La menace terroriste persiste dans le Sud-Ouest
Le guet-apens ayant entraîné la mort, avant-hier, du commandant de l’unité de défense de l’aéroport de Wawa, au Sud-Ouest libyen, a provoqué la colère des institutionnels de l’armée libyenne de Haftar dont relève la victime. Cette dernière n’attendait qu’un alibi pour déclencher une campagne contre les groupes armés terroristes de tous bords, ayant choisi pour base la région d’El Hrouj et des montagnes volcaniques noires, au milieu du Sahara libyen et éloigné de tout pouvoir.
L’Armée nationale libyenne a décidé de lancer une 2e purge contre les groupes terroristes du Sud-Ouest après celle de 2019, épaulée alors par les Français qui avaient peur pour leurs bases au Niger. Les groupes terroristes, faisant d’habitude profil bas dans leurs bases au milieu du Sahara libyen, sont montés au créneau, en orchestrant juin courant une opération suicidaire contre un barrage de police aux portes de la ville de Sebha, entraînant la mort de deux lieutenants de la police.
Une semaine plus tard, alors que le commandant de la sécurité à l’aéroport de Wawa, à l’est de Sebha, ratissait derrière les terroristes de l’attaque du 7 juin, il fut l’objet d’un guet-apens mortel, déclenchant la colère de l’armée. Mais, «la mission de l’armée ne sera pas facile, à moins d’une aide de reconnaissance de l’aviation française», souligne le politologue Abdessattar Hatita, expert des groupes terroristes en Libye.
La spécificité de cette nouvelle guerre, selon le politologue, c’est que les groupes terroristes sont dissimulés sur une grande superficie, s’étalant le long du Sahara sur les frontières tunisiennes, algériennes, nigériennes, tchadiennes et soudanaises. Il s’agit d’une superficie avoisinant les 800 000 kilomètres carrés, une fois et demie la France. En plus, ces groupes sont en étroite collaboration avec les tribus autochtones, leurs complices dans les réseaux de contrebande et d’immigration clandestine dans la zone. Les terroristes connaissent mieux le terrain que l’armée. Il est également utile de rappeler qu’après la campagne de janvier 2019, l’armée libyenne de Haftar n’a pas réalisé les promesses qu’elle avait faites à l’adresse de la population locale, en matière d’approvisionnement régulier en eau et en énergie, explique le politologue Hatita pour justifier l’élan des autochtones, plutôt favorable aux terroristes qu’à l’armée.
Les groupes terroristes, de diverses origines, ont élu domicile dans cette zone repliée après leurs défaites successives, depuis 2015 à Benghazi, Syrte et Derna. Ils ont décidé d’y installer leurs bases arrière, mettant à profit les guerres de clans en Libye. Après leur déroute au Sahara en janvier 2019, ils ont repris du poil de la bête, profitant de la confrontation entre l’armée de Haftar contre les forces de Misrata autour de Tripoli, entre avril 2019 et juin 2020. Haftar ne pouvait pas se permettre de les attaquer, alors que le ravitaillement de ses troupes passe par le désert, où ces groupes sont omniprésents. Profitant de cette aubaine, les groupes armés terroristes ont développé leurs infrastructures et mis la main sur les principaux réseaux de contrebande, avec l’accord tacite des barons de ces régions.
Ces groupes sont formés de Tchadiens, Soudanais ou Libyens, fuyant leurs tribus, ou encore Tunisiens, Algériens et Egyptiens à la recherche de quiétude, suite aux revers successifs de Daesch en Libye, Irak et Syrie. Généralement inoffensifs vis-à-vis des tribus autochtones, ils opèrent néanmoins, de temps en temps, des enlèvements pour renflouer leurs caisses. Et malheureusement pour eux, la dernière attaque de Sebha est survenue alors que les Libyens se sont réconciliés entre eux et ont décidé de reconstruire leur pays. D’où cette décision rapide de faire campagne contre les groupes terroristes présents aux oasis de Jaghboub, pas loin d’El Kofra et des autres foyers actifs du terrorisme. Aux dernières nouvelles, les troupes de Haftar auraient une nouvelle fois le soutien des forces françaises de reconnaissance. Les forces libyennes de l’Ouest fermeraient les yeux comme en 2019. Il s’agit d’un ennemi commun, conclut le politologue Hatita.