Nordine Aït Hamouda auditionné
Le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed a transmis, hier, le dossier de l’ex-député du RCD, Nordine Aït Hamouda, devant le juge d’instruction de la 1re chambre, tandis que le directeur de la chaîne El Hayat TV, Habet Hannachi, n’a pas été présenté ni même emmené au tribunal. Tous deux avaient été arrêtés samedi suite à une émission télévisée dans laquelle le fils du Colonel Amirouche s’est épanché sur certaines figures historiques. D’une controverse médiatique alimentant le buzz sur les réseaux sociaux, «l’affaire Nordine Aït Hamouda» s’inscrit désormais dans l’actualité politico-judiciaire. Le procureur de la République du tribunal de Sidi M’hamed a auditionné l’exdéputé Nordine Aït Hamouda suite aux propos tenus récemment lors d’une interview télévisée, concernant l’Emir Abdelkader, Houari Boumediène et Messali Hadj. Ayant provoqué un tollé en qualifiant l’Emir Abdelkader de «traître», le fils du Colonel Amirouche a été arrêté samedi sur une terrasse d’un hôtel à Tichy au sortir d’une conférence autour d’une thématique historique. L’arrestation de Nordine Aït Hamouda et du directeur de la chaîne privée El Hayat TV, Habet Hannachi, fait suite à une plainte déposée auprès des doyens des juges du tribunal de Sidi M’hamed par un groupe de sept avocats. «Suite à la plainte portée par nos soins, en tant que défense de le partie civile, auprès du juge instructeur près le tribunal de Sidi M’hamed, une enquête a été diligentée», confirme ainsi l’avocate Hasna Bourenane. L’argumentaire de la plainte déposée à l’encontre du journaliste et de son interviewé invoque l’article 80 de la Constitution relative à l’atteinte aux symboles de la nation et de la Révolution, ainsi que les articles 52 et 66 de la loi 99-07 relative au moudjahid et au chahid, et d’autres lois relatives à la diffamation (article 87 bis du code pénal), à l’offense au président de la République (article 144 bis du code pénal) et à l’usurpation d’identité. Parmi les plaignants, figurent notamment les avocats ayant déposé plainte contre l’islamologue Saïd Djabelkhir pour «offense à l’islam». L’un d’entre eux, Lahcen Touati, accuse la chaîne de «danser autour des cadavres de lions». S’adressant au directeur de la chaîne El Hayat dont il rejette les excuses, il s’exclame : «Vous ne vous êtes pas trompé, car vous avez délibérément présenté votre invité comme un historien, un chercheur et même un penseur, alors que vous saviez qu’il usurpe cette position.» Et de poursuivre, en traitant Nordine Ait Hamouda de «raciste» : «Vous avez traité d’un sujet sensible, et ce, afin d’avoir un grand nombre d’interactions et de visionnages sur le dos des symboles de la nation et de la Révolution.» Dans la liste des signataires de la plainte figurent, entre autres, des descendants de la famille de l’Emir (la princesse Badéa Al Hosni El Djazaïri), les arrière-petits neveux (comme les Boutaleb) ainsi que des citoyens d’horizons divers.
Mohcine Belabbas, président du RCD, a dénoncé, dans un communiqué publié sur Facebook, l’interpellation de Nordine Aït Hamouda, considérant qu’il s’agit là d’un «nouveau dérapage». Le sociologue Houari Addi abonde dans le même sens, précisant que «le citoyen Noredine Aït Hamouda a le droit de donner publiquement son point de vue négatif sur des personnalités du récit national». «C’est aux historiens et à l’opinion publique diverse de lui répondre et non au juge de le condamner, dit-il. Par exemple, il y a des citoyens américains qui critiquent Lincoln ou des citoyens français qui traitent de Gaulle de traître. Ni les uns ni les autres ne sont convoqués par la justice de leurs pays respectifs. C’est ainsi que fonctionne la démocratie.» Et de conclure : «Ce débat appartient aux historiens qui éclairent l’opinion publique et non à nous, qui avons besoin de thèses soutenues à l’université sur l’Emir Abdelkader, sur Boumediène, sur Boussouf, etc., pour sortir le débat du manichéisme qui réduit le passé à deux mots : traître ou patriote.»