Combien pèse un Algérien en poudre ?

Ne plus écrire, ne plus parler, ne rien dire, ne rien faire, ne pas bouger, ne pas contester, ne pas s’attrouper, même non armé, ne pas inciter à s’attrouper, même en pensée. Ne rien publier, ne rien diffuser, ne pas débattre et ne pas exprimer d’opinion, tout ce que vous direz, même avec les mains ou les yeux, pourra être retenu contre vous dans le cadre, au choix, d’atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’unité nationale ou au moral de la Sonipec. Ne rien espérer, ne pas envisager, attendre patiemment l’eau du robinet et remercier Dieu d’être encore en vie et pas dans une prison. Ce projet de société pensé par les autorités compétentes pourrait fonctionner, si le pays était habité par des amibes, des paramécies unicellulaires, des chloroplastes ou des protozoaires. Ce qui n’est pas le cas, il y a 43 millions d’êtres humains pluricellulaires en Algérie, organismes à cellules différenciées dont le métabolisme répond à des processus complexes. A part, donc, traumatiser les enfants et faire fuir les adultes, la stratégie actuelle est vouée à l’échec, de la vie naît le mouvement, du cerveau le rêve d’un monde meilleur et les prisons ne sont pas extensibles à l’infini. Sauf qu’il semble qu’il y ait une dernière trouvaille, couper l’eau et déshydrater la population pour la transformer en poudre. L’idée est ingénieuse, les Algérien(ne)s prendront beaucoup moins de place, y compris dans les prisons, avec cet avantage certain pour les logements, où on pourra caser 500 familles par appartement et les transports qui se feront par sachets. Enfin, point important, la population ainsi réduite en poudre pourra être évacuée en cas de rassemblement avec un simple ventilateur et être reconstituée plus tard avec un peu d’eau, quand évidemment l’édification sera parachevée, la main de l’étranger coupée au niveau de l’aisselle et les terroristes éliminés. Ce n’est bien sûr que théorique car, en réalité, que ce soit en poudre, liquide, gazeux ou solide, le prochain hirak aura du mal à être pacifique.