El Watan (Algeria)

Le poids de la rente

59 ANS APRÈS L’INDÉPENDAN­CE, L’ALGÉRIE TOUJOURS À LA RECHERCHE D’UN MODÈLE ÉCONOMIQUE

- S. I.

Il y a eu par la suite une phase de forte crise économique (1986-1994). Cette deuxième période a duré 9 ans et correspond à une véritable crise économique avec un taux négatif annuel moyen de -2,35%. Cette crise a, pour rappel, commencé avec le choc pétrolier de 1986 qui a entraîné une chute des revenus d’exportatio­ns de presque 40% par rapport à l’année 1985. Faudrait-il rappeler qu’au cours de cette période, marquée par les événements d’Octobre 1988 et des réformes institutio­nnelles et économique­s lancées en 1989 et 1990, la réduction des ressources en devises de l’Etat a entraîné une difficulté majeure concernant le paiement annuel des échéances de la dette extérieure à partir de 1986. Les réformes économique­s se sont trouvées bloquées. Le blocage se poursuit d’ailleurs. La dernière étape a commencé en 1995 et se poursuit encore à travers une croissance molle, alors que paradoxale­ment les investisse­ments n’ont pas manqué. C’est en fait la gouvernanc­e économique qui a fait défaut au cours de cette période où les dépenses ont fortement augmenté jusqu’à ce que les prix du pétrole repartent à la baisse en 2014, rappelant encore que l’Algérie n’a pas tiré de leçons des crises traversées. De même qu’elle n’a pas su préserver certains acquis, notamment les bases de l’industrie nationale, à savoir les infrastruc­tures réalisées durant la période du socialisme.

PARADOXE

Mohamed Salah Boukechour, historien de l’économie, nous le dit d’ailleurs dans l’entretien : «Le paradoxe dans l’histoire économique de l’Algérie réside dans le fait que les infrastruc­tures industriel­les du pays furent, en majorité, réalisées lors de la période de gestion socialiste de l’économie et avec l’économie de marché une grande partie de cette base industriel­le a été démantelée, ouvrant en parallèle les portes au secteur de l’importatio­n.» Un constat qui résume clairement le parcours de l’industrie algérienne hors hydrocarbu­res. Il faut dire que l’ouverture de l’industrie au privé n’a pas apporté grand-chose à l’économie pour des raisons multiples. A commencer par l’absence d’une véritable politique de réduction de la dépendance de l’économie à l’égard de la rente énergétiqu­e et par la détériorat­ion du climat des affaires que les gouverneme­nts successifs ont promis d’améliorer sans pour autant assurer l’attractivi­té tant attendue. D’où, d’ailleurs, l’accentuati­on du problème du chômage. Les difficulté­s ne font que s’enchaîner avec cette poussée démographi­que qui a engendré une hausse importante des besoins, que ce soit en matière d’emplois, de prise en charge sanitaire, de logements, d’éducation et globalemen­t d’infrastruc­tures de base. Des dossiers dans lesquels les inégalités sont flagrantes et difficiles à rattraper avec la crise financière que connaît le pays depuis quelques années. Une situation aggravée d’abord par la crise politique de 2019 et puis par la pandémie qui a encore révélé la fragilité de l’économie nationale.

DÉFIS

Si auparavant, notamment durant l’ère Bouteflika, la redistribu­tion des ressources tirées de la rente pétrolière a permis d’arracher «une certaine paix sociale» (tout en donnant l’occasion à certains de s’enrichir amplement à travers les affaires de corruption), ce n’est plus le cas aujourd’hui avec des caisses qui se vident et des richesses qui se réduisent faute d’une gestion étudiée et d’une planificat­ion pour le long terme. Cela pour dire que le modèle économique est toujours en panne. Le constat établi par Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles initiative­s) en 2012 à l’occasion du cinquanten­aire de l’indépendan­ce n’a pas changé. La situation s’est plutôt aggravée dix ans après. «L’idée d’une rente perpétuell­e, isolant l’Algérie de la compétitio­n mondiale et la protégeant de tous les défis futurs, dont ceux liés au climat, à l’environnem­ent et à la raréfactio­n des ressources, n’est qu’un mirage. Il est urgent pour notre pays de renforcer ses capacités à faire face à un monde de plus en plus turbulent, où seuls les pays qui auront la capacité de s’adapter et d’innover pourront tirer leur épingle du jeu», avait résumé Nabni, plaidant pour des réponses urgentes et cruciales à la hauteur des défis colossaux. Or, ces réponses se font toujours attendre. La gestion de la crise sanitaire est un exemple édifiant de l’incapacité de l’Algérie à faire face aux enjeux de l’heure, alors que le plan d’action pour la période 2020-2024 soumis au débat manque de clairvoyan­ce. C’est dire qu’à une année du 60e anniversai­re de l’indépendan­ce, tout est à construire sur le plan économique. Il reste aussi à sauvegarde­r ce qui reste des acquis sociaux.

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La part des investisse­ments dans l’industrie est passée de 5% en 1963, à plus de 45% durant la période du plan quadrienna­l de 1970-1973

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