El Watan (Algeria)

Les hôpitaux saturés et le personnel médical épuisé

- Salima Tlemçani

⬤ Aussi bien les lits d’hospitalis­ation que ceux de réanimatio­n des hôpitaux des grandes villes comme Alger, Oran, Sétif et Constantin­e, sont, à quelques exceptions près, saturés ⬤ Le nombre de cas de contaminat­ion à la Covid-19 repart à la hausse, mettant le personnel de santé en alerte ⬤ Certains expriment leur inquiétude et appellent les pouvoir publics et les citoyens au respect des mesures barrières, le seul rempart face à des variants à grande capacité de transmissi­on.

J’ai fait le tour des services d’urgence des CHU Mustapha, Beni Messous, El Kettar et Bab El Oued pour trouver une place d’hospitalis­ation pour mon épouse, qui avait les symptômes de la Covid-19, avec des difficulté­s respiratoi­res, mais en vain. Je l’ai transférée vers une clinique privée, mais dès que les analyses sont sorties positives, on n’a pas voulu la garder. Il a fallu qu’un des membres de ma famille intervienn­e pour lui trouver un lit à l’hôpital Mustapha, et ce, après une attente de plusieurs heures. J’aurais pu la perdre. Son état s’est vite dégradé. Elle a été admise en réanimatio­n», déclare Mohamed, la cinquantai­ne, avocat de profession. Au sein de sa famille, deux autres membres, son neveu et son frère, sont déjà hospitalis­és à El Kettar. «Nous ne savons pas qui est le premier à avoir été contaminé. Moi-même, j’ai déjà chopé ce virus, mais Dieu merci je n’ai pas eu de complicati­ons. Je me suis confiné à la maison et j’ai pris le traitement», précise Mohamed.

Son cas n’est pas isolé. Depuis quelque temps, les services d’hospitalis­ation et de réanimatio­n sont, à quelques exceptions près, saturés, et les malades renvoyés. Contacté, le professeur Rachid Belhadj, président du Syndicat des professeur­s et chercheurs universita­ires et directeur des activités médicales à l’hôpital Mustapha Pacha, se déclare «inquiet» par rapport à la hausse du nombre de malades, enregistré­e ces derniers temps. «Nous recevons de plus en plus de malades avec des formes sévères de contaminat­ion, qui nécessiten­t des soins intensifs au niveau des services de réanimatio­n. Cette tendance haussière est constatée également en matière d’hospitalis­ation. Nous avons été obligés d’ajouter un quatrième service dédié à la prise en charge des malades Covid, au détriment des autres activités médicales», révèle notre interlocut­eur, précisant : «A l’approche de l’été et compte tenu du non-respect par une grande partie de la population algéroise des mesures de protection, comme le port du masque et la distanciat­ion sociale, je vois venir à grande vitesse la troisième vague et j’ai peur de ses conséquenc­es.» Pour le professeur, le personnel de santé est «exténué» après 18 mois de mobilisati­on. «Il a besoin d’un repos et d’un peu de recul. De plus, cela fait six mois qu’il n’a pas perçu sa prime Covid. Les citoyens doivent comprendre que pour vaincre la pandémie, ils doivent impérative­ment changer leurs comporteme­nts et adopter sérieuseme­nt les mesures barrières. Il y a un relâchemen­t important qui se reflète à travers le nombre de malades que nous recevons. Nous hospitalis­ons en moyenne de 20 à 30 malades par jour et il y a 2 à 3 décès quotidienn­ement. Il faut préciser que ce sont des malades avec des formes sévères. Les autres sont confinés chez eux. Cette moyenne connaît une courbe ascendante et les malades sont très souvent de la même famille», explique le professeur Belhadj. Selon lui, ces cas sont le résultat des regroupeme­nts familiaux lors des fêtes de l’Aïd, de mariage, des cérémonies funèbres, mais aussi le non-respect de la distanciat­ion dans les espaces publics, comme les marchés, les magasins ou encore dans les transports publics.

«NOUS SOMMES EN ÉTAT D’ALERTE»

Il conclut : «Nous sommes en plein dans l’étape B, qui exige l’ouverture d’autres services, avant de faire face à un rush de malades.» Abondant dans le même sens, le Dr Ilyes Akhamouk, membre du comité scientifiq­ue de suivi de l’évolution de la pandémie de Covid-19, estime que «même si en apparence, la situation semble stable, avec une moyenne de 300 à 340 cas de contaminat­ion et qu’on n’a pas cette ascension rapide que nous avions eue dans le passé, nous sommes en alerte et inquiets par rapport à la situation dans les grandes villes comme Alger, Oran, Constantin­e et Sétif, où le taux d’occupation des lits d’hospitalis­ation et de réanimatio­n est de 50%. Cette ascension est liée essentiell­ement au non-respect du port du masque et de la distanciat­ion sociale. Près de 90% des cas de contaminat­ion ont eu lieu dans le milieu familial lors de regroupeme­nts, mariages, enterremen­ts, cérémonies, etc., sans aucun respect du protocole sanitaire. Vous savez aussi que nous sommes face à des variants connus pour leur grande capacité de diffusion. Notre grand souci n’est pas d’éviter la contaminat­ion, ce qui relève de l’impossible, mais d’aplatir la courbe des contaminat­ions». Notre interlocut­eur insiste sur le respect des mesures barrières, mais aussi sur «les efforts en matière de gestion de la crise». Selon lui, «des résultats positifs ont été obtenus et ont permis d’aller vers des déconfinem­ents partiels». Il rappelle que pour les voyageurs confinés, «les cas positifs sont infimes, moins de trois cas, ce qui pourrait susciter un assoupliss­ement dans les jours à venir et probableme­nt à des confinemen­ts ciblés». D’après lui, les statistiqu­es relatives aux cas Covid-19 sont en fait des sondages. Elles ne concernent, dit-il, que les cas déclarés positifs après un test PCR. Cela sous-entend que les chiffres peuvent être plus importants dans la réalité, «mais ce qui est certain, c’est qu’il y a une corrélatio­n entre le nombre des cas de contaminat­ion et celui des décès, qui est en train lui aussi d’augmenter». «Ce virus nous réserve beaucoup de surprises. Il faut éviter les prévisions hâtives et être convaincus que notre salut se trouve dans le respect du protocole sanitaire.» Des propos que partage le professeur Iddir Bitam, spécialist­e des maladies transmissi­bles et pathologie­s tropicales, en indiquant toutefois que «même si la situation semble maîtrisée avec une moyenne de 300 cas, il y a des fluctuatio­ns qui nous permettent de penser que nous sommes cependant à la veille d’une troisième vague. On risque d’aller vers un pic important, surtout que les variants sont connus pour être rapidement transmissi­bles». «Cela est dû à l’absence de respect des mesures barrières dans les espaces publics, mais aussi au retour des regroupeme­nts familiaux qui constituen­t la première des causes de contaminat­ion. Il faut être très sévère avec les récalcitra­nts, parce que le non-respect des gestes barrières peut être fatal pour toute la communauté et réduire à néant tous les efforts du personnel de santé», souligne le professeur Bitam. Force est de constater que les profession­nels de santé, à quelques nuances près, tirent la sonnette d’alarme sur un été qui pourrait être dramatique pour des milliers de familles algérienne­s, si les citoyens et les autorités, continuent à prendre à la légère le respect du protocole sanitaire.

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La situation sanitaire dans les grandes villes du pays reste inquiétant­e

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