Le poète et journaliste Adel Sayad condamné à deux ans de prison ferme
Figure majeure de la scène poétique, Adel Sayad a, par ailleurs, 26 ans de carrière dans la presse radiophonique Le poète et journaliste vient d’être condamné par contumace, par le tribunal de Tébessa, à deux ans de prison ferme avec mandat d’arrêt, pour des publications Facebook.
Au moment où l’on a assisté ces derniers jours à plusieurs vagues de libération de détenus d’opinion, notre confrère Adel Sayad, journaliste radio au long cours et, par ailleurs, figure poétique bien connue, vient d’être condamné à deux ans de prison ferme. L’enfant terrible de Tébessa est visé précisément pour des publications sur les réseaux sociaux, jugées trop irrévérencieuses. «Le journaliste Adel Sayad a été condamné par contumace à 2 ans de prison ferme avec mandat d’arrêt et décision d’arrêt de son travail à la radio où il a exercé durant 26 ans. Chefs d’inculpation : diffusion au public de fausses informations pouvant porter atteinte à la sécurité et l’ordre public», alertait, en effet, ce dimanche, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) sur sa page Facebook. Commentant cette décision de justice rendue par le tribunal de Tébessa, l’auteur de Ana lasstou bi khayr (Je ne vais pas bien) écrit avec son ironie habituelle : «Je n’aurais jamais imaginé cette gloire dans l’Algérie nouvelle : deux ans de prison ferme avec mandat d’arrêt, et un autre ordre de me suspendre de mon poste à la radio où j’ai passé 26 ans. Quelles bonnes nouvelles la veille de l’Aïd El Adha !» Et d’ajouter : «Bientôt, je vais me rendre à la justice du téléphone et je serais honoré d’être jeté en prison. Je lui révélerai ce qu’a fait de moi la coupure du réseau et (ma privation) de mon gagne-pain.»
En plus d’être un poète majeur et innovant, Adel Sayad, 52 ans, a voué l’essentiel de sa carrière journalistique à la presse radiophonique. Il a notamment travaillé à Radio Tébessa et Radio Annaba et a dirigé les radios locales de Tébessa, Souk Ahras et Oued Souf. Son intransigeance et son tempérament impétueux lui ont valu de nombreux ennuis avec sa hiérarchie. On se souvient de la «grève de la vie» qu’il avait engagée en octobre 2010 pour protester contre l’ingérence de certains walis dans son travail de journaliste et son éviction du projet de création de Radio El Tarf qu’il devait piloter. «J’entame ce mardi 26 octobre 2010, à la Maison de la presse Tahar Djaout, un sit-in et une grève de la vie pour protester contre la mutilation de mon parcours professionnel», dénonçait-il alors dans une tribune au vitriol. Adel avait également défrayé la chronique en 2011 lorsqu’il avait annoncé dans un texte intitulé Manifeste de ma mort poétique : «Dans la ferme de mon père, je vais procéder à la lecture de la Fatiha et enterrer mes recueils poétiques et quelques manuscrits, et mettrai ainsi un terme à une expérience poétique qui s’est étalée sur plus de deux décennies.» De fait, le trublion lyrique avait organisé une cérémonie funèbre au cours de laquelle il avait enterré ses recueils de poésie et érigé une sépulture en bonne et due forme avec une pierre tombale sur laquelle il avait écrit :
«Ici repose la poésie de Adel Sayad». L’audacieuse performance au goût morbide, on s’en souvient, avait déclenché un vif débat autour de la figure du poète dans la cité. L’intellectuel désobéissant fera, par ailleurs, une apparition très remarquée dans le très beau film de Bahia Bencheikh El Fegoun, Fragments de rêves, où la cinéaste est allée filmer ce rebelle si attachant dans sa ville de coeur, Tébessa.
Au chapitre des poursuites judiciaires contre des travailleurs des médias, il convient de noter cette autre information qui nous vient également de l’Est : notre ami Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du journal Le Provincial,a été jugé hier en appel, par la cour de Annaba, pour «outrage à corps constitué» et a obtenu la relaxe. C’est ce qu’a indiqué le journaliste dans une publication sur sa page Facebook. Cependant, Mustapha Bendjama reste poursuivi dans d’autres affaires.
Concernant l’affaire Rabah Kareche, le correspondant de Liberté à Tamanrasset a bouclé ce samedi son 90e jour de détention. Et son procès va enfin être programmé. Le 15 juillet, le juge d’instruction près le tribunal de Tamanrasset «a renvoyé l’affaire du journaliste devant le tribunal correctionnel», indique le CNLD avant de préciser : «Le procès du journaliste Rabah Kareche aura donc lieu avant le 15 août 2021.»