«Les causes des accidents de la route sont plus profondes que celles avancées par les services de sécurité»
Asma Bersali
Nous avons assisté durant ces dernières 48h à une série d’accidents de la route, tous dramatiques. Pourquoi ?
Nous connaissons une recrudescence de ces épisodes dramatiques dans des périodes bien connues de l’année. L’Algérie connaît annuellement 4 pics : la rentrée sociale, les perturbations météorologiques de l’automne, le mois de Ramadhan et la saison estivale. Les autorités compétentes en charge de veille sur la sécurité routière évoquent toujours les mêmes raisons : l’excès de vitesse, les dépassements dangereux, la perte de contrôle du véhicule, l’usure du système de freinage et la vétusté de certains véhicules. L’absence de statistiques réelles concernant ces accidents nous laisse penser que ce sont toujours les mêmes causes d’ailleurs connues de tous, mais elles n’identifient pas les dessous de ces accidents. Je considère que ces raisons sont superficielles étant donné que les plus gros drames arrivent sur les moyens et longs trajets. Dans ces situations, les causes sont différentes, non pas dans la forme mais dans le fond.
Pouvez-vous nous donner plus de détails ?
Sur les longs et moyens trajets, trois types de véhicules sont impliqués. Les véhicules de tourisme, les camions et les bus. Pour les premiers, la conduite sur les longs trajets est fatigante. La plupart des conducteurs ne prennent pas assez de repos et préfèrent traverser le maximum de trajet pour arriver plus vite. Certains ne connaissent pas bien la route et font des manoeuvres dangereuses, ce qui conduit directement à des accidents. Pour les bus, la responsabilité est partagée entre l’entreprise de gestion de ces autocars et le chauffeur. La plupart des bus sont surexploités sans la prise de mesures d’entretien ni contrôle périodique. Le conducteur, de son côté, préfère gagner de l’argent et faire plusieurs trajets sans repos. Nous avons rencontré des conducteurs qui n’avaient pas dormi depuis 72 heures. Les études démontrent qu’en restant éveillé pendant 17 à 19 heures, avec de l’alcool dans le sang de 0,2 g/litre (la norme en Algérie) à 0,5 g/litre, la concentration est pratiquement nulle. Plus de 24h sans sommeil, ce taux s’élève à 0,9 g/ litre. Résultat : le taux de concentration est très faible et les risques de somnolence au volant sont à leur apogée. Pire, certains conducteurs évitent d’avoir un cochauffeur et demandent en contrepartie une augmentation de salaire. L’âge du chauffeur joue également un rôle. Nous avons soit des jeunes inconscients de la responsabilité qu’ils ont ou des vieux qui souffrent souvent de maladies chroniques. Les deux manquent de formation et de recyclage. Pour le poids-lourd, la conduite de nuit est la principale cause. Pénible, elle réduit le taux d’éveil et d’attention du chauffeur. Nous avons aussi la détérioration des camions et le non-respect de la capacité de charge. Autre point très important : les chauffeurs de bus et de camion ne sont pas assujettis à la demande de certificats médicaux attestant de leur bonne santé physique et neurologique, comme cela est demandé aux agents de la sécurité publique, à savoir les gendarmes, les policiers et toute personne devant utiliser une arme à feu.
Quelles solutions engager ? aujourd’hui
Les accidents de la route ont évolué d’une manière fulgurante. De la simple infraction à la violence routière puis terrorisme routier et hécatombe routière. J’ai lancé dernièrement un appel au président de la République pour prendre en charge ce problème de santé publique, qui est devenu aujourd’hui une priorité nationale. Pour les solutions, il faut imposer des plans de sécurité routière dans les points noirs, durcir les peines et sanctions contre les contrevenants, lancer un recensement des points noirs et veiller à leur suppression.
A. B.