Y a-t-il un pilote chez les pompiers ?
De Khenchela, où il s’est rendu vendredi pour s’enquérir de la situation après les grands incendies qui ont ravagé, aux dernières nouvelles, 2500 ha de forêt précieuse, du cèdre et des vergers de qualité, le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud, a déclaré à l’APS : «Des avions anti-incendie vont être acquis et qu’un cahier des charges a été élaboré à cet égard et que nous sommes en contact avec les sociétés internationales activant dans le domaine». Pourquoi l’annoncer seulement maintenant, à un moment particulièrement douloureux de la lutte contre les feux de forêt, et pas après la prise de décision, de l’élaboration du cahier des charges ou des contacts avec les avionneurs ? Qu’y avait-il à cacher ? A moins qu’il ne s’agisse encore d’un effet d’annonce pour apaiser les esprits. Les 6 Hélicoptères bombardiers d’eau (HBE) acquis par la Protection civile en 2013 pour la lutte contre les incendies de forêt sont entrés en action à Khenchela. Leur intervention n’a pas été d’un grand secours face à l’ampleur de la catastrophe. Le baptême du feu pour les deux premiers d’entre eux a eu lieu le 9 août 2017, lors de la visite de Noureddine Bedoui, ancien Premier ministre et ministre de l’Intérieur à l’époque, en visite à El Tarf pour se rendre compte de la situation sur les feux de forêt qui avaient dévoré cette année-là plus de 3000 ha à El Tarf et 32 000 ha dans 10 wilayas. Les démonstrations des deux HBE ont été peu convaincantes, la question qui s’est posée est de savoir pourquoi des HBE et pas des Avions bombardiers d’eau (ABE). N. Bedoui, aujourd’hui devant la justice à Constantine pour répondre d’accusations de dilapidation du foncier, relayé par les responsables de la Protection civile a répondu que «c’est un choix technique qui a été fait» (El Watan du 23 août 2017). Pour le colonel Farouk Achour, directeur de la communication à la Direction générale de la Protection civile, les canadairs n’ont pas été choisis à cause, entre autres, de leur prix très élevé qui dépassait à l’époque les 20 millions d’euros l’unité. Trop chers pour des appareils qui ne seront utilisés que deux mois par an. «Leur taille les rend difficiles à manier et ils exigent un équipage professionnel chevronné, ayant les qualités reconnues chez les pilotes de chasse.» Les canadairs qui doivent voler à basse altitude n’interviennent pas la nuit à cause des risques de collision avec le relief et les câbles de haute tension. En plus de lutter contre le feu, le HBE offre la possibilité d’intervenir en toute saison pour les évacuations, le transport d’équipements et de troupes. Le canadair coûte probablement cher, mais il y a une flopée de modèles d’ABE, chaque avionneur a en fait son modèle. Les ABE sont réclamés depuis des décennies en Algérie avec insistance au plus fort de la période faste de ses finances. Que s’est-il donc passé pour qu’après plusieurs décennies d’entêtement, des centaines de milliers d’hectares de végétation incendiés, des dizaines de pertes humaines, des milliers de têtes de bétail carbonisées, des milliards de dégâts, un autre choix technique semble avoir été fait alors que le relief, les lignes de haute tension et les vents n’ont pas changé et que nous avons toujours des pilotes de chasse à la retraite ?