«Le système est isolé et s’appuie sur une minorité»
Estimant que la rupture ayant désormais été consommée entre «l’écrasante majorité qui refuse le statu quo et l’infime minorité qui veut imposer la poursuite d’un système plongé dans une crise mortelle», Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, a appelé hier à la «réunion de l’Assemblée constituante» à même de répondre aux aspirations de la majorité du peuple qui s’est abstenue de se rendre aux urnes le samedi 12 juin. «Plus que jamais, dit-elle, considérant ce qui s’est dégagé dans le scrutin du 12 juin (l’abstention record, ndlr), la question de la réunion de l’assemblée nationale constituante acquiert toute son actualité, car c’est l’outil démocratique permettant à la majorité d’accéder à la plénitude de sa souveraineté, en ce qui concerne la définition de la nature du régime de la forme et du contenu des institutions. Ce qui pose la nécessité d’opérer la jonction entre le contenu politique et le contenu social du processus révolutionnaire qui ne saurait être fragmenté.» Dans une analyse sans concession des résultats des législatives, Louisa Hanoune a souligné que ce scrutin ainsi que les déclarations – ahurissantes – des différentes parties qui le soutenaient reviennent, selon son expression, à «cacher le soleil avec un tamis». Il s’agirait, selon elle, d’un travestissement de la réalité et de la situation du pays constituant l’une des expressions de la contrerévolution. «Nous avons choisi de nous concentrer sur un point central, qui est celui du taux de participation, qui délimite la relation entre l’autorité et le peuple et qui donne aux institutions élues la crédibilité, la légitimité et le droit de parler au nom du peuple. Cette assemblée a été votée par 18,4% (l’abstention ayant atteint 77% et les bulletins nuls sont de plus d’un million selon les chiffres officiels). C’est là un résultat inédit dans l’histoire des élections en Algérie. Comme nous l’avions prévu, du fait du mode de scrutin, la représentation de la femme a reculé à 9%, confirmant le caractère régressif et discriminatoire du mode de scrutin», fustige Louisa Hanoune à l’occasion de la réunion ordinaire de son parti. Elle poursuit, intraitable : «A travers le rejet absolu de cette situation et l’attachement de la majorité au départ du système, le peuple a fait preuve d’un esprit combatif élevé. Aucun parti ni aucune liste n’a remporté ces élections, c’est une victoire de la majorité, qui, dans son silence, a donné une nouvelle leçon politique aux tenants de la perpétuation du système, confirmant qu’il est isolé et s’appuyant sur une minorité fragile.»
A l’en croire, le PT n’a pas participé aux législatives, car il a choisi le camp de «la majorité révolutionnaire». «Nous avons senti et écouté la colère du peuple vis-à-vis du mépris exprimé à l’égard de ses souffrances. Nous avons enregistré sur le terrain la colère contre la suspension des droits démocratiques, les détentions arbitraires et la montée de répression», dit Mme Hanoune qui considère que le gouvernement en place a alimenté l’aversion de la majorité du peuple pour ces élections législatives. «Comment est-il possible qu’un gouvernement qui porte des politiques rétrogrades et légalise la régression des acquis démocratiques puisse convaincre la majorité de la transparence des élections et du changement positif qu’il est censé apporter ? Il a alimenté le retrait de la majorité, à travers les graves dérives qui ont caractérisé la campagne électorale méprisant les femmes, portant atteinte à notre identité amazighe et attaquant le processus révolutionnaire. Le retrait de la majorité s’est également nourri du mode de scrutin constitué d’une liste ouverte horizontale donnant la primauté aux personnes au lieu des programmes, encourageant ainsi l’égoïsme : le candidat représente ainsi son quartier, sa famille ou une partie de sa tribu». Elle se désole ainsi de la disparition des programmes vidant les élections de leur contenu politique. A l’en croire, les élections du 12 juin sanctionnées par ce taux de participation devront accélérer ce qu’elle appelle «la crise de décomposition du système». «La majorité a décrété que le système en place n’est ni réformable ni renouvelable. La majorité en colère a d’autres préoccupations sociales et démocratiques. Elle a utilisé le scrutin pour sanctionner le gouvernement, le système en place et ses politiques, c’est là une défiance sans précédent. Le PT n’a fait aucune pression sur les consciences, parce qu’il a une confiance totale dans l’intelligence et la capacité de discernement de la majorité et pour déjouer toutes les manoeuvres politiciennes», glisse-t-elle. Et d’ajouter : «Pour nous, les résultats constituent un tournant positif dans le processus révolutionnaire du 22 février 2019. La majorité détentrice de la souveraineté a ôté toute légitimité et toute crédibilité à l’opération électorale et, par conséquent, cette nouvelle assemblée qui en est issue et qui est dépourvue de la capacité politique.» Renouvelant son soutien au mouvement populaire du 22 Février, le Parti des travailleurs considère ainsi que la majorité a déterminé le plafond de ses revendications, ses aspirations et ses exigences, à savoir départ de tout le système.