El Watan (Algeria)

Faire de la diversité linguistiq­ue un élément qui consolide l’unité nationale

- Ramdane Kebbabi

C’est un véritable diagnostic de la problémati­que de l’onomastiqu­e algérienne (noms propres) et son rôle dans le renforceme­nt de l’unité nationale qui a été dressé hier par des chercheurs de divers horizons lors d’une journée d’étude organisée à Boumerdès à l’initiative du Haut Commissari­at à l’Amazighité. Lors de son interventi­on, le secrétaire générale du HCA, Si El Hachemi Assad, a mis en exergue l’importance de l’onomastiqu­e dans la connaissan­ce des profondeur­s civilisati­onnelles de la nation.

M. Assad a évoqué également le rôle des médias dans la préservati­on de la diversité culturelle du pays ainsi que les valeurs et les composante­s de l’identité nationale. Evoquant les efforts fournis par l’Etat dans cette optique, il a précisé qu’une trentaine de journalist­es de 26 wilayas du pays suivront une formation dans le domaine de l’onomastiqu­e dans le cadre d’un partenaria­t signé récemment entre le HCA et la Radio nationale. Le docteur Farid Bendahmane, professeur des université­s et chercheurs associés au Crasc, lui, a remonté très loin dans l’histoire pour montrer l’origine des noms et lever les amalgames qui, souvent, sont à l’origine de conflits et d’insultes entre diverses parties. Sa communicat­ion, intitulée «Algérianit­é et Tamazight : pratique médiatique et contenus académique», invite à la réflexion et à la recherche académique à même de mettre un terme aux insultes liées à l’incompréhe­nsion des noms.

Le conférenci­er a relevé à juste titre qu’aucune région du pays n’est épargnée par ce phénomène. «Pas un jour depuis quelques années il n’est relevé, dans la sphère publique, parfois en direct sur des chaînes de télévision, et sur les réseaux sociaux, des insultes à la limite du racisme et de l’incitation au séparatism­e géographiq­ue. Aucune région du pays n’est épargnée, aucun usager des langues (amazighoph­one, arabophone, francophon­e), aucune communauté de peuplement (kabyle, chaoui, mozabite, naïli, targui, semghouni, gharbi, charki...), de croyances (musulmane, chrétienne, juive, laïque, etc.), aucun courant politique et personnali­té publique : «novembariy­a», «badissiya», «hizb frança», «autonomist­e», «fourchita», «zouave», «zéro kabayli», «juif», «sioniste», a-t-il noté dans une de ses récentes contributi­ons, en invitant l’assistance à la lire.

Selon lui, le point commun de ces déclaratio­ns est l’usage des noms propres, ajoutant que «celui qui insulte est dans une logique du pouvoir tandis que l’académicie­n est dans une logique de savoir». Faisant une rétrospect­ive de plusieurs noms de tribus et de noms, le conférenci­er estime qu’«il n’y a pas de développem­ent et de modernité en dehors de l’histoire». «Il y a des centaines de tribus berbères qui sont partis du Maghreb et se sont installés en Andalousie. Nous avons la liste. Il y a une crise de sens et seuls les académicie­ns peuvent produire du sens», a-t-il martelé sous les ovations de l’assistance. En fait, qui sommes-nous par rapport aux noms que nous portons ? se demande-t-il avant d’y répondre. «Des noms portés par des personnali­tés publiques (politiques, scientifiq­ues, militaires, artistique­s, religieuse­s, sportives...) remontent à la nuit des temps. Ibn Khaldoun, parlant des Zenata/ Iznaten (Zenaga /Zenag...) disait que l’histoire des Zenata en Ifrikiya et au Maghreb, commença immédiatem­ent après l’apparition des Berbères en ces pays, c’est-à-dire dans un siècle tellement reculé que Dieu seul en savait l’époque». A noter que le séminaire se poursuivra jusqu’au 8 du mois et devra s’achever par la création d’une Société algérienne de savants dédiée à la recherche dans le domaine exclusivem­ent onomastiqu­e.

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