Virée dans des centres sous pression
La campagne de sensibilisation commence à donner ses fruits, mais l’engouement inattendu des citoyens pour la vaccination risque de mettre à mal l’organisation des moyens et du personnel dans certains centres.
Il est 10h. Mercredi, devant le centre de vaccination de l’ancien hôpital d’Akbou, situé à la rue Ahmed Graba (exrue de la Santé), une soixantaine de personnes, des hommes et des femmes, dépassant la cinquantaine d’âge pour la plupart, attendent leur tour pour l’administration de la première dose de vaccin anti-convid19. Devant un bâtiment délabré qui fait office de centre de vaccination, des vieux recroquevillés, d’autres occupants les deux bancs mis à leur disposition discutent de l’actualité sanitaire inquiétante de ces jours-ci. A l’intérieur, dans une petite salle aux murs lézardés et moisis, une trentaine de femmes s’y entassent. Devant la salle de vaccination, un employé tenant une liste vient de barrer une dizaine de noms. «Je me suis inscrit depuis 6h et je ne comprends pas pourquoi vous ne m’avez pas encore appelé !», s’exclame un citoyen. «Comment cela se fait-il que des gens sont passés devant nous, alors qu’ils viennent juste d’arriver ?», demande un autre. Le réceptionniste, dépassé par les plaintes, est aidé par une infirmière qui explique aux usagers de l’établissement que «les praticiens passent en priorité». «Au début, j’ai hésité de venir pour me faire vacciner, parce qu’on entendait beaucoup de rumeurs quant à l’efficacité des vaccins et, en face, on n’a personne pour nous rassurer. Là encore, et vu cette désorganisation, j’ai juste une seule envie : de renter chez moi après prés de 5 heures d’attente !», nous dit un septuagénaire. L’employé à la réception tente de rassurer tout le monde : «Nous avons suffisamment de doses, je vous promets que vous allez tous être vaccinés. De plus, on attend demain (jeudi, ndlr) un arrivage d’à peu prés 1000 doses si tout va bien.»
RENTRER BREDOUILLE
La pression des citoyens voulant se faire vacciner a contraint des praticiens à ne pas respecter le protocole de vaccination. Toujours dans cette vieille structure sanitaire d’Akbou, le citoyen, ne passe pas plus de cinq minutes dans la salle de vaccination. Il est renvoyé chez lui sans qu’il ne soit retenu pour la demi-heure d’observation. «L’engouement des citoyens s’accroît de jour en jour grâce à cette dernière campagne de sensibilisation. La recrudescence des cas de contamination au virus a persuadé pas mal de personnes à venir se faire vacciner», dira un infirmier. Les centres de santé fonctionnent aux heures administratives. Des personnes venues se faire vacciner à Sid Ali Labhar, au chef-lieu de wilaya, ont attendu toute la journée avant de rentrer «bredouille». «Ils font passer leur quota quotidien, puis ils baissent le rideau sans que vous ne soyez informé !», fulmine un patient. A 16h, des citoyens continuaient d’affluer vers ce centre, avons-nous constater, afin de s’inscrire ou pour se renseigner, mais les portes ont été déjà fermées. Samedi, à 9h, à Amizour, les services concernés ont opté dès le début pour l’aménagement d’un espace au niveau du centre culturel, un espace qui permet une meilleure organisation. Seul bémol, il n’y a personne pour accueillir et orienter les citoyens. «Il faut se renseigner auprès des personnes qui vous ont précédé, il n’y a aucun agent qui porte un badge ou une blouse pour pouvoir reconnaître le personnel affecté à cette opération», regrette un vieil homme, assis sur une chaise et qui attend que sa tension baisse avant de se faire vacciner. Le citoyen qui se présente pour la première fois dans le centre se retrouvera face à des chaises occupées et une table sur laquelle sont posés une liste et un stylo, avant qu’il ne soit orienté par un autre «candidat» au vaccin. A l’étage, dans un grand bureau lumineux et équipé en matériel médical, trois praticiens s’affairent. «Aujourd’hui, nous administrons le vaccin chinois, Sinovac, mais avant, lorsque nous avions également le suédo-britannique AstraZeneca, les gens pouvait choisir celui qui leur convient», répond une infirmière à une interrogation. La campagne de vaccination se poursuit dans cette localité. Des scouts et des agents de la protection civile ont été mobilisés pour assurer le volet sensibilisation en distribuant des bavettes et des coupants-conseils pour inciter la population à renouer avec les gestes barrières.
RECRUDESCENCE DE LA CONTAMINATION
Afin de limiter la pression sur les centres de vaccination, l’administration a opté, la fin de la semaine écoulée, à une vaccination par secteur d’activité afin de toucher le maximum de personne, la réactivation ferme des mesures préventives et l’accélération de la cadence de vaccination, appelant les associations et les comités des villages à participer à cet effort. Mais faut-il doter tous les centres et chapiteaux de suffisamment de doses et de personnel ? Ainsi, des centres de vaccination ont été mis en place au niveau du port de Béjaïa pour les employés de l’entreprise portuaire. Les employés de Sonelgaz et de la wilaya ont également bénéficié de doses et dotés d’un staff médical. Ces opérations sont organisées en collaboration avec la direction de la santé et de la population de la wilaya et l’organisme concerné. Le dernier chiffre des cas hospitalisés frôle à Béjaïa les 200 malades. D’autant plus, comme l’affirme Malki Ghania, chef de service au CHU Khellil Amrane, lors de la derrière réunion qui a regroupé les services concernés ave le wali, «la recrudescence porte la particularité de toucher des sujets jeunes, âgés de 18 à 45 ans et qui n’ont pas de pathologies particulières et qui font pourtant des formes graves. C’est quelque chose que nous n’avons jamais observée jusque-là». Pendant ce temps, aucune restriction sur les activités n’a été décidée par la wilaya, en dehors du prolongement du couvre-feu entre 00h et 4h et la limitation à 50% des capacités dans les transports. La wilaya de Béjaïa a reçu au 30 juin 2021 pas moins de 50 764 doses de vaccins Sinovac et AstraZeneca. Il y a 15 jours, 22 172 personnes ont été vaccinées dont 663 employés de la santé publique sur un total de 7 483 praticiens, selon la DSP, qui précise, dans une publication, que «ces chiffres ont évolué ce début de juillet grâce à la campagne vaccinale accélérée récemment au niveau des polycliniques (EPSP) de la wilaya». Pour pouvoir obtenir la récente situation de vaccination dans la wilaya et visiter les centres de vaccination, il faut «une autorisation de la part du DSP», nous conseille le Dr Hamissi, cadre à la DSP de Béjaïa. C’est ce que nous avons pu vérifier à nos dépens à Akbou, par exemple, pour obtenir des chiffres, gardés comme un secret d’Etat. «Il faut voir avec le directeur de l’EPSP de Tazmalt ou du DSP, on n’est pas autorisé à parler», s’excuse le chef de service Prévention de l’ancien hôpital d’Akbou. Or, afin de réussir cette campagne de vaccination, il va falloir informer continuellement l’opinion publique, l’orienter et surtout mettre les moyens de sa politique qui consiste en l’élargissement des zones de vaccination.