El Watan (Algeria)

Le président Saïed et la possible voie de sortie

● Lueurs d’espoir de sortie de crise suite à la rencontre du président Kaïs Saïed avec le dirigeant de l’UGTT, Noureddine Taboubi. Une nouvelle propositio­n de Saïed en vue de faire sortir la Tunisie du tunnel où elle s’est retrouvée, 10 ans après sa révol

- Mourad Sellami

Le secrétaire général de la forte centrale syndicale UGTT, Noureddine Taboubi, est sorti satisfait de sa rencontre lundi dernier avec le président de la République, Kaïs Saïed, concernant la crise politique. Ce dernier lui aurait fait la propositio­n de rencontrer Mechichi et d’anciens chefs de gouverneme­nt, en miroitant l’idée d’accepter le remaniemen­t du gouverneme­nt Mechichi et d’appeler les nouveaux ministres à la prestation de serment, à condition que ce remaniemen­t ne passe pas par l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP). La Constituti­on tunisienne n’exigeant pas ce passage.

RÉACTIONS

Taboubi a vite transmis la propositio­n du président Saïed au chef du gouverneme­nt, Hichem Mechichi, au président de l’ARP, Rached Ghannouchi, ainsi qu’à d’autres personnali­tés de premier plan, comme le président de l’Utica, Samir Majoul. Ces personnali­tés n’ont pas réagi publiqueme­nt à la propositio­n de Saïed. La première réaction est venue de Riadh Chaïbi, le conseiller de Ghannouchi, qui a assuré à Radio Mosaïque FM que «tout remaniemen­t ministérie­l doit passer par l’ARP». Du côté des experts, le professeur Slim Laghmani a régulièrem­ent rappelé que «l’ARP ne vote que pour accepter ou refuser la politique du chef du gouverneme­nt ; elle ne vote pas pour les ministres individuel­lement. Donc, les remaniemen­ts ne sont pas votés». Mais, le règlement intérieur de l’ARP exige ce passage. Le professeur Laghmani considère nécessaire un débat sur la constituti­onnalité de ce règlement intérieur.

Il est vrai que le président Kaïs Saïed se sent en position plus confortabl­e dans son contentieu­x de prérogativ­es avec l’Assemblée des représenta­nts du peuple depuis qu’il est sorti victorieux des deux derniers conflits avec l’ARP. Le premier concernant la question du remaniemen­t ministérie­l, proposé depuis le 16 janvier dernier, que le Président a refusé de valider. L’ARP et le gouverneme­nt Mechichi ne sont pas parvenus à faire passer ledit remaniemen­t.

La seconde question litigieuse a concerné l’amendement de la loi sur la Cour constituti­onnelle, adopté par l’ARP en première lecture le 25 mars et en deuxième lecture le 4 mai. Le recours du Président devant l’Instance de contrôle de la constituti­onnalité des lois a invalidé l’amendement. Du coup, le Président s’est vu confirmé dans son rôle d’unique interprète de la Constituti­on, en attendant la naissance de la Cour constituti­onnelle.

SOLUTION ?

Hichem Mechichi sera devant un choix difficile, lui qui aime jouer sur les cordes. Désigné par le président Saïed, à la suite de la démission d’El Yes Fakhfaken en juillet dernier, Hichem Mechichi a vite fait de plonger avec les islamistes d’Ennahdha et leurs alliés de Qalb Tounes et le bloc Karama. Mechichi y était pratiqueme­nt obligé puisqu’il devait disposer d’une majorité parlementa­ire pour gouverner.

La nouvelle propositio­n du président Saïed veut dire que Mechichi rompt avec Ennahdha, en adhérant à des remaniemen­ts ministérie­ls qui ne passent pas par l’ARP. Certes, le bloc Qalb Tounes du magnat des médias, Nabil Karoui, a assuré Mechichi de son soutien. Il n’y aura donc pas de retrait de confiance au gouverneme­nt. Mais le gouverneme­nt Mechichi sera sur une chaise éjectable durant la période qui lui restera à gouverner.

La situation tunisienne inquiète à plus d’un titre depuis les élections du 6 octobre 2019. Cela fait près de deux ans que les Tunisiens attendent un gouverneme­nt stable. Le président Saïed avait dit un jour que «l’ARP passe son temps à réfléchir à nommer un chef de gouverneme­nt ou à combiner pour le faire sauter». Le déroulemen­t des faits a confirmé ce constat durant les 21 derniers mois. La situation s’est même davantage compliquée avec le risque de faillite de la Tunisie, ou le fait que «l’on ne puisse plus garder l’indépendan­ce de nos décisions», comme l’avait prédit le gouverneur de la Banque centrale, pas plus tard que la semaine dernière devant la commission des finances de l’Assemblée. Le gouverneur de la BCT sait que la Tunisie est devant l’obligation de payer 850 millions de dollars en juillet et août et que cela risque de déstabilis­er les équilibres financiers du pays, s’il n’y aura pas de solutions avec les bailleurs de fonds. Et, apparemmen­t, il n’y en a pas !

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Le président tunisien Kaïs Saïed

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