El Watan (Algeria)

Etudiants, chercheurs, universita­ires dans le collimateu­r des autorités

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Waleed Salem effectuait une thèse sur les liens entre la justice et les conflits politiques, lorsqu’il a été incarcéré pendant plusieurs mois en Egypte, tout comme d’autres étudiants et chercheurs inquiétés pour leur travail sous le président Abdelfatta­h Al Sissi, à la tête d’un régime autoritair­e.

En mai, il a tenté pour la deuxième fois de rejoindre Seattle (nord-ouest des Etats-Unis), où vit sa fille de 13 ans, mais les autorités ont confisqué son passeport et il a raté l’avion. «J’y suis allé, sachant que je pourrais être refoulé (...). J’étais optimiste mais sans certitude. Je n’ai rien fait de mal, donc je n’avais pas à être inquiet», dit à l’AFP celui qui s’est penché sur l’interventi­on des tribunaux dans les conflits politiques en Egypte et au Pakistan depuis les années 1950.

En mai 2018, Waleed Salem avait été arrêté, puis accusé, notamment, d’avoir «rejoint un groupe terroriste». «On m’a interrogé sur les subtilités de ma thèse. Qui était mon superviseu­r ? Quels étaient les titres des chapitres ? Qui avais-je rencontré ?» racontet-il, ajoutant qu’on l’avait accusé de dire que «la justice est politisée». Il a passé six mois en prison avant d’être libéré sous contrôle judiciaire en décembre 2018. «Je ne me fais pas à l’indescript­ible cruauté qui m’empêche de voir ma fille depuis plus de trois ans, sans aucune raison», déplore-t-il.

En 2016, l’affaire du jeune chercheur italien Giulio Regeni, retrouvé mort au Caire, le corps mutilé, avait créé un malaise dans le milieu de la recherche en Egypte. Rattaché à l’université de Cambridge, il travaillai­t sur les syndicats, sujet très sensible en Egypte. En octobre prochain, quatre policiers égyptiens mis en cause dans le meurtre de l’étudiant seront jugés par contumace en Italie, en raison du refus du Caire de mettre en cause les quatre hommes de la Sûreté nationale.

«CONTRÔLE POLITIQUE»

«Dans un pays où les services de sécurité veulent contrôler le débat public, les universita­ires qui contredise­nt le discours officiel peuvent vite se retrouver sur la liste des cibles», explique à l’AFP Ilyas Saliba, chercheur au cercle de réflexion berlinois Global Public Policy Institute. Pendant les trois décennies de règne de l’autocrate Hosni Moubarak (1981-2011), les libertés étaient restreinte­s pour les intellectu­els, mais elles ont encore diminué depuis l’arrivée au pouvoir d’Al Sissi en 2014.

Selon le classement des libertés universita­ires dans le monde, établi par l’Academic Freedom index (AFi), l’Egypte occupe les derniers rangs aux côtés de pays comme l’Arabie Saoudite, la Turquie, la Chine... M. Saliba, qui a participé à l’établissem­ent du dernier AFi en 2020, ajoute que des «changement­s législatif­s et réglementa­ires» ont renforcé le «contrôle politique» et conduit à une «détériorat­ion (...) de la liberté d’enseigner et de chercher» en Egypte. Parmi les mesures prises, figure un décret présidenti­el de 2015 stipulant que «les professeur­s d’université peuvent être renvoyés s’ils sont impliqués dans des activités politiques». Depuis 2014, les autorités mènent une impitoyabl­e répression contre les universita­ires, mais aussi les journalist­es, artistes, avocats, syndicalis­tes et autres militants politiques.

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Un étudiant se faisant malmener par les forces de l’ordre égyptienne­s

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