Légiférer au nom de la minorité
Dans la wilaya de Constantine, troisième ville du pays, aucune liste électorale n’a pu franchir le seuil minimum de 5% de voix. Le fossé entre candidats et électeurs n’a jamais été aussi grand. Comble de l’absurde, il y en a un qui s’est retrouvé député avec seulement… 300 voix ! Légiférer sans être populaire, voilà qui semble marquer fatalement la première APN de l’Algérie nouvelle. On n’en finit pas de compter les tares de cette future Assemblée. Les chiffres livrés par l’ANIE révèlent au fur et à mesure des malformations congénitales qui ne trompent pas sur l’illégitimité du bébé. Avec seulement 4,6 millions de voix sur 24,4 millions d’électeurs, le pouvoir a échoué à convaincre les Algériens à croire en sa sincérité et choisir le changement par l’urne plutôt que par la rue. C’est le troisième échec consécutif dans cet agenda auquel tiennent Abdelmadjid Tebboune et ses alliés dans leur volonté de «parachever» les institutions nationales avec la promesse d’une «Algérie démocratique et prospère». Un échec prévisible compte tenu de la stratégie du tout-sécuritaire contre le hirak pacifique, du contrôle et de l’instrumentalisation de la justice et aussi de l’incapacité de l’Exécutif à créer des ressorts économiques pour sortir de la crise. Le pouvoir doit aussi se mordre les doigts de voir revenir l’alliance présidentielle bouteflikienne en force dans cet hémicycle qu’il a tout fait pour renouveler et vendre comme vitrine de la nouvelle Algérie. Un ravalement de façade qui n’a en définitive pas convaincu les Algériens. Ces derniers, passés maîtres de l’affront, ont pu même pulvériser le record de l’abstention, atteignant le taux historique de 77%. Ces chiffres sont éloquents. Et ils sont plutôt proches de la vérité, ce qui permet de nous faire (enfin) une idée précise du poids réel de cette tendance participationniste. Chaque chiffre a son importance pour permettre d’analyser globalement et dans le détail toutes les tendances et dessiner fidèlement ce paysage politique, inconditionnel du vote, et sa base sociale. L’ANIE de Mohamed Charfi n’a pas livré tous les éléments, à commencer par le nombre de voix obtenues par le FLN, premier gagnant de ces élections. Mais avec 105 sièges obtenus sur les 407 en jeu, nous pouvons déduire que le parti-Etat a eu environ un million de voix. Voilà ! C’est tout juste le 1/6e du corps électoral. Abou El Fadl Baadji peut se réjouir de cette «victoire» et se l’approprier pour garder son poste, mais son parti a perdu quelque 60 sièges et en termes de représentation, il devient le porteparole d’une minorité. C’est le cas de toute cette Assemblée, composée de porte-voix d’une opinion «résiduelle», et d’accidents de parcours. Une Assemblée qui fera partie du problème et non de la solution. Un gâchis.