Retour en grâce des symboles du système
Dans le sillage de la récente révision constitutionnelle, qu’est-ce qui a changé dans le fonctionnement des institutions, dans la relation entre l’Exécutif et les autres pouvoirs, à l’épreuve des nouvelles réalités politiques du terrain nées du passage en force des législatives du 12 juin dernier ? Le nouveau Parlement, massivement boycotté par les Algériens, aura-t-il les coudées franches pour exercer son rôle de contrôle de l’action du gouvernement et de pouvoir légiférant consacré par toutes les moutures successives de la Loi fondamentale ? Peu sûr. Les conditions politiques dans lesquelles se sont tenues les élections législatives du 12 juin dernier, marquées par un boycott massif, ont fait de la nouvelle APN un Parlement par défaut. Un Parlement n’ayant ni la légitimité des urnes forte requise pour assumer pleinement son rôle de pouvoir législatif, affranchi des interférences de l’Exécutif, ni les clés constitutionnelles pour déconstruire le système institutionnel en place et ouvrir le jeu parlementaire dans le sens de l’exercice de la démocratie parlementaire. Mais, la politique a sa propre logique. Pour présider, le président de la République doit s’appuyer sur une majorité présidentielle ou parlementaire. Vers quel type de majorité s’achemine-t-on ? Les résultats des législatives offrent théoriquement, constitutionnellement, la possibilité d’aller vers une majorité parlementaire plurielle, en additionnant les sièges du FLN, du RND, acquise au programme présidentiel, confortés par ceux du groupe des «indépendants» qui a rallié officiellement le camp des soutiens au président Tebboune. Mais dans la réalité, le jeu du compromis étant parasité par les rivalités et les ambitions politiques des uns et des autres, cette option apparaît très peu probable. Ceci amène à s’interroger sur l’enjeu des consultations engagées par le président Tebboune avec les partis et le groupe des «indépendants» vainqueurs du scrutin. Il serait présomptueux de parler de tractations, comme le fait, avec arrogance, le FLN qui surenchérit, en tant que majorité (numérique), sur la paternité de la conduite du gouvernement et le droit de disposer du plus grand quota de postes de ministre, osant même interpeller indirectement le président Tebboune pour «faire respecter la volonté populaire». Face à un Parlement mal élu, boycotté par la majorité du corps électoral, traversé par des courants idéologiques et des réseaux d’intérêts qui polluent la cohérence du jeu parlementaire sain, le président Tebboune, bien qu’en déficit de légitimité lui aussi, demeure, de par ses pouvoirs constitutionnels régaliens, le maître du jeu institutionnel. Pour décider de la nature de la majorité qu’il souhaiterait se donner, et des partenaires qui rejoindront cette coalition en jouant sur leur faiblesse, rivalité et impopularité. Le futur gouvernement pourrait bien ressembler à une auberge espagnole, tellement les appétits sont nombreux et forts ; tous les courants et bords politiques ayant pris part au processus électoral attendent le renvoi d’ascenseur. Par ailleurs, pour faire un clin d’oeil au hirak, il n’est pas exclu que le président Tebboune cède à la tentation de «débaucher» des hirakistes pour entrer au gouvernement, comme il l’avait fait avec le gouvernement de Djerad. Pour autant, avec la formation du nouveau gouvernement et l’installation du nouveau Parlement, l’Algérie aura-t-elle pris une sérieuse option pour le changement du système plébiscité lors du dernier scrutin à travers le boycott massif ? Le recyclage des hommes et des appareils de l’ancien système qui reviennent en conquérants dans le paysage politique va sans nul doute contribuer à aggraver davantage la crise au lieu de la résoudre. Les expériences à travers l’histoire ont démontré que les systèmes autocratiques ne s’amendent pas.