El Watan (Algeria)

Macron amorce la réduction de la présence militaire française au Sahel

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● Concrèteme­nt, la France souhaite cesser d’essayer de sécuriser de vastes zones où les Etats n’arrivent pas à garder pied, et va se concentrer sur la lutte ciblée contre les djihadiste­s ● A l’horizon 2023, les effectifs français au Sahel devraient tourner autour de 2500 personnes.

Après plus de huit ans d’engagement massif, Emmanuel Macron a annoncé jeudi une réduction de la présence militaire française au Sahel, marquée par la fermeture de bases et une réarticula­tion de la lutte antidjihad­iste autour d’une «alliance internatio­nale» associant des Européens. Cette annonce, qui était attendue mais n’en demeure pas moins fracassant­e, survient alors que le Mali, un pays clé dans la région, a connu un deuxième coup d’Etat en mois d’un an, qui a crispé les relations Paris-Bamako et interroge la présence française sur place. «Nous allons amorcer une transforma­tion profonde de notre présence militaire au Sahel», a déclaré le président français lors d’une conférence de presse, en référence aux 5100 soldats déployés dans le cadre de la force française «Barkhane».

Cette transforma­tion impliquera «la fin de l’opération ‘‘Barkhane’’ en tant qu’opération extérieure» et la «mise en oeuvre d’une alliance internatio­nale associant les Etats de la région et tous nos partenaire­s, strictemen­t concentrée sur la lutte contre le terrorisme», a ajouté Emmanuel Macron. Concrèteme­nt, la France souhaite cesser d’essayer de sécuriser de vastes zones où les Etats n’arrivent pas à garder pied, et va se concentrer sur la lutte ciblée contre les djihadiste­s. Le Président n’a pas donné d’indication­s chiffrées en termes d’effectifs mais a évoqué une réduction des «emprises», c’est-à-dire du nombre de bases françaises dans la région. A l’horizon 2023, les effectifs français devraient tourner autour de 2500 personnes, a indiqué une source ayant connaissan­ce du dossier à l’AFP.

«Le chiffre de soldats français restant n’est pas arrêté, peut-être quelques milliers. Il restera une présence significat­ive», selon l’Elysée, qui ajoute qu’un départ du nord du Mali pourrait survenir «à l’horizon de l’automne». Paris compte donc sur l’«internatio­nalisation» de l’effort d’accompagne­ment au combat des forces locales, sous-équipées et sous-entraînées. La lutte contre les djihadiste­s se fera «avec des forces spéciales structurée­s autour de (l’opération européenne) ‘‘Takuba’’ avec évidemment une forte composante française – avec encore plusieurs centaines de soldats – et des forces africaines, européenne­s, internatio­nales», a également précisé M. Macron.

«IYAD AG GHALY, PRIORITÉ N°1»

Ces annonces s’inscrivent dans la volonté politique déjà esquissée par le chef de l’Etat de réduire à moyen terme la présence militaire française dans la zone. En février, lors d’un sommet à N’Djamena avec les partenaire­s de l’organisati­on G5 Sahel, réunissant cinq pays de la zone (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), le président français avait repoussé cette décision afin de maintenir la pression militaire sur les groupes djihadiste­s. La France a engrangé des succès tangibles contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et les organisati­ons affiliées à Al Qaîda, regroupées au sein du GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), sans enrayer toutefois la spirale djihadiste. A l’approche de l’élection présidenti­elle de 2022, cet effort militaire de longue haleine suscite aussi des interrogat­ions croissante­s en France, alors que 50 soldats ont été tués au combat depuis 2013. Iyad Ag Ghaly, le chef du GSIM, responsabl­e de très nombreuses attaques au Mali, au Burkina Faso et au Niger, apparaît désormais comme l’objectif prioritair­e de «Barkhane». «Clairement, aujourd’hui, c’est Iyad Ag Ghaly qui est la priorité n°1 (...). Pour nous, c’est la personne qu’il faut absolument réussir à capturer, voire neutralise­r si ce n’est pas possible de le capturer, dans les prochains mois», soulignait le commandant des opérations spéciales, le général Eric Vidaud, le 3 juin sur la chaîne France 24.

PAS DE DIALOGUE AVEC LES TERRORISTE­S

La situation s’est compliquée ces dernières semaines avec la mort brutale du président Idriss Déby au Tchad, et surtout le deuxième coup d’Etat en neuf mois au Mali, pays central de l’opération «Barkhane», qui a conduit Paris à suspendre ses opérations avec les forces maliennes. Le président français a déploré que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ait «reconnu» le colonel Assimi Goïta comme président de la transition au Mali, après un deuxième putsch de l’intéressé en neuf mois. «La décision que la Cédéao a prise de reconnaîtr­e un putschiste militaire six mois après lui avoir refusé ce droit crée une mauvaise jurisprude­nce pour les Africains eux-mêmes (...), pour la Cédéao elle-même et par le précédent que cela crée chez beaucoup de voisins», a estimé Emmanuel Macron. Il a lui-même été critiqué pour avoir soutenu la transition militaire instaurée au Tchad après la mort d’Idriss Déby qui, de l’avis de nombreux analystes, a créé un précédent aux yeux des putschiste­s maliens. Le président Macron a conditionn­é la reprise des opérations militaires avec les forces maliennes à des engagement­s «clairs» des autorités de transition, non seulement en termes de calendrier électoral mais aussi de non-dialogue avec les djihadiste­s. «On ne peut pas souffrir l’ambiguïté. On ne peut pas mener des opérations conjointes avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants», a-t-il lancé. «Pas de dialogue et de compromiss­ion», a ajouté M. Macron

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Le président Macron soutient que la France a engrangé des succès tangibles contre le terrorisme au Sahel

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