L’enquête sur Lafarge en Syrie au crible de la justice française
Une entreprise peut-elle être considérée comme «complice de crimes contre l’humanité» ? La Cour de cassation, la plus haute juridiction française, examinera demain des points cruciaux de l’enquête sur les activités du cimentier Lafarge en Syrie jusqu’en 2014. Plus d’un an et demi après l’annulation par la cour d’appel de Paris de la mise en examen du groupe pour «complicité de crimes contre l’humanité», la Cour de cassation se penchera sur six pourvois formés dans cette affaire hors-normes, dans laquelle le cimentier reste poursuivi pour «financement du terrorisme». D’un côté, Lafarge et deux anciens responsables du groupe, l’ex-directeur de Sûreté de l’entreprise, Jean-Claude Veillard, et l’un des ex-directeurs de la filiale syrienne, Frédéric Jolibois, contestent les poursuites à leur encontre. De l’autre, des associations défendent leur droit à être partie civile dans le dossier, et d’anciens employés de Lafarge en Syrie bataillent contre l’invalidation de la mise en examen du cimentier pour «complicité de crimes contre l’humanité». Dans cette information judiciaire, ouverte en juin 2017 après des plaintes de Bercy ainsi que de Sherpa et du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’homme (ECCHR), Lafarge SA, propriétaire de Lafarge Cement Syria (LCS), est soupçonné d’avoir versé, en 2013 et 2014, via cette filiale, près de 13 millions d’euros à des groupes terroristes, dont l’EI, et à des intermédiaires, afin de maintenir l’activité de son site en Syrie alors que le pays s’enfonçait dans la guerre. Le groupe est également suspecté d’avoir vendu du ciment de l’usine au profit de l’EI et d’avoir payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matières premières auprès de factions djihadistes. Un rapport interne commandé par Lafarge-Holcim, né de la fusion en 2015 du français Lafarge et du suisse Holcim, avait mis en lumière des remises de fonds de LCS à des intermédiaires pour négocier avec des «groupes armés». Mais Lafarge SA a toujours contesté toute responsabilité dans la destination de ces versements à des organisations terroristes.