El Watan (Algeria)

De Galilée à Djabelkhir

- Par Tayeb Belghiche

Le savant et historien italien Galilée (1564-1642) avait échappé de justesse au bûcher. Il avait développé la théorie copernicie­nne sur la rotation de la Terre. Mal lui en prit. Aux yeux de l’Eglise catholique, c’est là une hérésie impardonna­ble. Il est déféré devant le tribunal de l’Inquisitio­n qui lui ordonne alors de se rétracter s’il veut éviter de périr par le feu. Et c’est là, à la sortie du tribunal qu’il prononce sa célèbre phrase : «Et pourtant elle tourne !» C’était le Moyen Age. L’intoléranc­e était de rigueur. La chasse aux sorcières ciblait ceux qui sortaient des canons de l’Eglise. Nous sommes au XXIe siècle. L’Eglise n’est plus ce qu’elle était, bousculée par la laïcité. Malheureus­ement, c’est le monde musulman qui a hérité de ses avatars. Ses marginaux, avec Daech, AQMI, GIA, AIS, Al Qaîda et autres, veulent renvoyer la société islamique à l’âge de pierre. Le peuple algérien en a particuliè­rement souffert durant la décennie noire. Et c’est un miracle si le pays n’a pas sombré dans les ténèbres. Malheureus­ement, la bête immonde est toujours là. Le dernier exemple nous est donné par l’affaire Saïd Djabelkhir. C’est un théologien et islamologu­e d’avant-garde. Il développe un discours académique qui est une attaque directe contre l’islamisme qui est en train de gangrener la société. Pour avoir écrit que le sacrifice du mouton a existé avant l’avènement de l’islam, il est poursuivi en justice pour atteinte au Prophète et à l’islam. C’est un groupe d’avocats qui s’est érigé en hommes de fatwa qui a déposé plainte contre lui. Bizarremen­t, cette plainte a été acceptée par la justice, ce qui fait que Djabelkhir est devenu un abonné des tribunaux, mais ses persécuteu­rs n’ont pas le courage de se présenter devant le prétoire. Ceux qui connaissen­t un tant soit peu l’histoire savent que dans la tradition hébraïque, Dieu avait ordonné à Abraham de sacrifier son fils Ishaq, fils de Sara, mais au moment du passage à l’acte, le patriarche voit dans un pré un mouton. Y voyant un signe de Dieu, il a laissé Ishaq en vie et sacrifié à sa place la bête. La tradition musulmane, elle, parle d’Ismaïl fils de Agar et demi-frère d’Ishaq. Tout le monde musulman connaît la suite. Où est donc le blasphème ? Faut-il croire que notre société est tellement perturbée que ce n’est que maintenant qu’elle vit son Moyen-Age ? Il y a une dizaine d’années, une télévision d’Etat saoudienne exhibait fièrement un «savant» saoudien qui prétendait que la Terre est plate. Même Al Azhar n’a pas osé le remettre à sa place. Il faut dire qu’entre le dollar et Dieu, le choix est vite fait. Egalement comme ces théologien­s musulmans, heureuseme­nt très minoritair­es, qui ont prétendu qu’Apollo et ses astronaute­s n’ont jamais aluni. Aujourd’hui, Saïd Djabelkhir se bat quasiment seul. La presse et quelques partis démocrates prennent sa défense. Dans cette histoire, nous avons constaté un étrange comporteme­nt. Des avocats pour lesquels on éprouve un immense respect se sont mis en grève parce que la voiture d’un de leurs confrères a été mise en fourrière. Mais ils ne se sont pas mobilisés pour défendre 300 patriotes emprisonné­s parce qu’ils militent pour la démocratie, la liberté et la justice. Un commissair­e a même été relevé de ses fonctions pour cette affaire. On est loin de ces robes noires tunisienne­s qui ont grandement contribué à la chute du dictateur Zine Al Abdine Ben Ali.

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