CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ DANS LES PARCS CULTURELS : UN PROJET AMBITIEUX
Un nouveau projet : «Conservation de la biodiversité d’intérêt mondial et utilisation durable des services écosystémiques dans les parcs culturels en Algérie.» Il oeuvre pour la consolidation du système national des parcs culturels algériens. Il intervient en appui aux Offices nationaux des parcs culturels en y apportant les démarches nécessaires et l’expertise appropriée pour renforcer leur intervention en matière de prise en charge des patrimoines culturels et naturels selon le principe d’indissociabilité culture-nature. Gros plan sur ce projet et son arsenal de mesures visant à promouvoir une initiative nationale de conservation de la biodiversité.
Le Projet des parcs culturels algériens (PPCA) est un projet qui s’inscrit dans le cadre de la coopération internationale entre l’Algérie et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), créé pour soutenir, par des financements, la convention de la diversité biologique. «Le projet s’intéresse à la conservation de la biodiversité d’intérêt mondial et utilisation durable des services écosystémiques», explique Salah Amokrane, directeur national du projet. Il est coordonné par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, mis en oeuvre par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) et exécuté par le ministère de la Culture. Il faut savoir que le projet a connu tout un processus de préparation. En 2012, le projet a eu l’accord et l’aval du conseil d’administration du fonds. Et ce n’est qu’en 2013, lors de l’atelier tenu du 2 au 7 octobre à Tamanrasset que le projet a été lancé. «Il devait s’étaler sur une période de 7 ans pour se clôturer en 2020. Mais avec la pandémie mondiale, il y a eu une demande d’extension, car le projet intervient sur des territoires, à savoir les 5 parcs, principalement les parcs du Tassili et de l’Ahaggar», confie M. Amokrane. Le PPCA vise à renforcer le système des parcs culturels algériens en matière de gestion de la biodiversité en le dotant de capacités systémiques, institutionnelles et opérationnelles appropriées pour différents objectifs, notamment assurer avec efficacité la planification et la gestion des parcs culturels en se basant sur des données et des informations scientifiques ; atténuer les menaces et les pressions exercées sur la biodiversité et les services éco-systémiques présents dans les parcs culturels et assurer une meilleure intégration des priorités de développement socioéconomique des usagers des ressources naturelles dans la gestion des parcs culturels. Le projet est formalisé selon un cadre logique et est donc structuré en trois grandes composantes : une composante systémique au niveau central, une composante technique avec deux sous composantes et une composante de gestion administrative. A cet effet, M. Amokrane confie : «Lorsqu’on vient aux textes des parcs et aux statuts particuliers de gestion des parcs, on parle de gestion de patrimoine naturel et culturel. L’Office des parcs, qui est l’organe de gestion au niveau local, doit donc prendre en charge, dans sa politique de gestion, la gestion des deux diversités patrimoniales naturelles et culturelles. Ayant remarqué cette insuffisance, nous devions renforcer cet aspect lié à la gestion de la biodiversité dans les parcs.» Le projet repose donc sur deux principaux piliers : le suivi de la biodiversité et la gestion collaborative et l’écodéveloppement. Il repose également sur deux aspects complémentaires pour atteindre ses objectifs, il s’agit du Système d’information géographique (SIG) et de l’information, l’éducation et la communication.
FORMATION
La formation réalisée dans le cadre du projet a pris deux voies. La première : continue de courte durée pour des maîtrises d’intervention. Depuis le démarrage du projet, il y a eu 37 sessions de formation initiées par les équipes du projet pour le personnel du parc ainsi que ses partenaires. La seconde est la formation universitaire et professionnelle. «Nous avons proposé six métiers de formation liée à la gestion de la biodiversité et du patrimoine culturel que nous sommes en train de finaliser pour un programme à intégrer au moins pour la partie de démarrage dans les instituts de formation de Tamanrasset et de Djanet. Et une formation universitaire pour des diplômes dans la gestion des patrimoines écoculturels sous la vision d’indissociabilité», confie M. Amokrane. Ce travail est fait en collaboration avec l’école de restauration pour l’ouverture d’une filière avec licence master doctorat.
COMMUNICATION
«Pour préserver et conserver, il est important d’établir une stratégie de communication. Cette tâche a également été remplie dans le cadre de ce projet», assure M. Amokrane. Et assurant qu’un travail de documentation et d’archivage complet a également été effectué. «Aujourd’hui, on tend à capitaliser tous les efforts à travers une structure de coordination et de planification centralisée à travers une agence pour les parcs comme cela se fait dans tous les pays du monde», souhaite M. Amokrane. Selon lui, le but est que d’ici la fin du projet, le décret de création de cette agence soit pondu.
LE SCHÉMA D’ORIENTATION STRATÉGIQUE
Parmi les axes de renforcement au niveau du système, il y a l’élaboration du schéma d’orientation stratégique pour le parc. «Avant le projet, il y avait des visions unitaires, c’est-à-dire que chaque parc avait sa vision quant à la manière de gérer son territoire. Mais désormais, on va sur une sorte de vision commune via une gestion systémique», explique M. Amokrane. Ainsi, le schéma d’orientation stratégique donnera les grandes lignes directrices pour la gestion des patrimoines naturels et la biodiversité de ces parcs. «Ce produit est finalisé et va être diffusé au niveau du secteur de la culture et des autres secteurs, car il contient des orientations qui intéressent les parcs mais également les partenaires qui interviennent au niveau de ces parcs», affirme M. Amokrane. Précisant que le document donne donc des orientations opérationnelles au niveau de l’intervention mais aussi des orientations sur le plan stratégique. «On ne peut pas interdire ou freiner un développement. A titre d’exemple, l’exploitation des carrières est autorisée dans le territoire du parc mais doit se faire en harmonie avec les principes de gestion de conservation de la biodiversité», assure-t-il.
SYSTÈME DE SUIVI DE LA BIODIVERSITÉ
«Le Système de suivi est avant tout une méthodologie», assure M. Amokrane. En effet, les ingénieurs se reposent, lors de leurs sorties sur terrain, sur un cahier d’observation alimenté en fiches techniques avec toutes les informations nécessaires par rapport à l’environnement, la faune et la flore, mais aussi à la partie anthropologique et activités liées à l’homme. «Chaque trimestre, ils se rendent aux sites et font remonter l’information. Ce sont des rapports qui servent à alimenter le SIG et nous permettent de faire,
à la fin de l’année, un rapport global sur l’état de conservation», explique M. Amokrane. Autrement dit, les ingénieurs se déplacent sur le terrain, font le suivi via le système. Ils reviennent pour produire des rapports dont les informations alimentent la base de données. Ces données sont ensuite injectées dans le SIG dans le but de produire des cartes qui vont servir aux gestionnaires qui font des plans de protection.
ÉLABORATION DES PLANS DE GESTION DES PARCS
Le but est de planifier sur une période de 5 ans les activités liées à la gestion des patrimoines naturels et culturels de l’Atlas saharien, de Tindouf et de Touat Gourara Tidikelt. Ces plans sont, selon M. Amokrane, réalisés et phase de validation pour les transmettent aux parcs pour exécution. «C’est en quelque sorte de petits projets qui visent à répondre à des faits de gestion, du renforcement de capacité, continuer à travailler sur la méthodologie de suivi», précise-t-il. «A noter que pour le Tassili n’Ajjer et l’Ahaggar, qui sont les plus anciens, on produit deux plans de gestion», affirme M. Amokrane. S’étalant sur des territoires immenses, le projet n’aurait pas pu intervenir sur tout le territoire mais plutôt sur des sites pilotes pour asseoir la méthodologie et le travail de suivi et de documentation. «On produit annuellement un rapport sur le suivi de la biodiversité. Certes, le projet n’intervient que sur 4 sites dans l’Ahaggar et 4 sites à Djanet, mais l’objectif est qu’une fois la maîtrise acquise par les équipes, le travail sera déployé sur d’autres régions et d’autres écosystèmes à l’intérieur des 2 parcs», confie M. Amokrane.
LE SYSTÈME D’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE
Il fait partie des outils qui touchent le système. Si aujourd’hui, un travail de documentation et d’inventaire est effectué, l’objectif est d’aller vers un système d’information géographique. Son intérêt : récolter des informations sur le terrain avec des techniques et des protocoles de suivi, élaborés par le projet au profit des ingénieurs. Ces derniers se déplacent sur le terrain pour faire un travail de collecte des informations. Ces informations sont ensuite injectées dans la base de données du système. A cet effet, M. Amokrane affirme : «On a équipé avec du matériel certaines unités et certains parcs, à l’instar de Tindouf. Y a eu formation des cadres et constitution des équipes qui sont en train de documenter la biodiversité et le patrimoine culturel au niveau des parcs.»
D’ailleurs, le projet a permis d’élaborer un système de documentation et d’archivage des données du patrimoine culturel naturel et de la biodiversité au niveau des parcs. La partie géographique a, quant à elle, pour intérêt de produire des cartes géo référencées qui permettront d’établir un programme de gestion et de suivi des espèces. «Son intérêt est d’archiver l’information géographique a un temps T ; car les temps changent et on fait face à du vivant. On pourra ainsi constater l’évolution des territoires et de la biodiversité sur les années et faire le suivi pour déterminer les facteurs de dégradation pour mettre en place une stratégie de protection», explique M. Amokrane. A titre d’exemple, il a été constaté, grâce à ces cartes, que la gazelle a quitté certains territoires du parc de l’Ahaggar. Et en terme d’aspect positif, une régénération du couvert végétal a également été observée grâce à ces cartes. Par ailleurs, il existe un autre niveau d’intervention qui s’inscrit toujours dans le même système, c’est la documentation des savoirs et de la connaissance traditionnels. «La biodiversité c’est de la nature mais qui est vécue par les hommes du territoire. Ils ont des rapports avec cette biodiversité. Cela va être intégré à la base de données», assure M. Amokrane. Ce travail se fait par des ingénieurs et spécialistes à travers des missions de suivi régulières, à une cadence des moyens disponibles sur le terrain. «Toutes ces observations sont documentées et il est donc important que ce système soit pérennisé», recommande M. Amokrane.
ÉLABORATION DE PLANS DE PROTECTION
«Ces plans se basent sur les informations recueillies et doivent répondre à une réalité technique du terrain», explique M. Amokrane. Selon lui, le projet renforce les méthodologies et donne des orientations pour la protection. Pour ce qui est de l’exécution opérationnelle, elle est à la charge du parc. «Le projet n’a pas pour mission d’agir à la place des parcs mais plutôt de soutenir et renforcer l’efficacité de gestion des parcs, notamment les plans scientifiques pour prendre en charge la biodiversité», confie M. Amokrane. L’objectif de ces plans est donc de réduire la pression exercée sur la biodiversité, notamment à travers l’intervention des équipes au niveau des parcs. Il faut savoir que le parc a son propre système de protection. «Rien que pour l’Ahaggar, il y a pratiquement 350 agents sur le terrain», affirme M. Amokrane. Le projet vient donc en renforcement pour la méthodologie de travail et en équipement. A titre d’exemple en termes d’action pour réduire la pression exercée : instaurer la capacité de charge sur un site et ne pas tolérer un nombre supérieur ou encore instaurer des brigades de contrôle et suivi pour atténuer le braconnage. «Ce travail sera supervisé par les agents du parc qui veillent à ne pas dégrader l’environnement», assure M. Amokrane. Ce dernier affirme néanmoins que l’objectif global est d’aller vers une structure de coordination. «Au lieu de rester que cet appui a travers un projet de coopération internationale, on va instituer un système national avec une structure de coordination», conclut-il.