La violence contre les enfants prend de l’ampleur
● Les conséquences de la violence sur la santé de l’enfant sont catastrophiques. Plus de 40% des victimes développent des troubles mentaux.
La prise en charge physique et mentale de l’enfant traumatisé par des événements brutaux est une tâche des plus délicates, qui préoccupe aujourd’hui les spécialistes ; particulièrement avec l’augmentation des sévices corporels et sexuels. Ce phénomène, devenant un véritable fléau, se propage de plus en plus en Algérie, en l’absence de statistiques et d’un travail pointilleux sur le terrain. Pourtant, ce fléau a des séquelles désastreuses sur l’enfant et sur son devenir en tant qu’adulte. Ce constat a été révélé par les experts, jeudi dernier, lors d’une journée d’étude intitulée «Protection de l’enfant, pour un dispositif de prévention, de protection et de soins». Cette rencontre a été organisée par la Direction de l’action sociale (DAS), celle de la santé (DSP) et le service de pédopsychiatrie de l’EHS de psychiatrie M. Belamri de Constantine, à la maison de la Culture Malek Haddad, à l’occasion de la Journée internationale de l’enfant africain. La rencontre a mis à nu les traumatismes d’un enfant victime de la maltraitance et comment sa vie sera complètement chamboulée.
Dans son intervention, le professeur en pédopsychiatrie Idriss Terranti a expliqué que les conséquences de la violence sur la santé de l’enfant sont catastrophiques. Selon lui, plus de 40% des victimes développent des troubles mentaux. Ces troubles chroniques vont altérer durablement leur développement, leur fonctionnement émotionnel et l’adaptation de la personne. L’intervenant a exposé une photo du système cérébral de deux enfants, dont un était victime d’événements traumatisants. Les séquelles étaient nettement visibles sur la photo. «C’est très grave ! La négligence et les violences n’ont pas uniquement des conséquences sur la santé mentale, tels l’anxiété et autres. Mais, elles ont aussi un effet sur la santé physique, à l’instar de l’obésité, les maladies sexuellement transmissibles, infarctus, le cancer, les diabètes, etc. L’enfant devient vulnérable avec l’âge. Et il risque de développer l’une de ces pathologies. Plus de 50% ou même 70% des enfants maltraités développent ces maladies», a-t-il souligné, en ajoutant qu’un événement choquant est l’une des rares causes identifiées des troubles mentaux, notamment la dépression et la schizophrénie. Le professeur Terranti a recommandé la mise en place d’un dispositif d’intervention liant tous les secteurs concernés, à savoir la DAS, les services de sécurité et de la santé. Il précise : «Un seul service ne peut pas assurer la prise en charge des enfants traumatisés. Il est nécessaire de mener un travail complet et concordant, qui se fait en même temps au niveau des secteurs avec la concertation des intervenants. L’objectif est d’éviter les divergences.»
UN DISPOSITIF D’INTERVENTION EXIGÉ
Le professeur Terranti a argué que le système de signalement pour la protection de l’enfant contre la violence, les expertises, les enquêtes et les soins composent un dispositif très complexe et nouveau en Algérie. Il a même proposé un organe national de formation pour développer les spécialités qui reposent sur les connaissances de la psychologie de l’enfant.
De son côté la professeure en pédiatrie Zahra Bouderda a jugé que ce phénomène est sous-estimé, au moment où il s’agit d’un problème de santé publique, provoquant parfois des décès. Elle a souligné que le médecin ne peut pas faire plus que le soin médical, même dans le cas où il remarque qu’un enfant est battu et violenté. Pour sa part, le Dr Sihem Zahi a indiqué que les chiffres effrayants communiqués à l’échelle nationale ne sont que la partie émergente de l’iceberg, surtout que plusieurs personnes ne dénoncent pas ces violences. «L’Algérie a consacré un budget important pour la prise en charge de ce volet, et s’est engagée en mettant en place la loi de 2008, interdisant le châtiment corporel dans le secteur de l’éducation. Entre 2008 et 2015, il y a eu également un plan national pour les enfants. En 2015, un amendement du code pénal a durci les peines à l’encontre des auteurs de violences à l’égard des enfants. En 2015, il y a eu la mise en oeuvre de la loi sur la protection de l’enfant. Malgré cela, les violences persistent et malheureusement il n’y a pas de chiffres et assez d’études structurées», a-t-elle déclaré. En 2019, toujours selon sa communication, l’Office national de la protection de l’enfant (ONDPE) a reçu, durant les 5 premiers mois de l’année, 1035 signalements d’atteinte aux droits de l’enfant via le numéro vert 11 11. L’intervenante a insisté sur l’amélioration du repérage des enfants maltraités et la mise en place d’un dispositif interdisciplinaire, vu que ce phénomène devient un sérieux problème, même sur le plan financier.