Pourparlers à Doha entre gouvernement afghan et talibans
● Les talibans gagnent du terrain et les forces étrangères se retirent du pays : tel est le contexte dans lequel se déroulent les pourparlers entre les insurgés et le gouvernement de Kaboul.
Des représentants du gouverne- ment afghan et des talibans se sont rencontrés à Doha, capitale du Qatar, hier pour des pourparlers, rapporte l’AFP. La rencontre intervient au moment où des combats entre les deux parties se poursuivent. En parallèle, les talibans gagnent du terrain et les forces étrangères se retirent du pays. Plusieurs hauts responsables, notamment le chef du conseil gouvernemental supervisant le processus de paix et ancien chef de l’Exécutif, Abdullah Abdullah, participent aux négociations de Doha. L’émissaire des Etats-Unis pour l’Afghanistan, Zalmay Khalilzad, était présent au début de la rencontre entre les deux parties. Les discussions sont entamées à huis clos. «La délégation de haut niveau est ici pour parler aux deux parties, les guider et soutenir l’équipe de négociation (du gouvernement) pour accélérer les pourparlers et faire des progrès», a déclaré la porte-parole de l’équipe de négociation du gouvernement afghan à Doha, Najia Anwari. Elle a exprimé l’espoir que les deux parties parviennent rapidement à un accord. «Alors que nous poursuivons nos grands objectifs, nous ne devons pas nous arrêter sur les détails», a déclaré de son côté le chef adjoint des affaires politiques des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, dans son discours d’ouverture. «Nous sommes prêts pour le dialogue. Notre priorité est de résoudre les problèmes par le dialogue», a indiqué le porte-parole des talibans, Mohammed Naïm, sur la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera. Le même jour, le Pakistan a temporairement rouvert un important poste-frontière avec l’Afghanistan, fermé après que les talibans aient pris le contrôle de la ville afghane stratégique de Spin Boldak, à l’issue de combats avec les forces gouvernementales. Des milliers d’Afghans étaient bloqués au postefrontière pakistanais de Chaman.
Les talibans ont lancé début mai une offensive tous azimuts contre les forces afghanes, profitant du début du retrait des forces étrangères qui doit s’achever d’ici fin août. Ils ont conquis de vastes territoires ruraux, notamment dans le nord et l’ouest de l’Afghanistan, loin de leurs bastions traditionnels du Sud. Dans ce contexte de violences, le gouvernement français a évacué de Kaboul une centaine de ses ressortissants et d’Afghans travaillant pour l’ambassade, en raison de la détérioration de la situation sécuritaire, selon une source diplomatique française. Ces derniers jours, d’autres pays, parmi lesquels l’Inde, la Chine, l’Allemagne et le Canada, ont rapatrié leurs ressortissants ou leur ont demandé de quitter le territoire. De son côté, Kaboul a accusé l’armée pakistanaise de fournir un soutien aérien aux insurgés dans certaines zones. Ce qu’Islamabad dément. La frontière sud de l’Afghanistan est depuis longtemps un point sensible des relations avec son voisin. La province pakistanaise du Baloutchistan abrite depuis des décennies les principaux dirigeants talibans ainsi qu’un important contingent de combattants qui se rendent régulièrement en Afghanistan.
INQUIÉTUDE ET PRAGMATISME DE L’IRAN
De son côté, l’Iran s’inquiète de la dégradation de la situation en Afghanistan. La République islamique, qui partage avec l’Afghanistan une frontière de plus de 900 km, redoute un nouvel afflux de réfugiés afghans sur son sol. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la République islamique accueille déjà plus de 3,46 millions d’Afghans sur son sol. En proie à une grave crise économique et sociale provoquée par le retour de sanctions américaines à son encontre depuis 2018, l’Iran est aussi durement frappé par la pandémie de Covid-19. Téhéran a entretenu des relations conflictuelles avec les talibans pendant leur règne sur l’Afghanistan (1996-2001). La République islamique n’a jamais reconnu leur émirat qu’elle classe «groupe terroriste», et accuse de persécuter les chiites afghans (les hazaras). Mais le 7 juillet, Téhéran a accueilli des représentants du gouvernement de Kaboul et des talibans. A l’ouverture de cette rencontre interafghane, le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a appelé «le peuple et les dirigeants politiques» afghans à «prendre des décisions difficiles pour l’avenir de leur pays», selon un communiqué officiel. Tout en évoquant «la défaite des Etats-Unis en Afghanistan» et les «dégâts importants» causés par plus de 20 ans d’occupation étrangère de ce pays, le chef de la diplomatie iranienne a déploré les «résultats néfastes de la poursuite du conflit», selon le communiqué de son ministère. «Le retour à des négociations interafghanes et l’engagement en faveur de solutions politiques au conflit étaient les meilleurs choix s’offrant aux dirigeants et aux mouvements politiques de l’Afghanistan», est-il affirmé dans le communiqué. Comme il a exprimé «la disposition de l’Iran à contribuer à ce processus de dialogue entre différentes composantes afin de résoudre les conflits et les crises du pays».
Les talibans ont pris le pouvoir en 1996. Le 7 octobre 2001, le président américain George W. Bush lance une offensive militaire en Afghanistan. L’opération intervient en représailles aux attentats du 11 Septembre qui ont frappé New York. Le 6 décembre, les talibans, qui ont refusé de livrer le chef d’Al Qaîda, Oussama Ben Laden, aux Américains, perdent le pouvoir. Le 2 mai 2011, Oussama Ben Laden est tué au Pakistan lors d’une opération des forces spéciales américaines. En février 2020, le président américain, Donald Trump, conclut avec les talibans un accord qui prévoit le retrait total des forces américaines en mai 2021, contre l’engagement des insurgés à ne pas laisser des groupes terroristes agir depuis les zones qu’ils contrôlent et de ne plus attaquer les troupes américaines. Son successeur, le démocrate Joe Biden, a fixé au 31 août le départ des derniers soldats américains stationnés en Afghanistan après 20 ans d’occupation, et les talibans affirment contrôler désormais près de 85% du territoire du pays.