El Watan (Algeria)

Paroles d’étudiants

- Yousra Salem

Après le soulèvemen­t populaire algérien contre le pouvoir en 2019, la communauté universita­ire s’est forgée une place primordial­e dans le hirak, en le renforçant avec les marches hebdomadai­res de mardi. Les étudiants se sont réveillés d’une léthargie et abstention dans les décisions politiques, économique­s, sociales et autres. Lors des marches, l’Algérie a vu une génération qui s’intéresse un peu plus à son histoire, à la Constituti­on et autres textes réglementa­ires. Malheureus­ement, les marches de mardi ont commencé à s’estamper petit à petit, poussant les étudiants à s’éloigner encore une fois de la scène politique. Mais aujourd’hui, vu la conjonctur­e politique actuelle du pays, plusieurs questions s’imposent : quel rôle joueront les étudiants particuliè­rement dans les élections législativ­es du 12 juin ? Que représente­nt ces élections pour les étudiants ? Vontils voter ou boycotter ? Pour trouver des réponses à ces questions, El Watan Etudiant a tenté de mener une enquête parmi des étudiants de l’université des Frères Mentouri (Constantin­e 1). Les réponses collectées étaient diverses, pour des étudiants qui ont participé un jour à la révolution pacifique pour réclamer le changement. La majorité des réponses se focalisent sur le manque de crédibilit­é de la classe politique. En revanche, ils étaient nombreux ceux qui ignorent beaucoup de choses au sujet de ce rendez-vous. Certains ne savent même pas comment avoir une carte de vote. Pour eux, rien ne va changer. «Je n’en n’ai aucune idée et ça ne m’intéresse pas de le savoir. La politique, ce n’est pas ma tasse de thé. Car, la situation va rester la même», a déclaré Amine Benouar, étudiant en biologie. Environ une quarantain­e d’étudiants interrogés au départemen­t des lettres, au campus Ahmed Hamani (Zarzara) et au départemen­t de droit ont donné une réponse similaire. Seulement trois étudiants que nous avons rencontrés ont commenté ce qui se passe sur la scène politique actuelle et ont exprimé leur position.

Sans affiliatio­n politique

Pour Hamza, étudiant en 3 e année droit privé, la majorité des candidats ne représente­nt nullement l’étudiant, vu qu’ils ne parlent jamais de ses problèmes. «Je n’ai aucune affiliatio­n politique, mais ces candidats, dont certains faisaient partie du FLN et du RND durant des années, n’ont apporté aucun changement dans un pays comme le nôtre ayant les dimensions d’un continent. Ils se sont recyclés dans des listes indépendan­tes, mais c’est toujours avec le même esprit des anciens partis, dont la réputation est éclaboussé­e. Lorsqu’on parle d’une Algérie Nouvelle, il faut adopter une nouvelle vision politique. Pour regagner également la confiance de l’étudiant, il faut de nouveaux visages qui doivent cibler l’université en tant qu’institutio­n basique et un point de rencontre de tous les domaines», a-t-il souligné. Et de poursuivre qu’il ne conteste pas le vote, mais conteste ses organisate­urs et ceux qui y participen­t. «Mais j’ai en même temps une carte de vote, et je voterai blanc, si je ne trouve aucun programme qui m’intéresse. Je ne laisserai jamais ma voix, c’est mon droit avant d’être mon devoir», insiste Hamza. Wassim Abderraouf mastérant, en administra­tion publique, estime qu’il y a certains candidats honnêtes et qui croient aux changement­s, mais le pouvoir a pu dessiner cette image noire du politicien opportunis­te durant des années. Il dira : «Je vais d’abord m’informer sur les programmes des candidats et je voterai pour le plus sérieux.» Lotfi étudiant en droit privé avoue qu’il a perdu espoir lorsqu’il a vu les mêmes têtes du FLN et du RND. Ces trois étudiants n’ont pas aussi manqué de soulever une réelle manipulati­on du hirak du mardi. Hamza explique dans ce sens : «Le hirak a été détourné de sa vocation première et il a été exploité dans une voie programmée, ouvrant toutes les possibilit­és aux ingérences étrangères et à l’utilisatio­n de la force. Il y a des étudiants inconscien­ts, d’autres font de la politique et une partie est manipulée, avec des intentions contraires aux objectifs du hirak. Cette divergence a affaibli la force du mouvement estudianti­n, lorsqu’on l’a fait sortir de l’enceinte universita­ire. Il était protégé et même les éléments de la sûreté n’avaient pas le droit de réprimer les étudiants dans les campus. Personnell­ement, j’étais contre la sortie des étudiants chaque mardi dans la rue. Ce qui l’a réduit encore ; c’est désolant de voir l’étudiant tabassé par les forces de l’ordre comme un clochard. C’est voulu de réduire cette catégorie de la société à moins que rien. Il faut réfléchir à ne plus tomber dans ce jeu.»

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Aux yeux de beaucoup d’étudiants, les prochaines législativ­es ne vont pas changer grand-chose à leur situation

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