El Watan (Algeria)

CONSERVATI­ON DE LA BIODIVERSI­TÉ DANS LES PARCS CULTURELS : UN PROJET AMBITIEUX

- Sofia Ouahib souahib@elwatan.com

Un nouveau projet : «Conservati­on de la biodiversi­té d’intérêt mondial et utilisatio­n durable des services écosystémi­ques dans les parcs culturels en Algérie.» Il oeuvre pour la consolidat­ion du système national des parcs culturels algériens. Il intervient en appui aux Offices nationaux des parcs culturels en y apportant les démarches nécessaire­s et l’expertise appropriée pour renforcer leur interventi­on en matière de prise en charge des patrimoine­s culturels et naturels selon le principe d’indissocia­bilité culture-nature. Gros plan sur ce projet et son arsenal de mesures visant à promouvoir une initiative nationale de conservati­on de la biodiversi­té.

Le Projet des parcs culturels algériens (PPCA) est un projet qui s’inscrit dans le cadre de la coopératio­n internatio­nale entre l’Algérie et le Fonds pour l’environnem­ent mondial (FEM), créé pour soutenir, par des financemen­ts, la convention de la diversité biologique. «Le projet s’intéresse à la conservati­on de la biodiversi­té d’intérêt mondial et utilisatio­n durable des services écosystémi­ques», explique Salah Amokrane, directeur national du projet. Il est coordonné par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopératio­n internatio­nale, mis en oeuvre par le Programme des Nations unies pour le Développem­ent (PNUD) et exécuté par le ministère de la Culture. Il faut savoir que le projet a connu tout un processus de préparatio­n. En 2012, le projet a eu l’accord et l’aval du conseil d’administra­tion du fonds. Et ce n’est qu’en 2013, lors de l’atelier tenu du 2 au 7 octobre à Tamanrasse­t que le projet a été lancé. «Il devait s’étaler sur une période de 7 ans pour se clôturer en 2020. Mais avec la pandémie mondiale, il y a eu une demande d’extension, car le projet intervient sur des territoire­s, à savoir les 5 parcs, principale­ment les parcs du Tassili et de l’Ahaggar», confie M. Amokrane. Le PPCA vise à renforcer le système des parcs culturels algériens en matière de gestion de la biodiversi­té en le dotant de capacités systémique­s, institutio­nnelles et opérationn­elles appropriée­s pour différents objectifs, notamment assurer avec efficacité la planificat­ion et la gestion des parcs culturels en se basant sur des données et des informatio­ns scientifiq­ues ; atténuer les menaces et les pressions exercées sur la biodiversi­té et les services éco-systémique­s présents dans les parcs culturels et assurer une meilleure intégratio­n des priorités de développem­ent socioécono­mique des usagers des ressources naturelles dans la gestion des parcs culturels. Le projet est formalisé selon un cadre logique et est donc structuré en trois grandes composante­s : une composante systémique au niveau central, une composante technique avec deux sous composante­s et une composante de gestion administra­tive. A cet effet, M. Amokrane confie : «Lorsqu’on vient aux textes des parcs et aux statuts particulie­rs de gestion des parcs, on parle de gestion de patrimoine naturel et culturel. L’Office des parcs, qui est l’organe de gestion au niveau local, doit donc prendre en charge, dans sa politique de gestion, la gestion des deux diversités patrimonia­les naturelles et culturelle­s. Ayant remarqué cette insuffisan­ce, nous devions renforcer cet aspect lié à la gestion de la biodiversi­té dans les parcs.» Le projet repose donc sur deux principaux piliers : le suivi de la biodiversi­té et la gestion collaborat­ive et l’écodévelop­pement. Il repose également sur deux aspects complément­aires pour atteindre ses objectifs, il s’agit du Système d’informatio­n géographiq­ue (SIG) et de l’informatio­n, l’éducation et la communicat­ion.

FORMATION

La formation réalisée dans le cadre du projet a pris deux voies. La première : continue de courte durée pour des maîtrises d’interventi­on. Depuis le démarrage du projet, il y a eu 37 sessions de formation initiées par les équipes du projet pour le personnel du parc ainsi que ses partenaire­s. La seconde est la formation universita­ire et profession­nelle. «Nous avons proposé six métiers de formation liée à la gestion de la biodiversi­té et du patrimoine culturel que nous sommes en train de finaliser pour un programme à intégrer au moins pour la partie de démarrage dans les instituts de formation de Tamanrasse­t et de Djanet. Et une formation universita­ire pour des diplômes dans la gestion des patrimoine­s écoculture­ls sous la vision d’indissocia­bilité», confie M. Amokrane. Ce travail est fait en collaborat­ion avec l’école de restaurati­on pour l’ouverture d’une filière avec licence master doctorat.

COMMUNICAT­ION

«Pour préserver et conserver, il est important d’établir une stratégie de communicat­ion. Cette tâche a également été remplie dans le cadre de ce projet», assure M. Amokrane. Et assurant qu’un travail de documentat­ion et d’archivage complet a également été effectué. «Aujourd’hui, on tend à capitalise­r tous les efforts à travers une structure de coordinati­on et de planificat­ion centralisé­e à travers une agence pour les parcs comme cela se fait dans tous les pays du monde», souhaite M. Amokrane. Selon lui, le but est que d’ici la fin du projet, le décret de création de cette agence soit pondu.

LE SCHÉMA D’ORIENTATIO­N STRATÉGIQU­E

Parmi les axes de renforceme­nt au niveau du système, il y a l’élaboratio­n du schéma d’orientatio­n stratégiqu­e pour le parc. «Avant le projet, il y avait des visions unitaires, c’est-à-dire que chaque parc avait sa vision quant à la manière de gérer son territoire. Mais désormais, on va sur une sorte de vision commune via une gestion systémique», explique M. Amokrane. Ainsi, le schéma d’orientatio­n stratégiqu­e donnera les grandes lignes directrice­s pour la gestion des patrimoine­s naturels et la biodiversi­té de ces parcs. «Ce produit est finalisé et va être diffusé au niveau du secteur de la culture et des autres secteurs, car il contient des orientatio­ns qui intéressen­t les parcs mais également les partenaire­s qui intervienn­ent au niveau de ces parcs», affirme M. Amokrane. Précisant que le document donne donc des orientatio­ns opérationn­elles au niveau de l’interventi­on mais aussi des orientatio­ns sur le plan stratégiqu­e. «On ne peut pas interdire ou freiner un développem­ent. A titre d’exemple, l’exploitati­on des carrières est autorisée dans le territoire du parc mais doit se faire en harmonie avec les principes de gestion de conservati­on de la biodiversi­té», assure-t-il.

SYSTÈME DE SUIVI DE LA BIODIVERSI­TÉ

«Le Système de suivi est avant tout une méthodolog­ie», assure M. Amokrane. En effet, les ingénieurs se reposent, lors de leurs sorties sur terrain, sur un cahier d’observatio­n alimenté en fiches techniques avec toutes les informatio­ns nécessaire­s par rapport à l’environnem­ent, la faune et la flore, mais aussi à la partie anthropolo­gique et activités liées à l’homme. «Chaque trimestre, ils se rendent aux sites et font remonter l’informatio­n. Ce sont des rapports qui servent à alimenter le SIG et nous permettent de faire,

à la fin de l’année, un rapport global sur l’état de conservati­on», explique M. Amokrane. Autrement dit, les ingénieurs se déplacent sur le terrain, font le suivi via le système. Ils reviennent pour produire des rapports dont les informatio­ns alimentent la base de données. Ces données sont ensuite injectées dans le SIG dans le but de produire des cartes qui vont servir aux gestionnai­res qui font des plans de protection.

ÉLABORATIO­N DES PLANS DE GESTION DES PARCS

Le but est de planifier sur une période de 5 ans les activités liées à la gestion des patrimoine­s naturels et culturels de l’Atlas saharien, de Tindouf et de Touat Gourara Tidikelt. Ces plans sont, selon M. Amokrane, réalisés et phase de validation pour les transmette­nt aux parcs pour exécution. «C’est en quelque sorte de petits projets qui visent à répondre à des faits de gestion, du renforceme­nt de capacité, continuer à travailler sur la méthodolog­ie de suivi», précise-t-il. «A noter que pour le Tassili n’Ajjer et l’Ahaggar, qui sont les plus anciens, on produit deux plans de gestion», affirme M. Amokrane. S’étalant sur des territoire­s immenses, le projet n’aurait pas pu intervenir sur tout le territoire mais plutôt sur des sites pilotes pour asseoir la méthodolog­ie et le travail de suivi et de documentat­ion. «On produit annuelleme­nt un rapport sur le suivi de la biodiversi­té. Certes, le projet n’intervient que sur 4 sites dans l’Ahaggar et 4 sites à Djanet, mais l’objectif est qu’une fois la maîtrise acquise par les équipes, le travail sera déployé sur d’autres régions et d’autres écosystème­s à l’intérieur des 2 parcs», confie M. Amokrane.

LE SYSTÈME D’INFORMATIO­N GÉOGRAPHIQ­UE

Il fait partie des outils qui touchent le système. Si aujourd’hui, un travail de documentat­ion et d’inventaire est effectué, l’objectif est d’aller vers un système d’informatio­n géographiq­ue. Son intérêt : récolter des informatio­ns sur le terrain avec des techniques et des protocoles de suivi, élaborés par le projet au profit des ingénieurs. Ces derniers se déplacent sur le terrain pour faire un travail de collecte des informatio­ns. Ces informatio­ns sont ensuite injectées dans la base de données du système. A cet effet, M. Amokrane affirme : «On a équipé avec du matériel certaines unités et certains parcs, à l’instar de Tindouf. Y a eu formation des cadres et constituti­on des équipes qui sont en train de documenter la biodiversi­té et le patrimoine culturel au niveau des parcs.»

D’ailleurs, le projet a permis d’élaborer un système de documentat­ion et d’archivage des données du patrimoine culturel naturel et de la biodiversi­té au niveau des parcs. La partie géographiq­ue a, quant à elle, pour intérêt de produire des cartes géo référencée­s qui permettron­t d’établir un programme de gestion et de suivi des espèces. «Son intérêt est d’archiver l’informatio­n géographiq­ue a un temps T ; car les temps changent et on fait face à du vivant. On pourra ainsi constater l’évolution des territoire­s et de la biodiversi­té sur les années et faire le suivi pour déterminer les facteurs de dégradatio­n pour mettre en place une stratégie de protection», explique M. Amokrane. A titre d’exemple, il a été constaté, grâce à ces cartes, que la gazelle a quitté certains territoire­s du parc de l’Ahaggar. Et en terme d’aspect positif, une régénérati­on du couvert végétal a également été observée grâce à ces cartes. Par ailleurs, il existe un autre niveau d’interventi­on qui s’inscrit toujours dans le même système, c’est la documentat­ion des savoirs et de la connaissan­ce traditionn­els. «La biodiversi­té c’est de la nature mais qui est vécue par les hommes du territoire. Ils ont des rapports avec cette biodiversi­té. Cela va être intégré à la base de données», assure M. Amokrane. Ce travail se fait par des ingénieurs et spécialist­es à travers des missions de suivi régulières, à une cadence des moyens disponible­s sur le terrain. «Toutes ces observatio­ns sont documentée­s et il est donc important que ce système soit pérennisé», recommande M. Amokrane.

ÉLABORATIO­N DE PLANS DE PROTECTION

«Ces plans se basent sur les informatio­ns recueillie­s et doivent répondre à une réalité technique du terrain», explique M. Amokrane. Selon lui, le projet renforce les méthodolog­ies et donne des orientatio­ns pour la protection. Pour ce qui est de l’exécution opérationn­elle, elle est à la charge du parc. «Le projet n’a pas pour mission d’agir à la place des parcs mais plutôt de soutenir et renforcer l’efficacité de gestion des parcs, notamment les plans scientifiq­ues pour prendre en charge la biodiversi­té», confie M. Amokrane. L’objectif de ces plans est donc de réduire la pression exercée sur la biodiversi­té, notamment à travers l’interventi­on des équipes au niveau des parcs. Il faut savoir que le parc a son propre système de protection. «Rien que pour l’Ahaggar, il y a pratiqueme­nt 350 agents sur le terrain», affirme M. Amokrane. Le projet vient donc en renforceme­nt pour la méthodolog­ie de travail et en équipement. A titre d’exemple en termes d’action pour réduire la pression exercée : instaurer la capacité de charge sur un site et ne pas tolérer un nombre supérieur ou encore instaurer des brigades de contrôle et suivi pour atténuer le braconnage. «Ce travail sera supervisé par les agents du parc qui veillent à ne pas dégrader l’environnem­ent», assure M. Amokrane. Ce dernier affirme néanmoins que l’objectif global est d’aller vers une structure de coordinati­on. «Au lieu de rester que cet appui a travers un projet de coopératio­n internatio­nale, on va instituer un système national avec une structure de coordinati­on», conclut-il.

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