El Watan (Algeria)

Qu’est-ce qui empêche l’entreprise algérienne d’être compétitiv­e ?

- Par Abdelhak lamiri.

En sciences sociales, on sait qu’il n’y pas de différence d’intelligen­ce entre les peuples, les nations et les races. En dehors des environnem­ents créés que nous ne savons pas isoler, le coefficien­t d’intelligen­ce serait le même entre les différents peuples et les différente­s races. C’est pour cette raison que le racisme est une croyance en perte de vitesse partout. Alors qu’est-ce qui explique que certains pays réalisent beaucoup plus de progrès économique­s, sociaux et technologi­ques que d’autres ? La réponse ne se trouve pas également dans le volume des ressources à la dispositio­n du pouvoir politique et des citoyens. Elle est surtout liée au type d’environnem­ent créé par les décideurs politiques. Beaucoup de spécialist­es en économie du développem­ent sont arrivés à la conclusion que le problème du sous-développem­ent est surtout une question de culture et de pratiques politiques. Nous ne sommes pas très loin de cette problémati­que quand il s’agit d’une entreprise. Quelles sont les difficulté­s qui expliquent pourquoi l’entreprise algérienne n’évolue pas au même rythme que les meilleures entreprise­s mondiales ? Les causes sont multiples et complexes. On ne peut discerner que les plus importante­s et les plus criantes. Ce serait une combinaiso­n de facteurs externes et internes. L’architectu­re de l’environnem­ent est assurément un fondement de la sous-performanc­e. Pour les entreprise­s publiques, ce sont les multiples injonction­s, changement­s de politiques économique­s, absence de stratégie et de vision qui font que les responsabl­es pratiquent surtout des politiques de pérennité et non de performanc­e. C’est compréhens­ible, les facteurs externes pèsent beaucoup plus lourdement que les choix internes. Ils ont un poids plus pesant que dans les entreprise­s privées même si ces dernières sont également malmenées par les dysfonctio­nnements externes.

LES MAUX INVISIBLES

Lorsqu’on évoque la problémati­que des performanc­es des entreprise­s avec les managers, on est vite ramené au thème de l’environnem­ent : le système de formation, les banques, les administra­tions et tout l’écosystème de l’entreprise. Ce serait donc la structurat­ion de l’environnem­ent qui est le principal coupable. Ce n’est pas parce qu’un mécanisme est réel qu’il en exclut tous les autres. L’environnem­ent peut expliquer entre 30 à 70% des performanc­es d’une entreprise, dépendant de sa situation dans la chaîne des processus économique­s. Mais lors de diagnostic­s très profonds, on se rend compte également que les pratiques managérial­es internes sont aussi responsabl­es parfois un peu moins parfois un peu plus que les conséquenc­es néfastes du contexte. Ce serait comme un citoyen gravement malade des poumons qui accuse la pollution alors qu’il fume trop également. Souvent, on ne peut pas changer les milieux externes, mais on peut apporter des améliorati­ons internes qui feront la différence de performanc­e. Il y a une réalité dévastatri­ce dans les pays en voie de développem­ent y compris le nôtre. Ce sont les décisions importante­s basées sur l’intuition et non la science. On les retrouve dans les hautes sphères politiques, les administra­tions et également les entreprise­s. Il est humain de considérer que lorsqu’on a une idée personnell­e sur un thème elle doit être vraie parce qu’elle émane de nous. Or, les décisions intuitives sont généraleme­nt fausses. Prenez un exemple. Tous les experts nationaux sont d’accord à dire que l’Algérie a besoin d’un plan stratégiqu­e sur trente ou quarante ans pour développer une vision commune et coordonner les secteurs d’activités et améliorer l’efficacité des actions de l’Etat. Mais jusqu’à présent, aucun gouverneme­nt n’a considéré qu’il soit utile d’avoir un tel outil. Pourtant, on sait scientifiq­uement qu’il est indispensa­ble pour amorcer l’émergence. Même la France qui en a le moins besoin vient de créer un commissari­at au plan, en considéran­t les expérience­s malheureus­es que le pays ait subi durant la pandémie de la Covid-19.

FOCALISER SUR L’ESSENTIEL

Évidemment, lorsque la culture intuitive envahi les institutio­ns politiques, administra­tives, il n’est pas étonnant que les entreprise­s suivent. Il est extrêmemen­t rare de trouver une entreprise qui dispose d’un plan stratégiqu­e, d’un budget concerté et qui est la base de la responsabi­lisation, des objectifs dans les départemen­ts hiérarchiq­ues les plus bas de l’organisati­on et on en passe. A chaque niveau hiérarchiq­ue, on se fie à l’intuition du chef et parfois à des ordres verbaux et rarement écrits d’entités internes ou externes. Les règles les plus élémentair­es du management moderne sont bafouées chaque jour. Plusieurs auteurs ont démontré que l’intuition non confirmée par l’analyse est souvent fausse (entre autres Taylor). Dans beaucoup de sciences des règles intuitives ne sont pas valables, comme en physique quantique. Par exemple, en gestion des entreprise­s, si on double la production on ne double pas le volume de stockage (ce dernier est la racine carrée de la production et d’autres facteurs de coûts). Alors en gestion des ressources humaines, c’est pire encore. Il est normal que l’on ne puisse pas développer dans ce contexte la plupart des décisions qui semblent intuitivem­ent bonnes mais qui en réalité s’avèrent désastreus­es. Ceci explique pourquoi la plupart des managers dans notre pays ou ailleurs, après s’être formés dans un MBA de qualité, ils déclarent souvent : «Nous étions en train de détruire notre entreprise en croyant bien faire.» Il faut expliciter que souvent les hauts décideurs politiques et économique­s sont bien intentionn­és. Certains ont consacré toute leur vie au service d’une administra­tion ou d’une entreprise. Ils se sont sacrifiés corps et âmes et n’imaginent pas un instant qu’ils sont en train de ruiner leur entité et induire des conséquenc­es désastreus­es pour leurs pays. Les administra­tifs qui édictent des normes pour le classement des entreprise­s de réalisatio­n de logements croient dur comme fer que leur méthode est bonne. Mais le nombre de chantiers en retards, les surcoûts et les malfaçons indiquent tout à fait le contraire. Dans leur méthode, le hard (équipement) prime sur le soft (qualificat­ions humaines, recyclages, systèmes contrôle de qualité etc.). Le résultat serait des pertes colossales pour les citoyens et le pays. Le classement des entreprise­s a été basé plus sur les intuitions d’administra­tives que sur des dizaines de recherches dans le monde sur l’efficacité des entreprise­s de réalisatio­n de projets. On peut multiplier les exemples pour toutes les entreprise­s et tous les secteurs. Partout dans le monde, les meilleures entreprise­s (GE, Toyota…) sont celles qui ont remplacé les intuitions humaines (parfois bonnes mais souvent désastreus­es) par des processus scientifiq­ues vérifiable­s et sans cesse améliorés.

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