«Il y a nécessité de réviser l’approche des marchés extérieurs»
Comment exporter des produits hors hydrocarbures lorsque les conditions d’une diversification économique sont inexistantes ? Avec 40 000 importateurs et quelque 1219 exportateurs, le choix est quasiment fait pour maintenir l’économie algérienne en dépendance vis-àvis d’un mono-produit national et des produits importés. Mais alors comment atteindre l’objectif de 5 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures et comment profiter de l’opportunité de la Zone de libre échange et commerciale africaine Zlecaf ? Prenant part à une «Conférence sur la place économique et commerciale de l’Algérie sur le continent africain» organisée par la Confédération générale des finances, le professeur en économie Brahim Guendouzi, fait le constat que «la plupart des PME qui se sont lancées dans l’exportation le font de façon sporadique. Rares sont celles qui perdurent dans l’acte d’exporter». L’économiste recense 5 entreprises qui représentent à elles seules 72,76% de la valeur globale des exportations hors hydrocarbures en 2020. «Il s’agit de grandes entreprises qui disposent d’une structure export et qui sont déjà dans une logique de chaînes de valeur mondiales. Cinq produits hors hydrocarbures exportés réalisent à eux seuls 74,54% du total des produits exportés en 2020. Il s’agit alors d’une tendance à la spécialisation sur les demi-produits», indique l’orateur en précisant que les biens alimentaires représentent 19,62% du total hors hydrocarbures en 2020, soit en nette progression alors que les biens d’équipement industriels se maintiennent à seulement 4%. A noter que Sonatrach représente la première entreprise exportatrice hors hydrocarbures. En effet, en sus de vendre des produits hydrocarbures, Sonatrach exporte également des solvants ainsi que des fertilisants en association avec d’autres entreprises. «L’indice de Herfindahl-Hirschmann du commerce extérieur mesure pour chaque pays le degré de concentration des produits à l’exportation et à l’importation. Le degré de concentration à l’import est de l’ordre de 0,40 au cours de l’année 2020 ce qui signifie que les importations sont réparties de manière plus ou moins homogène entre les produits. A l’export, le degré de concentration s’élève à 0,91 durant la même période, indiquant que les exportations proviennent d’une seule famille de produits, à savoir les hydrocarbures», analyse Guendouzi en notant que les PME évoluent dans un environnement contraignant car spécifique à une économie rentière, d’une part, et des handicaps à l’approche des marchés africains du fait précisément de la méconnaissance de ces marchés, d’autre part. Evoquant les principaux handicaps rencontrés, le spécialiste en économie considère nombreuses les PME «qui n’arrivent pas à s’imposer durablement sur les marchés extérieurs, du fait de leur vulnérabilité interne mais aussi de leur incapacité à affronter la concurrence étrangère et à dépasser les handicaps liés à l’environnement international. Il y a nécessité d’un accompagnement solide de la part des pouvoirs publics et d’une amélioration du climat des affaires ainsi qu’un dispositif d’encadrement plus rigoureux susceptible d’attirer le plus grand nombre possible de PME vers les actes d’exportation». L’économiste cite parmi ces freins internes la rigidité des banques à l’égard des PME, les restrictions du contrôle des changes, la faiblesse de la logistique, les incohérences liées au climat des affaires, qui «font qu’il y a nécessité à réviser la démarche actuelle liée à l’approche des marchés extérieurs». Ceci alors que les PME algériennes auront tout le bénéfice à aller sur les marchés extérieurs notamment africain. «Lorsque les PME s’engagent sur les marchés étrangers, elles ont tendance à être plus productives et plus innovantes que celles qui ne le sont pas. L’internationalisation aide les PME à apprendre, à évoluer et à réaliser des économies d’échelle. Il est reconnu aussi que les PME ne représentent qu’une petite part des exportations totales d’un pays et elles n’exportent souvent que quelques produits vers un petit nombre de destinations. Cependant, l’internationalisation augmente aussi les chances de leur survie en diversifiant leurs marchés», estime l’économiste en notant toutefois que l’opération d’exportation nécessite un certain savoir-faire, des frais spécifiques lourds, une confrontation à de nombreux intermédiaires et une prise de risque élevée que les PME algériennes ne sont pas toujours à même d’accepter. Concernant le marché africain, Brahim Guendouzi préconise la prise en compte de ses spécificités en termes d’organisation, de réglementation, d’informations commerciales, ainsi que la dimension culturelle. «L’existence d’un environnement contraignant à l’exportation anéantit des fois la volonté chez de nombreux chefs d’entreprise d’aller vers les marchés étrangers, surtout lorsque plusieurs maillons de la chaîne du commerce extérieur sont défaillants, comme c’est le cas actuellement en Algérie», regrette le professeur en économie.