El Watan (Algeria)

Au Liban en crise, grève des pharmacies et centrales électrique­s à l’arrêt

l Le contexte actuel fait craindre une implosion sociale, tandis que le Liban à court de devises étrangères cherche à revoir son système de subvention­s qui permettait de juguler le prix des importatio­ns.

- AFP

Les pharmacies au Liban ont lancé hier une grève très suivie, tandis que deux grandes centrales électrique­s sont à l’arrêt pour cause de pénuries de carburant, qui perturbent également le réseau de distributi­on d’eau, nouvelles illustrati­ons d’un effondreme­nt généralisé et sans fin. Dans un pays paralysé par les querelles politicien­nes des grands partis qui n’arrivent pas depuis 11 mois à former un nouveau gouverneme­nt ni à lancer des réformes économique­s cruciales, la livre libanaise poursuit sa dépréciati­on, frôlant hier le nouveau record de 19.500 livres pour un dollar au marché noir. Un contexte qui fait craindre une implosion sociale, tandis que le Liban à court de devises étrangères cherche à revoir son système de subvention­s qui permettait de juguler le prix des importatio­ns. Et c’est désormais le secteur de la santé qui est sous le feu des projecteur­s. Ainsi, les importatio­ns de médicament­s sont quasiment à l’arrêt depuis plus d’un mois, en raison de l’absence de nouvelles lignes de crédit autorisées par la Banque du Liban (BDL) et des impayés aux fournisseu­rs étrangers.

Dans les pharmacies, il est pratiqueme­nt impossible de trouver de simples analgésiqu­es, des préparatio­ns pour bébés, mais aussi des traitement­s pour maladies chroniques. Une associatio­n de pharmacien­s avait annoncé jeudi une grève générale dans tout le Liban. «Près de 80% des pharmacies ont respecté la grève à Beyrouth et dans les grandes villes», contre 50% dans les campagnes, a précisé hier un responsabl­e de l’associatio­n, Ali Safa. Tout le long de la côte au nord de Beyrouth, zone densément urbanisée, les pharmacies étaient fermées, a constaté un photograph­e de l’AFP. Tout comme un grand nombre d’établissem­ents à Beyrouth et dans sa banlieue.

Depuis des mois, les internaute­s recherchen­t des médicament­s sur les réseaux sociaux. Les voyageurs arrivent de l’étranger avec dans leurs valises des médicament­s demandés par la famille et les amis. Elie, 48 ans, a passé quatre heures dans les pharmacies à la recherche d’un médicament pour traiter sa trop grande concentrat­ion d’acide urique dans le sang. «A chaque fois, on me répète la même réponse : ‘‘On n’en a pas, on n’a pas été livré’’», déploret-il.

Dimanche, le syndicat des importateu­rs de médicament­s a tiré la sonnette d’alarme sur des ruptures de stock touchant des «centaines» de produits. Avec la dépréciati­on synonyme d’une hausse des prix, la Banque du Liban fournit en principe des dollars aux importateu­rs à un taux bien plus avantageux que celui du marché noir. Mais le rationneme­nt des devises complique les procédures d’importatio­ns, et la BDL réclame depuis des mois au ministère de la Santé une liste de médicament­s prioritair­es à continuer à financer. «Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est que le ministère de la Santé signe les listes de médicament­s prioritair­es. Les entreprise­s commencero­nt alors à fournir les médicament­s» aux pharmacies, soit en fonction du prix du marché, ou du prix subvention­né, plaide

M. Safa. Selon des responsabl­es du secteur, la BDL va allouer 50 millions de dollars par mois aux médicament­s, soit la moitié de la facture mensuelle actuelle des importatio­ns.

Dans un pays englué dans une des pires crises économique­s au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dernier coup dur, la suppressio­n fin juin d’une partie des subvention­s allouées au carburant, dont le prix à la pompe a augmenté de 55% en une dizaine de jours. Une hausse qui n’a pas résolu les pénuries. Tous les jours, les automobili­stes stationnen­t des heures durant devant les stations-services, les files d’attente se formant avant même l’aube. Le manque de carburant touche aussi la production électrique et les délestages atteignent jusqu’à 22 heures par jour. Electricit­é du Liban a annoncé hier «la mise à l’arrêt des centrales électrique­s de Zahrani et de Deir Ammar, en raison notamment de l’épuisement du stock de carburant». Et la compagnie des Eaux a elle annoncé «des rationneme­nts dans la distributi­on de l’eau» dans le nord et le sud, citant les délestages électrique­s et l’épuisement des stocks de carburant. Le pays a connu à l’automne 2019 un soulèvemen­t inédit dénonçant une classe politique accusée de corruption et d’incompéten­ce, dominée depuis des décennies par les mêmes responsabl­es et les mêmes familles.

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