Lumière sur les expressions idiomatiques
Le thème est inédit par ses spécificités et par l’intérêt particulier qui lui a été accordé de la part de nombreux chercheurs de différents horizons. Il a été choisi dans le cadre d’un colloque international organisé à distance, dimanche et lundi derniers, par l’Institut des lettres et des langues du centre universitaire Abdelhafidh Boussouf de Mila, en partenariat avec l’équipe de recherche «Traduction et Terminologie» du laboratoire Traduction et Langues de l’université des Frères Mentouri (Constantine 1) et la cellule assurance qualité du même centre de Mila. «Les expressions idiomatiques : visibilité en langues, culture et traduction» est l’intitulé de cet évènement scientifique présidé par Dr Mohamed Hichem Bencherif et chapeauté par Amirouche Bouchelaghem, recteur du centre universitaire de Mila. Selon les organisateurs, la rencontre a réuni les sommités du domaine de la traduction et celui de la culture et des langues, intervenant de différents pays, dont le Maroc, la Tunisie, la France, l’Égypte, le Qatar, le Canada et la Palestine. «L’acte de ce colloque restituera fidèlement les présentations des experts présents et il reflétera la vivacité de la recherche dans le domaine de la traduction, des langues et de la culture ; il partagera également les connaissances évoquées par-delà les frontières et le temps, ce sont les objectifs tracés pour qu’à la fin de cette manifestation les actes du colloque soient publiés dans la revue internationale de la traduction moderne ainsi qu’un ouvrage collectif qui sera dédié aux intervenants», a révélé Dr Mohamed Hichem Bencherif, président du colloque. Ce dernier se voulait surtout «un terrain de réflexion sur les expressions idiomatiques et une opportunité pour les chercheurs universitaires et les spécialistes dans le domaine des langues, des cultures et de la traduction pour retracer le fil de leur évolution». Une richesse linguistique et culturelle Mais d’abord, c’est quoi une expression idiomatique ? Tous les spécialistes dans le domaine des langues s’accordent à dire : «Les expressions idiomatiques» sont une partie intégrante des langues en usage, représentant une richesse linguistique et culturelle non négligeable. Il s’agit d’expressions utilisées dans la vie courante pour évoquer, décrire ou commenter avec une certaine conventionalité et figuration des situations sociales, des comportements ou des faits. Mais les significations de ces expressions demeurent encore inconnues pour les personnes étrangères à la langue utilisée. D’où l’importance de les comprendre d’abord dans la langue d’usage avant de passer à leur traduction. Les chercheurs notent que le recours de nos jours à ces expressions a pris de l’importance, surtout qu’elles demeurent l’une des spécificités linguistiques et culturelles de toute langue. Ce sont ces mêmes particularités qui différencient aussi une langue d’une autre. Chose qui explique l’importance d’étudier le sens, le contexte et les représentations de ces expressions pour mettre en place les modes efficaces de traduction et les rendre accessibles aux universitaires et mieux compréhensibles par le large public. C’est dans ce contexte qu’une intervenante dans ce colloque, Hafiza Taouret, maître de conférences et enseignant-chercheur à l’École normale supérieure Assia Djebar (université Salah Boubnider- Constantine 3), s’est intéressée aux «Spécificités socioculturelles et psycho-idiomatiques du parler constantinois» en évoquant les diphtongues (prononciation particulière des sons ya et wa), les diminutifs et les formules de politesse. Un sujet qui mérite toute l’attention puisqu’il demeure l’une des particularités de la ville du Vieux Rocher. Une particularité constantinoise «Ce travail est une recherche qui s’articule autour de la spécificité psychologique de l’identité urbaine des habitants de la vieille ville de Constantine résidant dans les quartiers populaires et dits les Beldis. Une identité dont la quête se traduit nettement par un parler ayant un rapport sublimé au passé, car il a une signification idéologique très haute dans la hiérarchie des valeurs morales et esthétiques», explique Hafiza Taouret. Notre interlocutrice affirme que le parler raffiné de ces habitants de Constantine, plus connus par «El Beldia» (habitants authentiques de la ville), «reste tributaire de ces milieux socio-urbains sous l’influence de multiples facteurs idéologiques et culturels à savoir que ces anciens milieux constituent le bain approprié qui, tout en couvant un esprit se résignant à se définir comme un pur constantinois, favorise l’attachement à ces sonorités constantinoises que l’on acquiert dès la naissance, qui ornent et embellissent considérablement l’expression». Comme exemples d’expressions idiomatiques de cette «identité fondamentale», Mme Taouret cite les appellations de certains objets artisanaux de la dinanderie qui témoignent d’une culture typiquement constantinoise ayant une origine turque, ainsi que des citations et des proverbes et des formules de politesse qui se veulent raffinées, gracieuses et élégantes, dont les diphtongues et les diminutifs leur confèrent un caractère subtile. «Il ne s’agit, en effet, que d’un parler qui, par essence, se veut le reflet de toutes les cultures traditionnelles de cette métaphore de la ville mystique et de ses ruelles qui recèlent l’expression éternelle de la fierté et de la dignité. Un parler dont les savoureuses créations linguistiques, tout en renouant avec le passé, interpellent la conscience de chacun de nous pour tenter de le sauvegarder et pour le considérer avec intérêt comme un héritage ancestral susceptible d’insérer dans la continuité la population constantinoise en particulier et tout le peuple algérien en général tant que Constantine est une ville algérienne et tant que l’Algérie est un pays pluriculturel», conclut Hafiza Taouret.