LES CHIFFRES OFFICIELS À L’ÉPREUVE DE LA RÉALITÉ
Al’heure où la courbe des contaminations au coronavirus repart à la hausse, les interrogations sur les raisons du relâchement ayant entraîné cette flambée s’accumulent : le discours rassurant autour de la stabilité des contaminations a-t-il, comme le pensent quelques spécialistes, contribué au relâchement des gestes barrières observé ces dernières semaines ? Le travail de sensibilisation pour la campagne vaccinale est-il insuffisant ? Faut-il revoir la stratégie de communication autour de la crise sanitaire en Algérie ? Sur ce point, il est important de souligner l’écart entre les chiffres officiels avancés et la réalité du terrain.
Si les chiffres quotidiens déclarés dépassent les 460 cas, la réalité est autrement plus inquiétante, sachant que les données officielles s’appuient uniquement sur les tests PCR réalisés dans les hôpitaux, ne prenant pas en compte les cas diagnostiqués par scanner ou tests antigéniques. «Nous avons toujours demandé au ministère de la Santé de communiquer sur la situation épidémiologique. Celui-ci le fait quotidiennement depuis 16 mois et nous lui rendons hommage. Mais nous avons l’impression que cette communication tourne autour des personnels de la santé et quelques secteurs. Le citoyen n’est pas à l’affût de l’information sanitaire», constatait récemment le professeur Rachid Belhadj, directeur des activités médicales et paramédicales au CHU Mustapha Bacha. Car si les chiffres officiels avancent une moyenne de 460 contaminations par jour sur l’échelle nationale, le directeur des activités médicales au CHU Mustapha évoque «des foules» qui se dirigent vers ce grand hôpital algérois pour cause de contamination à la Covid-19. «Nous avons déjà établi les plans A et B, mais nous sommes contraints de passer au plan C qui prévoit de mobiliser tous les services afin d’augmenter la capacité à 300 lits d’hospitalisation et 80 lits de réanimation. Nous sommes en train de vivre le même scénario que celui de l’été dernier», annonce-t-il. Et d’ajouter ému : «Nous sommes parfois dans des situations inhumaines, où il nous est difficile de dire à des patients d’attendre (qu’un malade décède) pour libérer une place.» Aussi est-il partisan de «l’injonction médicale» contraignant les citoyens à la vaccination ainsi que l’application stricte des mesures de précaution. «Ce n’est pas là une responsabilité individuelle, c’est une responsabilité collective (…). Nous sommes en pleine crise sanitaire avec un personnel médical à bout et des personnes qui souffrent dans les hôpitaux, sans que cela empêche les gens d’organiser des fêtes de mariage», dit-il, précisant que sept à huit contaminations dans le corps médical sont déclarées quotidiennement auprès des services de médecine du travail. Il est à souligner, par ailleurs, que ministère de la Santé n’a fourni aucun bilan de la campagne de vaccination qui a été lancée le 30 janvier dernier, malgré les réclamations des spécialistes. La vigilance est d’autant plus importante à observer aujourd’hui que la crise de l’eau pourrait se répercuter négativement sur l’hygiène, ce qui pourrait être un facteur aggravant de la pandémie.