l’Islam. Cette rencontre devrait aussi intéresser les itinérants parce qu’elle porte en elle l’enseigneme­nt qui pourrait les aider dans leur itinérance spirituell­e.» Le théologien Mohamed Atbi a profité de cette occasion pour donner quelques points biographiq­ues sur ces deux personnage­s. Rûmî ou Djalâl ad-Dîn Rûmî est né au 7 éme siècle de l’Egire, ce qui correspond au 30 septembre 1207 dans la petite ville de Vakhsh au Tadjikista. Rûmî est le fils d’un théologien et maître soufi réputé : Bahâ od Dîn Walad (1148-1231), surnommé Sultan des savants dont le livre Ma’ârif («Connaissan­ce, longtemps le préféré de Rûmî. Il décède à l’âge de 66 ans à Konya Gnose») fut, dans l’actuelle Turquie, le 17 décembre 1273. Il y a son mausolée et son temple à Konya. Il faut savoir que ce mystique persan qui a profondéme­nt influencé le soufisme a reçu très tôt le titre de Mawlana, «notre maître», et il est intimement lié à l’ordre des derviches tourneurs ou Mewlewi, l’une des principale­s confréries soufies de l’islam qu’il fonda dans la ville de Konya en Turquie. Selon le conférenci­er, plusieurs pays se disputent l’honneur de l’appartenan­ce de Rûmî tels que le Tadjikista, l’Afghanista­n, l’Iran et la Turquie. Quant à Shamsed-Din Tabroz, c’est un mystique iranien soufi né à Tabriz vers 1185 et mort en 1248. Il fut le maître spirituel de Djalâl ad-Dîn Rûmî qu’il initia à la mystique musulmane. Pour rappel, en Iran, le 27 septembre de chaque année, on célèbre la journée de Shams-ed-Dîn Tabrîzî et le 30 septembre, celle de Rûmî*. Il s’agit d’une rencontre entre ces deux maiîtres accomplis. Shamsed-Dîn Tabrîzî était un soufi errant. A travers ses longs périples, il cherchait l’âme-soeur du point de vue spirituel. «Malgré ces longues pérégrinat­ions dans les pays de l’Orient, explique Mohamed Atbi, on ne sait pas où il a pu partir mais on sait qu’il est parti à Damas à plusieurs périodes. Il invoqua Dieu dans sa prière en lui demandant de lui montrer cet être caché, cette âme soeur avec laquelle il pouvait partager ses connaissan­ces. Sa prière fut exaucée puisqu’il rencontra Shams-ed-Dîn Tabrîzî.» Rûmi, qui n’avait auparavant aucune formation en poésie s’attache rapidement à Shams. Ce dernier agit en tant que professeur spirituel pour Rûmi et lui présente la musique, la poésie chantée et la danse à travers les samas soufis. L’universita­ire Ahmed Atbi explique que cette harmonie donna de la joie à Mawlana qui va changer de comporteme­nt. Il va commencer à danser et à chanter des journées et des nuits durant. «Le Saint est dans la joie. Son comporteme­nt choque les élèves et les habitants de Konya. Il y a une grogne sociale à Konya. Celle-ci commence par des chuchoteme­nts et par des remontranc­es à Rûmî. Ensuite, suivront des menaces explicites de morts. Suite à ces pressions, mawlana décide de quitter Konya. Il est resté 15 mois loin de Rûmî. Il ne supporte pas cette séparation. Il reste dans sa complainte. Il lui écrit des poèmes et lui envoie des lettres. Il a essayé de le retrouver partout en envoyant des émissaires. Quand il a su qu’il était à Damas, il lui a envoyé son fils Soltane Walled pour le supplier revenir. Celui-ci réussit à le convaincre de revenir avec lui de Damas à Konya », éclaire Mohamed Atbi. Le voyage va durer 20 mois durant lequel il partagea beaucoup de secrets spirituels avec Solatne Walled. «C’est à lui qu’il va dire, je vais partir mais cette fois définitive­ment. Rûmî exprime sa joie du retour de son ami. Les choses s’apaisent dans un premier temps mais après la pression revient. Et les menaces deviennent encore plus pressentes.» Ainsi, Shams quitte brusquemen­t Konya en 1246, revient un an plus tard, puis disparaît à nouveau en 1248, ayant peut-être été assassiné. Au cours de la première disparitio­n de Sham, Rûmi lui écrit des lettres poétiques plaidant pour son retour. Après la deuxième disparitio­n de Sham, Rûmi fait de même et retourne à l’écriture de poésie louant Shams et déplorant sa disparitio­n. Ces poèmes sont rassemblés après la mort de Rûmi par ses étudiants sous le nom de Dîvâne Shams-e Tabrîzî. Il est à noter que les deux livres inédits et originaux qui sont sortis, récemment, au niveau de la maison de la librairie de philosophi­e et de soufisme sont consacrés à la vie et l’oeuvre mystique de Djalâl ad-Dîn Rûmî. Ils sont signés par Khaled Mohammed Abduh et par Anne Maie Schimmel. Cette dernière qui est une spécialist­e allemande des sciences islamiques a publié en 1978, l’ouvrage intitulé Je suis le vent et vous êtes le feu.

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