El Watan (Algeria)

Le Caire et Khartoum opposés à l’opération de remplissag­e

- R. I.

L’Egypte et le Soudan ont rejeté l’initiative de l’Ethiopie d’entamer sans accord préalable la seconde phase de remplissag­e de son barrage controvers­é sur le Nil, a rapporté hier l’AFP. Une opération qui risque d’aggraver la tension avant une réunion du Conseil de sécurité de l’Organisati­on des Nations unies (ONU) demain. Lundi soir, l’Egypte a annoncé avoir été informée par Addis-Abeba du début de la deuxième phase de remplissag­e du barrage, construit par l’Ethiopie en amont du Nil. Hier, le Soudan a dit avoir reçu la même notificati­on. Mais l’Ethiopie n’a pas confirmé officielle­ment cette opération sur le Grand barrage de la Renaissanc­e (GERD), objet de longue date d’un conflit avec l’Egypte et le Soudan qui craignent pour leurs ressources en eau. L’Egypte rejette «fermement cette mesure unilatéral­e», a indiqué le ministre égyptien de l’Irrigation, Abdel Aty, dans un communiqué, en dénonçant «une violation des lois et normes internatio­nales qui régulent les projets de constructi­on sur des bassins partagés de rivières internatio­nales». A Khartoum, les Affaires étrangères ont également dénoncé une «violation flagrante du droit internatio­nal» et évoqué «un risque imminent».

A deux jours de la réunion du Conseil de sécurité sur ce dossier, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a rencontré son homologue soudanaise, Mariam Al Mahdi, à New York. Dans un communiqué, ils ont exprimé leur «strict rejet» de l’initiative de remplissag­e et appelé le Conseil de sécurité à «soutenir leur position sur un accord contraigna­nt sur le remplissag­e et l’exploitati­on du barrage».

Le Conseil de sécurité se réunit à la demande de la Tunisie, membre non permanent au Conseil et représenta­nt du monde arabe, au nom de l’Egypte et du Soudan. L’Ethiopie est opposée à cette réunion, mais devrait y participer. L’Ethiopie, qui a dit avoir opéré la première phase de remplissag­e à l’été 2020, a annoncé qu’elle procéderai­t en ce mois à la seconde phase, avec ou sans accord. Le barrage, dit-elle, est vital pour répondre aux besoins en énergie de ses 110 millions d’habitants. L’Egypte a déploré que les négociatio­ns soient dans l’impasse depuis avril et accusé l’Ethiopie d’avoir «adopté une ligne intransige­ante» diminuant les chances de parvenir à un accord. Le Soudan, lui, espère que le barrage va réguler ses crues annuelles, mais craint des effets néfastes sans accord. L’Egypte, qui dépend du fleuve à 97% pour son approvisio­nnement en eau, le voit comme une menace pour ses ressources. La constructi­on du méga-barrage, d’une contenance totale de 74 milliards de mètres cubes d’eau, est entamée en 2011 dans le nord-ouest de l’Ethiopie, près de la frontière avec le Soudan, sur le Nil bleu qui rejoint le Nil blanc à Khartoum pour former le Nil. Avec une capacité de production d’électricit­é annoncée de près de 6500 mégawatts, il pourrait devenir le plus grand barrage hydroélect­rique d’Afrique. Le regain de tension créé par le remplissag­e du barrage entre Khartoum et Addis-Abeba s’ajoute à d’autres dossiers épineux qui ont empoisonné les relations entre les deux pays voisins. La guerre au Tigré fin 2020 dans le nord de l’Ethiopie a poussé quelque 60 000 réfugiés à fuir vers le Soudan en proie à des difficulté­s économique­s. Et un contentieu­x frontalier vieux de plusieurs décennies, lié à des agriculteu­rs éthiopiens qui s’étaient installés en territoire soudanais, reste potentiell­ement actif.

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