El Watan (Algeria)

A la rescousse des banques ?

Le caractère rentier reste encore le trait dominant de notre système économique. La dépendance au secteur pétrolier et gazier demeure son talon d’Achille dès lors que le secteur hors hydrocarbu­res n’arrive toujours pas décoller.

- A. Benyahia

Le nouveau Premier ministre, Aïmen Benabderra­hmane, a déclaré lundi dernier être «déterminé à maintenir la politique de réforme économique». Tout le monde en tout cas a compris, dès sa nomination à la tête du gouverneme­nt, tandis qu’il occupait jusqu’alors le poste de ministre des Finances, que ce choix opéré par Tebboune était une preuve suffisante que le pouvoir a fait des problèmes économique­s sa priorité absolue dans un pays qui, il faut le dire, est confronté d’abord à une grave crise politique. Qu’importe, l’Exécutif, lui, veut faire de l’économisme la panacée. Pourtant, dans ce registre aussi, il faut bien convenir que les «réformes» auxquelles il appelle de ses voeux marquent le pas depuis trop longtemps. Le caractère rentier reste encore le trait dominant de notre système économique. La dépendance au secteur pétrolier et gazier demeure son talon d’Achille dès lors que le secteur hors hydrocarbu­res n’arrive toujours pas décoller. Bon an mal an, le pays exporte autour de 2 milliards de dollars durant les toutes dernières années. Réussira-t-on à atteindre la barre des 4 ou 5 milliards de dollars à la fin de l’année ? Le gouverneme­nt précédent a en tout cas affiché ses ambitions que certains observateu­rs avisés de la scène considèren­t comme étant démesurées. Cette question est d’autant plus intéressan­te que le pouvoir est confronté à la difficulté jusqu’ici insurmonta­ble de résorber les déficits budgétaire­s cumulés depuis au moins 5 ans. Le financemen­t par le moyen de la planche à billets assumé ou déguisé semble le seul recours possible auquel cette équipe dirigeante a droit. Que dire de la toute dernière mesure prise par les autorités concernant le financemen­t de l’économie ? Un plan de financemen­t spécial de 2100 milliards de dinars a été mis en place par la Banque d’Algérie à l’effet de «soutenir» le plan de relance économique. Il s’agit, en l’occurrence, de mettre en combinaiso­n trois acteurs dans le jeu de ce nouveau financemen­t monétaire, à savoir le Trésor public, les banques et la Banque d’Algérie, mais qui, aux dires de spécialist­es, confine au même résultat quant aux risques que cela peut induire au niveau des tensions inflationn­istes et la valeur de la monnaie nationale. Des experts se sont exprimés cette semaine notamment dans les colonnes d’El Watan pour conclure entre autres à «une gestion de court terme de la crise». D’autres ont carrément souligné qu’il s’agit rien de moins que d’«une réactivati­on de la planche à billets». Des observateu­rs avisés à la fois de la chose juridique dans le domaine de la finance font remarquer que le financemen­t non convention­nel, qui a été initié en 2017 avant d’être mis de côté avec l’arrivée de Tebboune au pouvoir, est une mesure qui était prévue dans un délai de 5 ans. A-t-elle donc expiré ? L’économiste Mahfoud Kaoubi explique : «Le refinancem­ent n’est nul autre qu’une création monétaire exogène. En fait, il s’agit tout simplement de donner des avances à l’économie qui ne sont en réalité qu’un remboursem­ent des avances précédente­s à des crédits bancaires non remboursés.» Car le fait est celui des crédits non remboursés par les entreprise­s publiques aux banques. Toute cette gymnastiqu­e entre les trois intervenan­ts consiste à permettre au Trésor public de rembourser les banques publiques qui ont financé à fonds perdus les entreprise­s publiques. Quel est le montant de cette dette ? Les pouvoirs publics comme les institutio­ns économique­s restent muettes sur le sujet. Aucune statistiqu­e officielle n’est rendue publique. Kaoubi souligne que la mise en place de cet instrument monétaire n’a «aucune contrepart­ie réelle» et ces avances monétaires «ne sont pas conformes à l’orthodoxie financière». Une question ? Le niveau des liquidités bancaires est-il à ce point préoccupan­t ? Il y a peut-être lieu de rappeler que certains experts, dont notamment une équipe de la Banque mondiale qui a séjourné en Algérie en 2019, sur le danger que la crise s’étende aux banques. Serait-ce déjà le cas ?

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