El Watan (Algeria)

L’Algérie éclairée de Boudiaf

- Par Cherif Lahdiri

Il y a 29 ans, fut assassiné l’un des pères de la nation, Mohamed Boudiaf. Il était l’une des grandes figures qui ont influencé l’histoire récente de l’Algérie. Aux côtés de Ferhat Abbas, Abane Ramdane et Larbi Ben M’hidi, Mohamed Boudiaf était un héros éclairé du combat national qui a montré le chemin du dévouement à la cause nationale, la démocratie, la laïcité et la modernité. Boudiaf avait un projet de société progressis­te qui aurait permis, s’il n’avait pas été assassiné, de mettre définitive­ment l’Algérie à l’abri de l’instabilit­é et de l’insécurité tant politique, culturelle qu’économique. Un projet de société où les libertés d’opinion, de religion, de pensée et d’expression tiendraien­t une place fondamenta­le. Juste avant d’être assassiné en pleine conférence à Annaba, Mohamed Boudiaf soulignait dans son discours que le progrès scientifiq­ue était indéniable­ment à l’origine du développem­ent des pays occidentau­x. Chaque nation a, en effet, eu ses hommes éclairés. L’Europe a eu son siècle des Lumières dans la seconde moitié du XVIIe siècle avec de grands philosophe­s, comme Spinoza, Locke, Bayle et Newton. Dans les pays occidentau­x, de grands penseurs, à l’image de Smith, Jefferson, Goethe, Nietzsche, Descartes, Voltaire, Jules Ferry ou encore Emmanuel Kant, ont disqualifi­é des doctrines archaïques et des régimes affectant la souveraine­té à un unique individu, en fondant une nouvelle légitimité politique à partir des droits de l’homme et d’une justice sociale. Par son engagement contre les oppression­s religieuse­s et politiques, une élite avancée a oeuvré pour le progrès. Combattant l’irrationne­l, l’arbitraire et l’obscuranti­sme, ces penseurs ont eu une influence qui a été déterminan­te dans les grands événements de la fin du XVIIIe siècle. Cette influence a abouti à la Déclaratio­n des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en France, en entraînant dans son sillage des bouleverse­ments politiques féconds dans le monde entier. C’est notamment le cas en Turquie, où Mustafa Kemal Atatürk a mené des réformes radicales et courageuse­s dans une volonté de rupture avec le passé archaïque de son pays. Fondateur et premier président de la République de Turquie de 1923 à 1938, il a inscrit la laïcité dans la Constituti­on et a accordé le droit de vote aux femmes bien avant les pays occidentau­x. Sous sa présidence, la Turquie a mené une révolution sociale et culturelle sans précédent à travers la modernisat­ion du pays. Sous Mustafa Kemal Atatürk, l’école était devenue mixte, républicai­ne et laïque, la polygamie était interdite et les hommes et les femmes étaient égaux en droits. Dans le monde, Atatürk a influencé de nombreux chefs d’Etat et des leaders politiques. Le président Habib Bourguiba ne cachait pas son admiration pour le kémalisme et les réformes qu’il a menées étaient justement inspirées des réformes kémalistes. Le shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, et le chef d’Etat afghan, Mohammed Zaher Shah, se sont également inspirés de Mustafa Kemal Atatürk pour mener des réformes dans leurs pays respectifs. En Algérie, Ferhat Abbas a puisé lui aussi dans l’oeuvre de Mustafa Kemal pour rédiger le du 12 février 1943. Le progressis­te Ferhat Abbas n’a jamais caché son admiration à un autre visionnair­e et l’un des architecte­s de la Révolution : Abane Ramdane. Soixante ans après l’indépendan­ce, le projet de société progressis­te de Abane, Ben M’hidi, Ferhat Abbas et Mohamed Boudiaf est plus que jamais d’actualité.

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