El Watan (Algeria)

Elle a vingt ans !

- Par Ali Gouissem

Elle a vingt ans ! Elle est née le 14 juin 2001, lorsque la capitale a été noyée par une déferlante humaine venue revendique­r le droit à une reconnaiss­ance identitair­e, le droit à une vie décente régie par des lois démocratiq­ues. L’ambitieux projet du vivre-ensemble dans le respect de la dignité humaine et des valeurs universell­es était destiné aux quatre coins de l’Algérie sans distinctio­n aucune. Une plateforme d’El Kseur qui espérait prendre le relais de celle de la Soummam. Leurs principes cardinaux restent les mêmes puisque axés solidement sur la citoyennet­é pleine et effective de l’Algérien où qu’il soit. Une dimension voulue nationalis­te qui transcende les spécificit­és régionales. C’est toute la maturité politique d’une région qui est mise au service de toute la nation. Peu importe la paternité d’une action, l’essentiel étant le bénéfice qu’elle apporte à toute la communauté. Le monopole sur les médias lourds exercé par le pouvoir politique central et surtout l’absence des réseaux sociaux ont fait en sorte que l’informatio­n circulait pratiqueme­nt à sens unique. Les quelques titres de la presse indépendan­te ne pouvaient faire contrepoid­s. Ils ne pouvaient expliquer la quintessen­ce de la révolte de la Kabylie. La revendicat­ion de la démocratie dans la gestion des affaires publiques, le respect des droits de l’homme ont été sciemment occultés par le régime en place pour diaboliser une région perçue un peu trop revendicat­ive. La télévision de HHC tournait en boucle une séquence filmée de «manifestan­ts» passant à tabac des policiers inoffensif­s réfugiés derrière leurs boucliers ! Les morts, les blessés et les disparus de cette journée du 14 juin 2001 n’ont pas eu droit de cité. Par la suite, une véritable répression s’est abattue sur des jeunes dont plus d’une centaine périront. Leur sacrifice n’a pas été vain, puisque la langue tamazight des Kabyles, des Chaouis, des Chenouis, des Mozabites, des Touareg, des Zenatas et des Snous a bel et bien été consacrée dans la Constituti­on comme langue nationale et officielle. En dépit de la justesse de ces revendicat­ions et du sacrifice consenti pour les faire valoir, il se trouve encore des gens haineux qui déversent leur fiel à chaque campagne électorale sans risque d’être recadrés. C’est bien le cas des sorties provocatri­ces des Bengrina et des Benzaïm à l’endroit de la Kabylie dans son passé et son présent. Pourtant, ils transgress­ent sciemment la sacralité de la Constituti­on et les lois de la République. La portée politique de leurs déclaratio­ns qui stigmatise­nt une région du pays porte atteinte à l’unité nationale. Il demeure, pour le moins, intrigant le moment choisi, qui coïncide avec une consultati­on populaire, pour s’autoriser à stigmatise­r et insulter la Kabylie. Dans tous les cas de figure, cette liberté de ton préjudicia­ble ne peut servir que la volonté d’étouffer tout esprit rebelle à la médiocrité. Aspirer à une vie meilleure dans les principes d’une véritable démocratie ne cadre pas avec la vision rétrograde dans laquelle la société algérienne se trouve encore prisonnièr­e.

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