Innovation en matière de communication
ÉVALUATION DU SECTEUR DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Le MESRS a innové en matière de communication. Ce n’est pas coutumier. Une rupture radicale avec les pratiques usuelles des institutions. Pas de rapport écrit, c’est un document visuel et sonore. Dans l’esprit du plan de la numérisation de l’université, serions-nous tentés de dire. «Une vidéo parle plus aux jeunes, les étudiants peuvent s’y intéresser et prendre connaissance de ce qui a été accompli ou pas…», commente Rania, en 2e année littérature française. A-t-elle visionné le document ? Pas encore ! Sur le fond, le bilan égrène toutes les décisions, projets, décrets, conventions, réunions et perspectives de l’innovation. Toutes les actions entreprises par le ministère, précisément depuis son accession à ce poste, en juin 2020, ont été chronologiquement répertoriées. Sur le site officiel du ministre, les commentaires et les réactions ont été désactivés. Vraisemblablement, le bilan n’est pas exposé pour le débat. Il acte le passage de l’ex-recteur de l’université d’Oran à la tête dudit ministère. Certains observateurs l’agrémentent d’une lecture politique, en perspective du changement prochain de l’exécutif. A contrario, sur sa page FB, les internautes ont trouvé l’initiative louable, mais avec certaines réserves, voire critiques concernant le contenu. De cette profusion d’informations débitées sur un ton laconique, les grands axes qui s’en dégagent ont trait à l’enseignement à distance, l’émission de divers décrets, la stratégie de l’innovation, la mobilité estudiantine, la généralisation de la langue anglaise, l’instauration des services intersectoriels, la mise en place de la plateforme de recherche dz, l’éthique et la déontologie et les oeuvres sociales…
MOBILITÉ
La mobilité universitaire est évidemment un marché mondial où la concurrence concernant les compétences est féroce. Dans l’économie basée sur l’innovation, l’élément humain est le producteur de richesse, une richesse à moindre coût, s’accordent à soutenir les spécialistes. En référence au bilan du MESRS, il a été octroyé durant cette période 825 bourses pour étudiants et enseignants à destination de France, Irlande, Hongrie pour des cursus allant de 3 à 5 ans. Cette statistique n’est ni commentée ni détaillée. Que représente-t-elle en pourcentage de mobilité ? «Ce que je sais, il est des bourses destinées en premier lieu aux majors de promotions. Pour le reste, les sites universitaires publient régulièrement des offres, mais beaucoup ne trouvent pas de preneurs, soit en raison des courts délais impartis pour son obtention, soit la formation représente peu d’intérêt, ou pour la barrière linguistique», commente Mehdi, en 3e année licence électronique. Et lui d’ajouter : «… aussi, la majorité des étudiants ne consultent pas les sites universitaires, beaucoup ignorent jusqu’à l’existence de ces offres de bourses», affirme-t-il. Constat confirmé par un enseignant : «Certaines bourses, les plus prestigieuses, font l’objet de sélection au niveau des départements et elles sont captées par les majeurs de promotion. Mais beaucoup de ces bourses trop souvent suivent des circuits opaques, et pour en bénéficier, il faut être bien introduit. D’ailleurs, de mon expérience, la vaste majorité des étudiants n’ont aucune connaissance de ces bourses et elles leur passent à côté.» A rappeler que selon une enquête, réalisée récemment par le centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), seuls 2% de la totalité des étudiants algériens poursuivent un cursus à l’étranger. Une mobilité qualifiée de faible au vu des opportunités offertes par le système LMD (Licence-Master-Doctorat). Ce dernier et d’après les déclarations du ministre «n’a pas atteint ses objectifs parce que les mécanismes d’évaluation qui devaient l’accompagner n’ont pas été mis en place». Et lui de s’y engager à apporter les «correctifs nécessaires» et aboutir à sa «vraie philosophie».
GÉNÉRALISATION DE L’USAGE DE L’ANGLAIS
Bientôt la réponse de la communauté universitaire à cette question (Do you speak English ?) sera affirmative. C’est du moins l’ambition nourrie dans une stratégie visant le renforcement de l’utilisation de la langue de la science et technologie, initiée par l’ex-ministre Tayeb Bouzid et poursuivie par son successeur. Mieux encore, l’effet d’annonce est en passe de se transformer en acte. En effet, le 23 juin 2021, Abdelbaki Benziane a présidé à la cérémonie de signature d’une convention de coopération entre son ministère et l’ambassade des États-Unis à Alger. La convention vise à «assurer un climat propice pour la réalisation des objectifs tracés par le secteur de l’enseignement supérieur concernant le renforcement de la place de l’Anglais, notamment en termes d’innovation et de créativité (…) outre la publication en langue anglaise des recherches et études. Ce qui permet d’avoir une visibilité au niveau international en termes de recherche, de publication et d’interactions scientifiques et technologiques», explique le MESRS. «Que l’on veuille généraliser ou renforcer, c’est selon, l’usage de la langue anglaise, tant mieux. C’est la première langue étrangère parlée de par le monde et c’est un outil de communication commun à tous les chercheurs et les scientifiques», réagit Badreddine, Master II informatique. Il soulève un problème de binarité, quand l’usage de la langue de Shakespeareest visible sur les enseignes et les frontons des structures universitaires, au détriment de la langue française. «Nous allons trop vite en besogne pour une université dont l’enseignement est assuré en langue arabe.»
LES OEUVRES UNIVERSITAIRES
Le plan d’action de ladite convention, d’un coût de 500 000 dollars, s’étale sur trois ans et englobe l’envoi d’étudiants algériens aux USA pour perfectionner la langue anglaise et développer les méthodes d’enseignement en Algérie. Le triptyque restauration, hébergement et transport est, depuis plusieurs années, devenu la quadrature du cercle. Difficile à résoudre. Il semblerait que dans toutes les cités «U», aucun résident n’est satisfait des prestations. C’est ce qui a motivé la fermeture d’une douzaine de résidences et le lancement d’un avant-projet de réhabilitation, préparé par un groupe de travail, inhérent aux bourses, hébergements, restaurations et transports. À la lumière des chiffres publiés dans le document audiovisuel, avec 25 000 nouveaux lits pour la rentrée prochaine, le nombre total de ces équipements atteindra 671 000. Le MESRS, lors de ses sorties et visites d’inspection effectuées à 25 wilayas, a inauguré 19 500 nouveaux lits et inspecté 38 502 autres. En matière de restauration, 5 nouveaux restaurants universitaires ont été mis en service, ramenant ainsi le nombre de ces structures à 439. Le transport n’a pas été omis. Depuis le 19 septembre, 2444 bus ont transporté 71 300 étudiants de leurs wilayas vers les sites universitaires. Les déplacements des étudiants issus des wilayas du Sud ont été assurés via la compagnie aérienne. «Les résidents, dont moi, ont galéré pendant des semaines à la rentrée de septembre 2020, faute de moyens de transport. Et même plus tard, les navettes n’étaient pas régulières», affirme Nabila, originaire de Mila et étudiante à l’USTHB de Bab Ezzouar. «Heureusement que l’enseignement par vagues nous a épargné les déplacements au quotidien», dit-elle, avant de rebondir sur l’hébergement et la restauration : «Quand j’apprends que la tutelle a élaboré un livre blanc pour améliorer les oeuvres universitaires, j’essaye de mettre le doigt sur ces améliorations, mais je n’en vois pas».
L’ENSEIGNEMENT HYBRIDE
Tous les étudiants sollicités à s’exprimer sur l’évaluation du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ont tenu à le faire sur la question de l’enseignement hybride. Le procédé, s’il arrange tout le monde en cette conjoncture particulière, celle de la pandémie de la Covid-19 qui a entravé le cours normal des activités pédagogiques, a en parallèle impacté négativement le cursus global. «Il est de notoriété publique qu’en raison des volumes horaires réduits, les programmes prévus n’ont pu être achevés», selon Nawel en Licence Sciences de la nature et la vie (SNV), qui reconnaît que «la présence non obligatoire en cours a largement favorisé l’absentéisme». «Le e-learning peut se résumer, dans notre cas, à l’envoi de fichiers PDF ou des liens», abonde Riyad, son camarade de promotion. Cette situation inédite à laquelle enseignants et étudiants ont dû faire face a bouleversé le fonctionnement des amphis. D’ailleurs, le ministre voulait l’adopter indéfiniment. Quant à mesurer son incidence sur la qualité de la formation et sur le corps enseignant et la communauté estudiantine, Benziane a lancé en ligne une enquête intitulée : L’enseignement universitaire face à la pandémie du Covid-19. Les résultats contribueront certainement à apporter un meilleur éclairage et, par ricochet, un perfectionnement des concepts socio-pédagogiques.