Les pédagogues partagés sur la double vacation
N Les parents et les syndicats restent divisés quant à la possibilité du maintien du système de double vacation sur le territoire national pour la prochaine rentrée scolaire.
En effet, les parents et les syndicats restent divisés quant à la possibilité de maintien du système de double vacation sur le territoire national pour la prochaine rentrée scolaire. Adoptée comme solution extrême pour assurer la distanciation physique entre les élèves dans le cadre de la prévention contre la propagation de la Covid-19, cette mesure semble être du goût des décideurs au ministère de l’Education nationale. Ce dernier a d’ailleurs lancé un sondage sur sa plateforme numérique pour l’évaluation de ce plan pédagogique exceptionnel. Destiné aux enseignants, aucune déclaration officielle sur les résultats n’a été encore faite. Toutefois, les quelques information qui circulent déjà sur ce sujet parlent d’une éventuelle reconduction de ce système et d’une approbation des enseignants de cette méthode. «Si c’est le cas, cela serait contraire à la réalité. Nous étions en train de répéter les cours comme des perroquets. C’était beaucoup de pression sur nous. En tant qu’enseignante, je ne pourrais pas revivre ce cauchemar encore une fois», souligne Djamila, enseignante d’histoire-géographie au CEM El Amir Khaled à Kouba. Effectivement, durant l’année scolaire, beaucoup d’enseignants avaient soulevé ce problème ainsi que la double charge qu’ils avaient à répéter le même cours jusqu’à 3 fois par jour et plusieurs fois par semaine. Ceci sans compter le volume horaire qui a augmenté, malgré la réduction de celui de la séance pédagogique à 45 minutes au lieu d’une heure. Beaucoup d’enseignants avaient du mal à terminer le programme. «La gestion de l’emploi du temps de mes enfants était difficile, mais j’ai fini par jongler et m’y faire. De plus, les élèves n’avaient pas assez de cours. Les programmes ont été réadaptés, mais j’ai joué le rôle de l’enseignante avec mes gamins. C’est compliqué et je ne suis pas pour la reconduction de ce système», dévoile Amel, une jeune maman de 2 enfants au primaire.
De leur côté, les syndicats ne cachent pas leur mécontentement quant à l’attitude du ministère qui a mis à l’écart ses partenaires sociaux. «Nous n’avons pas été consultés ni avisés de la mise en ligne de ce sondage qui cible la base, loin des représentants officiels des travailleurs.
C’est une manière de contourner la colère sociale et de transformer les revendications des travailleurs en protestations purement syndicales. De plus, ce sondage ne tient pas la route, étant donné que seuls 400 enseignants y ont participé et que les décisions pareilles ne se prennent pas sur la base des avis personnels», déclare Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapest). Pour notre syndicaliste, il est aujourd’hui impossible de parler de reconduction d’un plan qui n’a pas été encore évalué. Selon lui, il faut lancer des séances d’évaluation de ce plan exceptionnel, surtout que les circonstances de son adoption ont changé et la situation sanitaire n’est pas la même. Avis partagé par Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef). «Vu l’état actuel de l’école algérienne, le Satef est contre le maintien de l’enseignement par groupes. De prime abord, nous n’avons pas les moyens logistiques pour ça. Beaucoup d’établissements manquent de salles pour appliquer ce système et puis c’est un système qui sature et les enseignants et les administrateurs. Pédagogiquement, le volume horaire n’est pas dispensé correctement : des séances de 45 minutes, travail par alternance pour les élèves, soit le matin, soit le soir ou repos d’une journée sur deux. Les enseignants de certaines matières, comme les mathématiques et l’arabe assurent jusqu’à plus 32 séances par semaine. Pour l’appliquer, il faut recruter des enseignants et construire des salles de classe. Les programmes ne sont pas achevés et le niveau de l’école algérienne ne fera que péricliter encore plus. Le décrochage scolaire sera bien réel», souligne notre interlocuteur, qui soulève que seul le prochain ministre est habilité à faire des déclarations et à prendre des décisions après consultation des partenaires sociaux. Un peu plus tolérant, Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapest), estime que le système de double vacation n’est pas un choix prémédité, mais une évidence qui s’est imposée d’elle-même. Il reste toutefois contre le fait de renvoyer les élèves chez eux. «S’il est question de la maintenir, le ministère devra se débrouiller pour avoir des salles de classe en plus pour contenir le surplus d’élèves et surtout recruter des enseignants pour assurer l’enseignement sans faire de forcing sur le corps enseignant actuellement en poste. Avoir 25 élèves par classe est en concordance avec le plan de réforme de Benzaghou, connu sous le nom de carte scolaire. Ce n’est qu’avec ces conditions que nous pourrons améliorer le rendu de l’élève et de son enseignant et atteindre l’enseignement de qualité», ajoute M. Meriane. Il est à signaler que le ministère de l’Education maintient son silence habituel. C’est le statu quo, en attendant l’annonce des résultats du BEM prévu au plus tard au début de la semaine prochaine. Les résultats du baccalauréat ne seront connus que le 20 juillet.