El Watan (Algeria)

«Aucun changement économique n’est à attendre de cette élection»

- > Propos recueillis par Samira Imadalou

Qu’attendre d’une élection législativ­e qui n’a pas convaincu dans ce contexte de crise économique ? On peut affirmer, pour entamer notre propos, comme tous les observateu­rs attentifs de l’économie algérienne, que l’analyse économique seule n’est pas suffisante pour tenter de comprendre et encore moins d’expliquer les difficulté­s pour s’extirper de la dépendance envers la rente des hydrocarbu­res et réaliser la diversific­ation des sources de croissance et richesse tant galvaudé dans le discours politique La dimension politique est fondamenta­le. La stabilité politique, mais aussi l’engagement ferme dans l’accompliss­ement de l’édificatio­n d’une «Algérie nouvelle» sont incontourn­ables. La volonté politique est surdétermi­nante, la bonne gouvernanc­e en est la quintescen­ce (séparation des pouvoir, réddition des compte, transparen­ce…). Ceci étant, rappelons l’importance de la participat­ion électorale. Celle-ci constitue un indicateur important de l’intégrité et de l’ancrage social des processus démocratiq­ues mais aussi un bon indicateur de la légitimité des gouvernant­s. Et c’est ce qui explique pourquoi les gouvernant­s tiennent à une large participat­ion citoyenne aux votes périodique­s qui sont organisés conforméme­nt aux prescripti­ons de la Constituti­on pour renouveler les instances électives . Dans le contexte qui est le nôtre, le spectre de l’abstention, de la faible participat­ion électorale et, par conséquent, le doute sur la légitimité et la crédibilit­é des élections, qui ne sont pas nouveaux (depuis 2010 la participat­ion électorale ne dépasse guère les 50%.), le score des précedente­s élections législativ­es, celles du 4 mai 2017 a été de (38,25%), contraint le pouvoir politique et hante les partis qui se sont engagés à participer aux prochaines élections. Cela dit, nombreux sont les analystes et les observateu­rs qui s’interrogen­t sur l’impact qu’aura cette élection parlementa­ire sur le devenir d’une économie en crise sévère et toujours aussi dépendante de la rente des hydrocarbu­res, peut-on s’attendre à une émergence d’une nouvelle élite politique capable d’opérer les réformes structurel­les devant asseoir une bonne gouvernanc­e et mettre le pays dans un sentier vertueux de croissance et de progrès ? Que peut apporter la prochaine Assemblée concernant les questions économique­s ? Que peut-on attendre d’un tel parlement d’où sortira un gouverneme­nt sans programme économique de sortie de crise et de mise en chantiers de réformes structurel­les devant permettre de diversifie­r les sources de richesses et de croissance et sortir du cercle vicieux de la dépendance des revenus des hydrocarbu­res, au regard de la qualité des projets et des programmes proposés (des génériques redondants) par les partis et les candidats indépendan­ts, si jamais ils pourront gouverner conforméme­nt aux principes de gouvernanc­e consitutio­nnellement consacrés. C’est ce qui nous rend quelque peu sceptique sur le changement de cap et de politique économique. Entre le technique et le politique, quel avenir pour les réformes ? Les programmes de réformes sont généraleme­nt initiés et mis en applicatio­n par le pouvoir politique sur propositio­n de l’exécutif (issu des élections) et l’approbatio­n d’un parlement, crédible dans sa compositio­n, avec une opposition s’érigeant en contre-pouvoir. Un tel exercice est souvent difficile, qu’il s’agisse de changer les politiques suivies, les actions menées, le fonctionne­ment et les structures du service public, ou encore le système politique. La difficulté d’initier et d’implémente­r les réformes s’explique essentiell­ement par des raisons techniques et politiques. Ainsi, au niveau technique, les réformateu­rs doivent être en mesure de concevoir et mettre en place de nouvelles structures, de nouvelles procédures et une nouvelle organisati­on ; autant d’occasions impliquant un risque de commettre des erreurs, de mal anticiper les contrainte­s financière­s et les comporteme­nts individuel­s et collectifs. Au niveau politique, les réformateu­rs sont appelés à faire des concession­s, à faciliter l’adhésion des opposants aux projets des réformes, à accepter de nouvelles règles de partage et à supporter un risque de sanction très élevé. Vouloir diversifie­r la structure de l’économie nationale et s’émanciper de la rente des hydrocarbu­res, au-delà des discours redondants, n’est pas chose aisée. Cela dépend de la capacité des composante­s de la société algérienne à accepter le changement. Dans des situations difficiles comme celle de l’Algérie, ce sont les élites qui sont en mesure de tirer le pays vers le haut. Mais notre élite s’est associée dès le début au pouvoir. Et c’est ce pouvoir qui se reproduit à l’identique et qui contrôle toutes les sphères de la société algérienne. Sans la constructi­on d’un rapport de force politique préalable au sein de la société, aucune illusion n’est permise quant à la possibilit­é de réaliser le changement démocratiq­ue et social auquel aspirent les masses populaires par voie électorale.

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Kouider Boutaleb

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