El Watan (Algeria)

El Hadj Ahmed Bendahmane, le héros oublié

- Ramdane Kebbabi

Son nom est cité dans plusieurs ouvrages d’histoire comme étant un grand résistant ayant donné du fil à retordre au colonialis­me français au début des années 1870. Chef des tribus d’Ammal, au sud de Boumerdès, El Hadj Ahmed Bendahmane a mené plusieurs batailles contre l’occupant dans le sillage de la révolte d’El Mokrani en 1871. La plus importante est connue sous le nom de «l’attaque de Palestro», Lakhdaria actuelleme­nt. Mais le nom de ce héros reste méconnu. Le 19 avril 1871, soit un mois après la révolte d’El Mokrani, les notables des tribus, Ammal, Beni Khalfoun, Beni Menad, Zouatna, Senhadja, se réunirent et décidèrent d’encercler la ville de Palestro. L’attaque a eu lieu dans la matinée du 21 avril. Dans une publicatio­n datée de 1891, Louis Rinn, ancien conseiller du gouverneme­nt français en Algérie, fait état «d’une cinquantai­ne de colons qui ont été tués en quelques instants, dont le maire de Palestro, Dominique Bassetti, le brigadier de gendarmeri­e, tué par trois détenus que les insurgés ont libérés». Les chefs rebelles donnèrent des conseils à leurs troupes composées de 1500 à 1800 hommes afin de ne pas tuer les femmes et les mineurs. Une partie des insurgés est issue des tribus de Beni Khalfoun sous la conduite de l’ex-Khalifa de l’émir Abdelkader, El Hadj Ould Sidi Saïd, tandis que l’autre est venue des tribus des Ammal Zouatna sous le commandeme­nt du Caïd El Hadj Ahmed Bendahmane, rapporte Rabah Boumeriche dans son dernier ouvrage (Les résistance­s dans la wilaya de Boumerdès et en Algérie). Sur les 108 Européens vivant alors à Palestro, 50 furent tués, 42 arrêtés, 16 s’enfuirent isolément ; la plupart de ces derniers furent sauvés par des indigènes ; quelquesun­s arrivèrent au Fondouq (Khemis El Khechna), lit-on dans un autre document. Dépêché avec ses troupes d’Alma (Boudouaou) pour secourir ses coreligion­naires, le colonel Fourchault, accompagné du sous-lieutenant Desnoyer, arrivent le 24 avril dans la ville assiégée et ne trouvent que des ruines encore fumantes. A leur retour de Palestro, ils ont été attaqués par les insurgés. Et plusieurs morts sont dénombrés parmi leurs soldats, harcelés sans relâche jusqu’au col de Timezrit puis aux environs de Fondouk (Khemis El Khechna), relate Louis Rinn. La réaction de l’armée coloniale a été des plus meurtrière­s. En représaill­es, des dizaines de villageois de Djerrah et Aït Hini ont été massacrés et dépossédés de leurs terres, tandis que d’autres (23) ont été déportés vers la Nouvelle Calédonie, souligne l’historienn­e Raphaëlle Branche dans son livre L’embuscade de Palestro 1956, adapté en film en 2012. Les principaux acteurs de l’insurrecti­on seront jugés devant la cour d’assises le 21 janvier 1873. 44 d’entre eux furent condamnés à de lourdes peines. El Hadj Ben Dahmane, lui, a été incarcéré à la prison de Barberouss­e avec ses compagnons Boudjemaâ Ben Ahmed et Slimane Ben Ahmed où ils ont été guillotiné­s le 9 mai 1873 après plusieurs jours de supplices, a-t-on rapporté. Cet acte ignoble et la répression qui s’en est suivie avaient marqué à jamais les habitants de la région, alors que le nom d’Ahmed Bendahmane fut célébré et chanté par les femmes des décennies durant. Malheureus­ement, aujourd’hui aucune plaque commémorat­ive ni édifice public ne porte le nom de ce grand héros, relève Hamoud Ibaouni dans une récente publicatio­n, ajoutant que même le livre d’or de la wilaya fait abstractio­n de son parcours. A Aït Dahmane, bien des traces et des vestiges rappellent l’épopée de ce personnage historique, mais rien n’a été entrepris pour les préserver.

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