1,2 milliard de bulletins de vote imprimés
A Oran, la campagne en vue des législatives du 12 juin bat son plein, même si l’engouement n’est que difficilement perceptible.
Certes, quand on se promène dans les rues, on ne peut que déceler un parfum de campagne tant les affiches de candidats sont placardées sur les murs la ville, et les permanences électorales ont bourgeonné ici et là ; les candidats, pour leur part, bombant le torse, ne font plus profil bas en allant «prêcher la bonne parole» tout en rasant les murs, comme ce fut le cas lors des derniers rendez-vous électoraux, où on a vu les candidats opter davantage pour des salles en périphérie pour «éviter» le centre, grouillant alors de hirakistes. Si la donne a changé, certains imputent ce relatif retour à la normale à l’acceptation d’un fait accompli, tandis que d’autres y voient plutôt la main lourde des services de sécurité qui répriment à tour de bras les tentatives de marches hebdomadaires, ce qui crée chez les hirakistes un effet dissuasif et qui ne s’adonnent plus aussi aisément à chahuter tel ou tel candidat. Pour ce qui est de ces derniers justement – les candidats –, certains reconnaissent effectivement que «l’engouement n’y est pas encore», mais cela ne les décourage pas pour autant à mener des campagnes de proximité, persuadés que les Algériens, le 12 juin, «iront voter en nombre». Fayçal Bensalem, coordinateur du parti Jil Jadid à Oran, est candidat dans cette même ville sous la bannière du parti de Soufiane Djilali. «A Jil Jadid, nous proposons un projet de société qui étudie la population, la composante sociologique de l’Algérie. J’invite les gens à lire notre projet de société duquel est sorti notre programme. Nous considérons qu’il y a une problématique algérienne et de ce fait nous proposons un ensemble de solutions sous forme de programme», explique-t-il. Il affirme que son parti a bien conscience de l’existence d’une crise politique, qui est également une crise de confiance, selon lui. «Beaucoup d’Algériens ne croient plus à l’acte politique et c’est d’autant plus malheureux que ceux qui prônent le dialogue sont aujourd’hui critiqués pour cette démarche», avant d’arguer qu’il y a eu néanmoins «des signaux encourageants». «Quand on voit qu’il y a beaucoup de personnalités connues pour leur corruption, qui étaient au Parlement, et qui ont été écartées, c’est déjà un signal positif», dira-t-il. Pour lui, la sortie de crise ne va pas se faire du jour au lendemain. «Nous sommes conscients que le chemin reste très long, difficile et sinueux. Déjà, il y a un manque flagrant de confiance. Si la voix du peuple sera respectée – et toute la difficulté est là pour rétablir la confiance –, il faut que son choix soit respecté. Mais là aussi, j’en appelle au citoyen : il faut qu’il joue le jeu. S’il reste en retrait, cela va profiter à ceux qui ont déjà un bassin électoral, les FLN, RND et autres partis de pacotille. Si on leur laisse le champ libre, ça va encore être une Assemblée qui ne va pas représenter le peuple, et nous aurons, à mon avis, gâché une autre occasion de changement.» Invité à commenter le climat délétère qui prévaut, avec les nombreuses arrestations et le nombre croissant de détenus d’opinion, le candidat d’Oran de Jil Jadid nous fait cette réponse : «On le dit clairement, on n’est pas encore dans un Etat de droit. L’Etat de droit, il faut le construire. Pour cela, nous nous privilégions le soft change. Un changement intelligent, en douceur, avec le moins de risque oossible. Parce que, qu’on le veuille ou non, nous croyons à Jil Jadid que la confrontation n’est pas que positive. D’autant plus qu’il y a un contexte géopolitique mondial qui n’est pas rassurant.» Il affirme aussi que son parti a à maintes reprises demandé à l’institution présidentielle de libérer les détenus, «et ça a été fait à plusieurs reprises, mais on a occulté ces faitslà». Un autre candidat représentant une liste indépendante «Volonté et Persévérance» en l’occurrence, Mesli Mohamed Djillali, dit, lui, se revendiquer de la Déclaration du 1er Novembre 1954. Autrement dit, il indique appartenir au courant nationaliste, démocrate avec une orientation sociale bien définie, «parce que, souligne-t-il, je fais un distinguo entre orientation sociale et assistanat». «Concernant le programme de notre liste indépendante ‘‘Volonté et Persévérance’’ portant le numéro 29, je dois préciser que je m’interdis de m’avancer sur ce terrain et verser dans la démagogie. Le travail d’un parlementaire est de légiférer alors que la question des programmes d’action relève des prérogatives de l’Exécutif. Cependant, je m’engage solennellement de porter les préoccupations des électeurs oranais au palais de Zighout Youssef ou aux bureaux des ministres de la République». Pour lui, son implication dans cette course électorale découle d’une analyse simple : «Ces élections peuvent être une opportunité pour l’émergence d’une nouvelle classe politique, du moins son embryon. Sur les 17 000 candidats, la moitié ont moins de quarante ans avec une bonne proportion des femmes. C’est inédit dans l’histoire de l’Algérie indépendante».
Pour ce qui est de la crise politique, il dira qu’il est impossible d’évoquer la situation politique nationale en faisant l’économie de l’existence du hirak. «J’aurais souhaité que les activistes de ce mouvement s’inscrivent dans le jeu politique. Cela aurait donné une autre configuration aux prochaines législatives. Mais d’une manière générale, je suis contre toutes les formes d’extrémisme. Cependant, je souhaite que Monsieur le président de la République profitera de l’anniversaire du
5 Juillet prochain pour initier des mesures d’apaisement. Nous avons besoin d’un climat politique serein pour affronter les défis de notre pays.» Il affirme également qu’au bout de onze jours de campagne électorale, il a relevé que les jeunes candidats, notamment des listes indépendantes, «ont opté pour le travail de proximité». «Normalement, ce frottement avec les citoyens doit fouetter l’électorat et booster la participation». Enfin, il dira que de son point de vue, les élections du 12 juin constituent une expérience à appréhender dans le cadre d’une sociologie électorale propre à l’Algérie. «Déjà, elles ont consacré la fin d’une sorte ‘‘d’aristocratie électorale’’ qui faisait la pluie et le beau temps au niveau de certains partis politiques traditionnels». Ferhat Boukhari, ancien président de la Chambre de l’artisanat et des métiers, est candidat du Front du militantisme national, avec un bureau électoral se trouvant dans une cité AADL à l’USTO. Pour briguer un poste de parlementaire, il avance cet argument : «Notre intime conviction est qu’il faudra participer massivement à cette élection législative pour renforcer la stabilité institutionnelle dont a tant besoin la nation. Nous sommes issus du terrain et nous avons notre long parcours militant. Nous sommes des patriotes républicains convaincus et notre programme est axé sur la jeunesse et l’emploi. Nous défendons les artisans dont nous sommes issus, les micro-entreprises et les commerçants qui ont plus que jamais besoin d’être représentés au Parlement. Notre ambition est de défendre les petits métiers qui constituent un important segment dans l’économie nationale.» Et cet artisan de poursuivre : «Le nouveau Parlement doit mener de profondes réformes législatives dans tous les domaines. Nous militons aussi pour une agriculture durable et saine. Enfin, nous allons représenter dignement la wilaya d’Oran qui a besoin de sincères militants dans le futur Parlement.»
Akram El Kébir