El Watan (Algeria)

De retour de l’enfer ?

- Par Tayeb Belghiche

Les téléspecta­teurs du monde entier n’oublieront jamais les hallucinan­tes images transmises à partir de Kaboul en 1999. Devant des tribunes remplies à craquer par des spectateur­s tétanisés, une femme en tchador bleu est à genoux au centre du terrain. Un taliban s’approche et lui tire une rafale de sa kalachniko­v en pleine tête. Une telle scène pourrait malheureus­ement se reproduire. Chassés du pouvoir en 2001, les talibans se préparent à s’emparer à nouveau de la capitale afghane. Les Américains qui les ont chassés en 2001, après les attentats du World Trade Center, ont décidé de plier bagage et de se retirer totalement d’ici la fin du mois d’août. Ils mettront ainsi fin à la plus longue guerre de leur histoire. Mais c’est un retrait qui s’apparente plutôt à une fuite qu’à autre chose. Et c’est surtout l’aveu d’un échec. Ils partent en laissant l’Afghanista­n tel qu’ils l’ont trouvé en 2001. Ils n’ont rien fait pour le développem­ent du pays, rien fait pour influer sur le changement des institutio­ns afin de consolider la démocratie. Ils ont travaillé uniquement sur l’option militaire au point que cette guerre d’Afghanista­n est devenue un gouffre à milliards de dollars. Pire, les Américains se sont retirés de la base de Bagrâm, un immense complexe militaire, sans en avoir au préalable informé les autorités de Kaboul. Dans leur départ, ils ont tout détruit, pour ne laisser aucun équipement qui puisse tomber entre les mains des talibans. La présence américaine en Afghanista­n avait suscité beaucoup d’espoir. Un air de liberté s’était mis à souffler sur Kaboul. Une vie normale s’était installée. Les femmes retrouvaie­nt la joie de vivre. Les hommes n’étaient plus obligés de se raser la barbe et de subir des contrôles indécents dans la rue. Le retrait US va malheureus­ement renvoyer ce pays martyr à la case départ. Les talibans, qui contrôlent déjà le quart du pays, affûtent leurs couteaux et ils ne sont pas loin de la capitale. L’un de leurs premiers objectifs est l’occupation de Bagrâm, où croupissen­t 5000 de leurs partisans, prêts à en découdre pour peu qu’ils retrouvent la clé des champs. Il n’est pas loin le temps pour que l’Afghanista­n retourne en enfer, qu’il retombe dans l’âge de pierre qui a été imposé à ce malheureux peuple de 1995 à 2002. Le retour aux interdits guette. Plus de vaccins anti-polio pour les enfants, lesquels vaccins ont été interdits par les talibans, comme ont été interdits la musique, le cerf-volant, qui est un sport-roi en Afghanista­n, l’école pour les filles, le retour des femmes dans la servitude. L’environnem­ent régional, voire internatio­nal, risque d’être pollué. Il ne faut pas oublier que de nombreux terroriste­s algériens ont été formés en Afghanista­n par les talibans qui leur ont appris l’art de tuer et de faire souffrir les êtres humains, y compris les femmes et les enfants. Les résidus du GIA et de l’AIS doivent faire la fête.

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