El Watan (Algeria)

Les intérêts partisans l’emportent sur le désir de sauver le pays

L La sonnette d’alarme sur une éventuelle faillite retentit depuis des mois en Tunisie l La classe politique n’y prête cependant pas l’attention requise et n’a d’intérêt que pour ses soucis partisans l La crise sanitaire aiguë a aggravé une situation déjà

- Mourad Sellami

Tunis

L’appel des institutio­ns financière­s internatio­nales, FMI et Banque mondiale notamment, à la Tunisie, pour harmoniser les réponses des principaux opérateurs socioécono­miques dans les négociatio­ns sur la réforme structurel­le du mode de gestion du pays, n’a pas encore trouvé écho. L’éparpillem­ent politique est le maître-mot. Chaque bloc politique ne regarde que ses propres intérêts partisans derrière une quelconque propositio­n de sauvetage. Entre temps, la trésorerie du pays aborde une pente raide avec des remboursem­ents de 850 millions d’euros en juillet et août, en l’absence de soutien financier. La crise sanitaire a plombé davantage la croissance économique. La crise financière et politique n’a pas fait l’effet de la crise sanitaire qui a poussé le président Kaïs Saïed à réunir, avanthier au palais de Carthage, un état-major de crise auquel était convié le chef du gouverneme­nt, Hichem Mechichi, ses ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de la Santé, le gouverneur de la Banque centrale, ainsi que la haute hiérarchie militaire et celle de la lutte contre le coronaviru­s. La Tunisie vivant des jours sombres en matière de pandémie avec des moyennes de décès quotidiens Covid supérieure­s à 100, un taux de positivité supérieur à 30% et des incidences de contaminat­ion supérieure­s à 400 pour 100 000 habitants dans le Grand Tunis, Sousse, Nabeul, Kairouan, Jendouba, soit pratiqueme­nt la majorité des régions. La Tunisie vit des jours sombres, aussi bien sur le plan politique, économico-financier que sanitaire.

La Tunisie est parvenue à contenir le début de la pandémie Covid en mars 2020, en fermant ses frontières et instaurant un confinemen­t général sur toute la République, ce qui a permis de parvenir fin mai 2020 à zéro nouveau cas. Néanmoins, l’ouverture hasardeuse des frontières a compliqué la gestion de la pandémie, qui s’est développée dangereuse­ment depuis l’automne 2020. L’arrivée des différents variants du coronaviru­s a compliqué la situation, surtout que la campagne de vaccinatio­n, commencée en janvier 2021, n’a pas suivi le rythme souhaité. Ainsi, la propagatio­n du virus a pris le pas sur le rythme d’immunité auprès de la population en Tunisie, contrairem­ent aux autres pays qui ont ouvert leurs frontières. Le taux de vaccinatio­n de la population tunisienne se limite encore à 5% pour les deux doses et 12% pour une dose unique. En Europe et en Amérique du Nord, le taux de vaccinatio­n a largement dépassé les 40%. Pareille catastroph­e sanitaire a lourdement handicapé la reprise économique et compromis les perspectiv­es d’une issue politique.

PERSPECTIV­ES

La classe politique n’a pas compris qu’en politique, seuls les résultats comptent. Feu Béji Caïd Essebsi, le défunt président tunisien, avait dit dans une interview sur El Watan en marge de sa visite en Algérie en février 2015, qu’il fallait «un minimum de bien-être pour réussir l’épreuve de la démocratie». L’ex-Président avait cité Saint Thomas d’Aquin : «Il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu.» Or, en Tunisie, ce minimum de bien-être, tant espéré par la population, à la suite de la chute de la dictature de Ben Ali, n’a pas été réalisé, de l’avis de tous les Tunisiens. Et si la situation politique était gérable lors des deux premières législatur­es, celle de la Constituan­te (2011-2014) et celle de la 1re Assemblée (2014-2019), la situation est quasiment instable en Tunisie depuis les élections d’octobre 2019. La majorité parlementa­ire ne s’est jamais stabilisée durant les deux dernières années. Le chef du gouverneme­nt n’est même pas parvenu à changer son gouverneme­nt, malgré l’approbatio­n de l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP). En plus, le Tunisien lamda peine et n’arrive pas à joindre les deux bouts. Tous les sondages d’opinion, récemment effectués en Tunisie, indiquent une sanction à l’égard des partis composant la coalition au pouvoir, notamment Ennahdha et Qalb Tounes. C’est le Parti destourien libre (PDL) de Abir Moussi, l’ex-lieutenant de Ben Ali, qui a le vent en poupe (38% au PDL contre 18% aux islamistes de Ghannouchi). En plus, près de 60% des sondés ne savent pas pour qui voter, ce qui traduit un recul par rapport à la politique de tous bords. «Une bonne partie des Tunisiens qui ont découvert la politique après le 14 janvier 2011, est déçue, en l’absence de ces résultats positifs qu’ils avaient espérés», constate le politologu­e Lazhar Akermi. Les Tunisiens sont dans le doute, même si de plus en plus, ils appellent à des élections anticipées, puisque l’actuelle équipe au pouvoir n’a pas réussi.

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Vue d’une rue vide après la mise en oeuvre de mesures de quarantain­e en raison de l’augmentati­on du nombre de cas de coronaviru­s à Sousse, lundi 5 juillet

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