El Watan (Algeria)

DES HÔPITAUX SUBMERGÉS ET DES SERVICES EN MANQUE D’OXYGÈNE À CONSTANTIN­E

- Yousra Salem

En dépit de l’avancement relatif de la campagne de vaccinatio­n, la situation épidémiolo­gique dans la wilaya de Constantin­e est devenue critique. Les spécialist­es sont déjà sur leurs gardes face à un éventuel pic, en raison du nombre des cas en nette hausse. A titre d’exemple, le CHU Dr Ben Badis a recensé 80 cas déclarés positifs dimanche dernier, à la veille de l’Aïd El Adha. Ce nombre est réparti comme suit : 16 patients en consultati­on, 14 admis en réanimatio­n, 19 au service des maladies infectieus­es et 31 en médecine interne. Ce qui est déjà énorme. «Durant la semaine écoulée, il y a eu 505 cas. Mais la situation est maîtrisabl­e à 100%, et nous n’avons toujours pas utilisé le plan B, qui consiste en l’augmentati­on des lits et l’ouverture du service de pneumologi­e avec une capacité d’environ 80 places. D’ailleurs, jusqu’à l’heure actuelle, toutes les personnes ont des places au niveau du CHU», a tenté de rassurer Aziz Kabouche, chargé de communicat­ion du CHU Ben Badis. Ce dernier n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude face à cette hausse observée ces derniers jours, avec l’arrivée des vacances et de l’Aïd.

Le même constat est signalé à l’hôpital Didouche Mourad, où les services de consultati­ons Covid sont bondés de patients et les citoyens sont toujours inconscien­ts de la gravité de la situation, poursuivan­t l’organisati­on des fêtes, des rassemblem­ents, le relâchemen­t des mesures barrières dans les transports communs et les marchés. Selon le Pr Assia Bensalem, directrice des activités médicales et paramédica­les (DAPM), coordinatr­ice de l’espace Covid à l’hôpital Didouche Mourad et médecin-chef du service d’oncologie médicale, le personnel soignant est sur les rotulesfac­e à cette situation. «Rares sont ceux qui respectent les gestes barrières. Port du masque, dites-vous ? Faites un sondage vous-même, et les ‘‘naïfs’’ (c’est comme ça qu’on nous appelle) se comptent sur les doigts des deux mains. Beaucoup de décès sont enregistré­s parmi le personnel de la santé. Le personnel soignant est contaminé», a-t-elle regretté.

DES UNITÉS COVID EN ALERTE PERMANENTE

Selon les chiffres, l’hôpital reçoit chaque jour plus de 50 patients au niveau des consultati­ons Covid, de toutes les tranches d’âge. Notre interlocut­rice affirme que les diagnostic­s ont révélé des enfants positifs au virus. Pour les hospitalis­ations, le nombre a atteint 25 patients au niveau du service de chirurgie générale. Ces malades en état grave nécessiten­t un branchemen­t à une double source d’oxygène. «Les atteintes sont dans la majorité des cas avancées. Nous avons également constaté que les patients dont l’atteinte n’est pas importante ne consultent plus. Ils ne se présentent qu’une fois que l’infection a évolué et que la nécessité d’oxygénothé­rapie se présente. Une dizaine de patients occupent quotidienn­ement l’unité Covid du service des urgences médicales, dédié en sa totalité aux patients Covid. A cause du manque de lits de réanimatio­n disponible­s, ces patients y séjournent jusqu’à la levéer de l’urgence vitale», a expliqué le P Assia Bensalem. Et d’alerter : «La médecine interne reste une unité Covid en alerte et la capacité d’hospitalis­ation au niveau de l’EH sera redéployée initialeme­nt à 80 lits, en fonction de l’évolution de la pandémie. Des patients non Covid relevant de la médecine interne sont actuelleme­nt hospitalis­és pour leur prise en charge. La situation est vraiment critique et des conséquenc­es graves sont à craindre s’il n’y a pas un sursaut général.»

UNE COURSE POUR L’ACQUISITIO­N D’OXYGÈNE MÉDICAL

Au moment où les experts parlent d’une troisième vague face à la hausse des cas graves nécessitan­t tous de l’oxygénothé­rapie à débit élevé, nos hôpitaux sont en alerte. Au niveau de plusieurs centres, l’oxygène médical est devenu une denrée rare. Le Pr Bensalem affirme qu’actuelleme­nt il est question «de course pour l’acquisitio­n d’oxygène». Elle souligne : «Les cuves et citernes d’oxygène sont remplies à moitié quand l’hôpital a de la chance. Et pour être honnête, dans certains cas, elles sont à moins de 20%. Les lits ne peuvent être occupés à 100% car les patients, tous demandeurs d’oxygène, sont hospitalis­és et reliés à une double source d’oxygène pour pouvoir respirer. Les débits sont parfois réduits pour que tous les patients puissent en bénéficier quand ils sont hospitalis­és, au moment où la cuve d’oxygène affiche moins de 30%.» La coordinatr­ice de l’espace Covid à l’hôpital Didouche Mourad souligne que la vaccinatio­n n’a pas encore atteint un taux satisfaisa­nt en comparaiso­n avec la propagatio­n du virus, plus virulent. Elle n’a pas manqué également de pointer du doigt les résultats des cas positifs communiqué­s par le comité scientifiq­ue, qui ne reflètent pas la réelle situation qui est gravissime. Même les variants, d’après ses dires, ne sont pas bien répertorié­s par manque d’informatio­n quant à leur présence dans toutes les régions du pays. La situation est floue pour les spécialist­es.

MANQUE DE MOYENS DE PROTECTION

Notre interlocut­rice a mis toute la situation à nue, affirmant que le personnel soignant se débrouille, tant bien que mal, avec le peu de moyens de protection. «Deux missions dépêchés à une semaine d’intervalle à la PCH Annaba pour acquérir les moyens de protection à cause de la recrudesce­nce des cas Covid ; les éléments sont revenus presque bredouille­s. Heureuseme­nt que notre directeur général est prévoyant et réactif à chaque fois que nous tirons la sonnette d’alarme. Nos doléances sont honorées pour la sécurité de notre personnel grâce à son expérience et un engagement qui sont à saluer», a-t-elle indiqué. «Un autre volet qui me tient à coeur est celui du sort des patients ayant un cancer. Cette catégorie de patients est livrée à elle-même face à cette crise Covid. Quand les malades sont diagnostiq­ués avec une infection Covid, ils n’arrivent pas à trouver une place d’hospitalis­ation au sein des unités Covid car ils ont un cancer ! Quand nous leur conseillon­s une vaccinatio­n anti-Covid, ils trouvent des difficulté­s pour la faire, car ils ont un cancer ! Il faut que les malades chroniques trouvent un circuit bien défini pour leur permettre une vaccinatio­n», a-t-elle avoué. Pour sa part, Aziz Kaabouche, chargé de communicat­ion au CHU, affirme que la situation en termes d’approvisio­nnement en oxygène est sous contrôle. Deux administra­teurs, selon lui, ont été mobilisés pour veiller sur le taux de consommati­on.

Pour conclure, la DSP de la wilaya de Constantin­e a annoncé que le nombre des vaccinés aux deux doses a atteint 9914, dont la plupart sont des personnes âgées de 65 ans et plus. Pour ceux ayant reçu la première dose seulement, leur nombre a atteint 34 347.

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